Ballet : „Les Flammes de Paris” au Théâtre Erkel de  Budapest

Ballet : „Les Flammes de Paris” au Théâtre Erkel de  Budapest

Flammes Paris

Sur un air de carmagnole...

Les Flammes de Paris (Пламя Парижа) est un ballet russe créé au Kirov (Mariinski) en 1932, repris l´année suivante au Bolchoï sur une musique de Boris Assafiev. Rarement donné (1), nous avions ici une occasion de le découvrir. (Dernières représentations données à Budapest : 1950 et 1977.) L´intrigue est librement adaptée d´une nouvelle de Félix Gras („Les Rouges du Midi”). Une histoire d´amour sur fond de Révolution. La version ici donnée s´écarte sensiblement de l´original. Les principaux personnages : Gaspard, un paysan et sa fille Jeanne, tous deux épris d´idéaux révolutionnaires, le Marquis de Beauregard, ennemi juré de la Révolution et Philippe, meneur des révolutionnaires marseillais. L´intrigue, difficile à résumer en quelques lignes : nous sommes dans les environs de Marseille. Suite à un incident, Gaspard se trouve immobilisé sur les terres du Marquis qui, l´y découvrant, le maltraite violemment. Jusqu´au moment où, débouchant de la forêt, les Marseillais, conduits par Philippe, délivrent Gaspard et chassent le marquis. Jeanne se joint à leur troupe en marche vers Paris sous la conduite de Philippe. Les deux, Jeanne et Philippe, s´étant entre temps épris l´un de l´autre. La scène suivante nous mène à la cour de Versailles où s´est réfugié le marquis. Pour divertir la cour, deux acteurs : Mireille et Antoine (amants, sympathisants en secret de la Révolution). Le marquis, révélant à l´entourage le danger menaçant, incite le souverain à libeller une demande d´intervention de troupes étrangères. Dans la confusion, Antoine s´empare de la missive pour la porter à la connaissance des révolutionnaires. Ce voyant, le marquis l´abat, mais Mireille réussit à s´emparer du précieux billet. Paris : danses et réjouissances du peuple, quand arrive Mireille avec le document révélant les visées du roi contre son peuple. Furieux, le peuple envahit les Tuileries où le marquis sera défait dans un duel avec Philippe. Happy end : toutes et tous célèbrent dans la joie la liberté sur fond d´une union scellée entre Jeanne et Philippe. (Danses allégoriques symbolisant l´Égalité et la Fraternité.) Au plan musical, un prétexte pour citer au passage des airs révolutionnaires (Marseillaise, Carmagnole, Ça ira !)

Une production hongroise confiée au chorégraphe russe Michael Messerer (à partir de la chorégraphie originale de Vassili Vajonen), qui avait déjà œuvré pour l´Opéra du Budapest (et à un autre Russe, Oleg Molchanov, pour les décors, les costumes étant de la Hongroise Nóra Rományi). Dans le rôle de Jeanne, la danseuse étoile Miyu Takaromo. A ses côtés, Morimoto Yusuke dans le rôle de Philippe, Gábor Szigeti incarnant le marquis et Yourim Lee-Takaaki Okajima pour incarner le couple Mireille-Antoine., Le tout placé sous la direction musicale de Balázs Kocsár. 

Flammes Paris

Un ballet que nous allions donc découvrir. Le peu que nous en savons est qu´il remporta un grand succès lors de ses présentations tant à Moscou qu´à Budapest. Un thème qui n´est pas sans rappeler la tradition de l´opéra révolutionnaire français. Je pense à Méhul, et surtout à Cherubini avec son fameux „Porteur d´eau” que Beethoven admirait tant. Voyons donc que qu´il en est.

Après plus de quarante ans d´absence sur la scène hongroise, une reprise pour laquelle les efforts n´ont pas été ménagés : 4000m2 de décors, plus de cent costumes, rôles principaux partagés entre trois équipes de danseurs et danseuses étoile au fil des représentations. Et le résultat fut à la hauteur : une pure merveille. Tout d´abord par la richesse des costumes chatoyants, mais aussi par les décors. Les deux héros du jour étant Jeanne et Philippe merveilleusement dansés, soit individuellement, soit en pas de deux, au point de susciter des acclamations dans la salle. Mais aussi - et peut-être surtout - l´ensemble du corps de ballet qui joue ici en définitive le rôle principal, celui du peuple, en constant mouvement dans un véritable festival de danses populaires. Le tout servi en finesse et avec goût, sans jamais tomber dans la vulgarité. Une action en constant mouvement, menée sur un rythme presque frénétique, de sorte que, sur ces quatre-vingt-dix minutes, nous n´avons pas vu le temps passer. Et une action fort bien menée, tel ce contraste entre la scène nous présentant des danses d´une grande élégance, malgré tout quelque peu maniérées, à la cour et la scène suivante qui nous conduit à Paris dans un joyeux déploiement de danses et farandoles.

Flammes Paris

Dernier intervenant à mentionner, et non le moindre : l´orchestre et sa partition. Musique que nous devons à un compositeur russe pratiquement inconnu chez nous mais qui, paraît-il, eut son heure de gloire auprès des siens. Une musique empreinte d´élégance, en constant mouvement. Sans compter ces admirables adaptations et variations sur nos airs nationaux, telle la Marseillaise qui revient comme un leit motiv sous des formes toujours renouvelées. Le tout servi par un orchestre aujourd´hui au mieux de sa forme.

Que conclure ? Plus qu´à un ballet, c´est à un véritable spectacle qu´il nous a été donné d´assister, et quel spectacle ! Probablement l´un des plus réussis jamais vus sur la scène de Budapest. Lors d´une série d´interviews donnée avant les représentations, les danseurs avouaient avoir mis le meilleur d´eux-mêmes et s´être longuement préparés pour faire apprécier au public cette découverte (car s´en est une) en lui offrant une prestation à la hauteur de l´œuvre. Pour le coup, ce fut réussi.

Pierre Waline

 

Crédit photographique : Péter Rákossy.

(1): repris en 2008 au Bolshoï. (Diffusé sur la chaîne Mezzo, enregistrement disponible.)

 

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