The Brutalist : un film avec bien plus qu’un accent hongrois
C'est un film à part, 3h35 hors du temps. Alors oui, il faut être prêt à passer près de quatre heures dans un cinéma. Mais quand on aime on ne compte pas, et quand on aime un film on est bien content qu’il ne semble ne jamais se terminer. The Brutalist, c’est le nouveau drame que nous a concocté Brady Corbet, dévoilé en avant-première au Festival International du Film de Venise, le 1er septembre 2024. Le grand public peut profiter de l'œuvre au cinéma depuis le 23 janvier 2025 tandis que les amateurs français devront se montrer plus patients, attendant une sortie prévue le 12 février 2025. Pourquoi ce film est-il singulier? Parce qu’il est intimement lié à la Hongrie, que ce soit dans son scénario, dans sa production ou même dans le choix de l’acteur principal, le fabuleux Adrien Brody, dont la mère Sylvia Plachy est originaire de Budapest. Au-delà de ce rôle important de la Hongrie, ce film est un chef d'œuvre, tant dans le scénario que dans les images, qui mérite le détour.
Un scénario original prenant
The Brutalist, c’est l’histoire de László Toth, un architecte juif né en Hongrie et émigrant aux États-Unis en 1947 pour tenter de découvrir son “rêve américain” après avoir subi les atrocités de la Seconde Guerre mondiale. Ce personnage émouvant à la psychologie complexe, pleine de tourments, est incarné à merveille par Adrien Brody. Même si elle emprunté les codes du film biographique, ou biopic, cette œuvre est pourtant un scénario original, écrit par Brady Corbet et Mona Fastvold, une cinéaste norvégienne. Le protagoniste va voir son rêve entravé par des débuts contrastés, malgré les retrouvailles avec son cousin hongrois, interprété par Alessandro Nivola. László Toth essaie également de faire venir sur le sol américain sa femme Erzsebeth et sa nièce Zsofia, bloquées en Europe Centrale. A travers ce récit, le film explore également le brutalisme, un style architectural dont l’austérité fait écho à certaines phases de l’histoire.
Les trois heures et demie du film comprennent un entracte de quinze minutes qui permet à la fois au spectateur de souffler un peu et au réalisateur de diviser son œuvre en deux parties. Ces deux chapitres ont en commun la présence régulière de la langue hongroise, qui s’ajoute à l’anglais lorsque les personnages européens sont pris par leurs émotions. Ce choix linguistique est une réussite puisqu’il ajoute non seulement de l’authenticité tout en rappelant les racines judéo-hongroises de László Toth et de sa famille. Par ailleurs, la réalisation a avoué avoir utilisé l’intelligence artificielle pour rendre plus naturelles certaines répliques d’Adrien Brody et de Felicity Jones, un parti-pris qui a fait couler de l’encre.
Une production marquée par l’héritage hongrois
Non seulement ce film met en scène Adrien Brody, dont la mère et les grands-parents ont émigré de Budapest vers les États-Unis, mais il est également tourné en grande partie en Hongrie, avec un passage dans la capitale en mars 2023. La production a tenu à filmer en utilisant le procédé VistaVision sur pellicule 35 mm pour réaliser des copies en 70 mm pour les projections. Ce choix vise à renforcer le côté authentique des images. Ce tournage en Hongrie s’inscrit dans une lignée de grands projets hollywoodiens désirant utiliser les studios hongrois, notamment Origo et Korda Studios. Ces dernières années, des blockbusters comme Blade Runner 2049 ou Dune avaient également été tournés en partie à Budapest.
L’héritage hongrois est d’autant plus présent dans The Brutalist que l’un des contributeurs les plus importants, en sa qualité de monteur, est Dávid Jancsó, fils du mythique réalisateur Miklós Jancsó, une icône du cinéma hongrois. Le père s’était distingué en réalisant des films comme Les Rouges et les Blancs (Csillagosok, katonák, 1967) ou Les Sans-Espoir (Szegénylegények, 1965). Le fils fait ses preuves sur la scène internationale en tant que monteur de films comme Monkey Man (2024) ou Pieces of Woman (2020). Avec The Brutalist, Dávid Jancsó envoie un symbole fort avec une nomination aux Oscars pour un projet intimement lié à l’histoire de son pays. Il était loin d’être le seul hongrois sur le plateau, avec l’implication de nombreux acteurs compatriotes tels que Benett Vilmányi, Dóra Sztarenki ou Mariann Hermányi, pour ne citer qu’eux.
Une reconnaissance internationale en construction
Après une présentation à la Mostra de Venise en septembre 2024, où il a déjà reçu cinq prix, The Brutalist n’a cessé d’accumuler des nominations pour les plus grands festivals internationaux. Le film a été récompensé trois fois en janvier, lors des Golden Globes. Adrien Brody y a été acclamé en tant que meilleur acteur dans un film dramatique. Pour ce qui est des Oscars, le long-métrage de Brady Corbet a reçu dix nominations, ce qui donne bon espoir à l’équipe du film de recevoir au moins une ou deux statuettes légendaires. Adrien Brody, Felicity Jones et Guy Pearce sont tous en course pour des récompenses individuelles.
La réception du film par la presse et le grand public est également positive. The Brutalist a reçu cinq étoiles sur cinq de Peter Bradshaw, célèbre critique pour The Guardian, qui se réjouit d’avoir visionné “une épopée étonnante et captivante”.
Le cinéma hongrois regorge de talent. Dans The Brutalist, il est associé à des pointures internationales. Le résultat est captivant, fracassant, sans être non plus brutal.
Faustin Clémot