Une bonne nouvelle pour les mélomanes : rajeuni et ayant retrouvé son éclat d’antan, L’Opéra de Budapest vient de rouvrir au public
Présentation à la presse
Après plus de quatre années de fermeture pour travaux, l’Opéra de Budapest (salle de l’avenue Andrássy) rouvre ses portes. Pour célébrer l´événement était programmée une soirée de gala avec la participation de Placido Domingo au pupitre (1), suivie d´une représentation de l’opéra László Hunyadi de Ferenc Erkel. Parallèlement à une exposition consacrée au compositeur hongrois (2).
La saison 2022-23
Avant de nous conduire dans les coulisses, son directeur Szilveszter Ókovács nous présente la saison 2022-23. Une saison placée sous le motto „Mythe et Histoire”, formule symbolisant à ses yeux l’étroite interaction entre réalité historique et mythe dans l’histoire de l’opéra. Pour la prochaine saison, nous sont annoncées plus de 500 représentations regroupant 53 œuvres du répertoire, dont seize créations. Mais laissons là les chiffres et voyons quelques-uns des temps forts ou nouveautés de cette prochaine saison. Tout d´abord deux premières : Parsifal et le Crépuscule des Dieux (complétant ainsi la Tétralogie) qui, curieusement, n’avaient encore jamais été donnés sur la scène hongroise. Dans un tout autre genre, un inédit de Mozart : sa délicieuse Finta giardiniera (en co-production avec l’opéra de San Diego) et Idoménée (dont la dernière représentation remonte à 1979). Le répertoire contemporain ayant également la part belle, tel „Le cinquième sceau” („Az ötödik pecsét”) composé sur commande par Iván Madarász sur un livret de Zoltán Fábri dont l’action se situe lors du siège de Budapest. Un répertoire très varié, donc, qui s’étend du baroque (Monterverdi, Purcell) à la période contemporaine en passant par les grands classiques, l’opéra romantique et la période vériste (Tosca), sans oublier les incontournables du siècle dernier (Debussy, Bartók, R.Strauss, Poulenc, Prokofiev, Gershwin). Pour le public français, à noter, parmi les créations contemporaines, „Fantasio & Fotunio” de l’Italien Giampaolo Testoni sur des comédies d’Alfred de Musset. Enfin, pour célébrer le bicentenaire du poète hongrois Petőfi, une reprise de „Jean le Preux” („János Vitéz”) de Pongrác Kacsóh créé sur cette même scène en 1904 d’après l’œuvre du poète.
Une saison également largement consacrée au ballet (dont la troupe réintègre le site de l’avenue Andrássy). Une création : „L´effet Pygmalion” („The Pygmalion Effect”), ballet à sujet mythologique sur une chorégraphie du Russe Boris Eifman et une musique de Johann Strauss junior. Une innovation : „Bedroom Folk” de Sharon Eyal et Gai Behar (Israël) créé à La Haye en 2015 et présenté en 2018 au Palais des Arts. Ballet dit „acrobatique” d’un nouveau genre, conçu à l’origine pour être produit exclusivement par une troupe d’hommes, mais auquel se joindront ici des femmes (Atelier Eiffel).
Que signaler encore ? Une série réservée aux classes des collégiens (13 ans) proposant des grands classiques du répertoire, remaniés et adaptés au jeune public. Enfin, un festival programmé en mai sous le titre „Fête du Mythe” („MitoszFeszt”) avec entre autres des productions inspirées de l’antiquité : Electre, Iphignénie en Tauride, Ariane à Naxos ou encore le ballet „Jeux de Troyes” („Troy Game”) du chorégraphe américain Robert North sur une musique du Britannique Bob Downes.
Enfin, comme de coutume, la saison sera agrémentée de nombreux concerts, projections de films (dont „Joyeuses Pâques” avec le couple J. P. Belmondo-S. Marceau) et manifestations diverses, telle une soirée de gala donnée à l’occasion des 80 ans de la chanteuse Éva Marton. De nombreuses vedettes invitées de l’étranger dont les Russes Anna Shapovalova (Guerre et Paix) et Aïda Garifullina (Soirée de gala), la Slovaque (d’origine hongroise) Eva Bodorová (L’Enlèvement au Sérail), l’Italienne Angela Nisi (La Bohême) ou encore nos compatriotes Marc Piolet (Contes d’Hofmann) et le chef Frédéric Chaslin (Le Dialogue des Carmélites). Et bien d’autres encore que nous ne pouvons ici tous citer.
Une saison 2022-23 qui s’annonce donc chargée, dont nous n’avons pu donner qu’un bref aperçu.
La remise à neuf (visite guidée)
Depuis son ouverture en septembre 1884, l’Opéra de Budapest ne fut l’objet que de deux rénovations (1912, 1981-84) et encore, très partielles. Devenu obsolète, offrant un confort limité et une acoustique laissant à désirer, sans parler des équipements et installations techniques devenus vétustes. Il était donc grand temps de le rénover. Ce qui fut réalisé de fond en comble sur un chantier ouvert lors de l’été 2017. Atelier gigantesque où tout fut entièrement repris, de la salle aux coulisses, de la façade aux espaces annexes. La salle, tout d’abord : démontage et remplacement des sièges par des fauteuils plus confortables, plus espacés. Occupation des loges réduite de six à quatre fauteuils. Au parterre, regroupement des places sur une unité centrale (suppression des travées latérales). Agrandissement de la fosse d’orchestre prenant sur les deux premières rangées, la salle passant ainsi de 1200 à 1000 places. Nouveaux rideaux de scène. Le tout, au-delà d’un confort amélioré, conçu pour favoriser une meilleure acoustique, ce dans le moindre détail. Tel ce remplacement des cloisons séparant les loges par des panneaux en bois de roseau. Ou encore cette trouvaille originale consistant, par le biais des voies d’aération, à relier directement la fosse au sol de la salle. A noter encore l’installation de deux grands ascenseurs dans les escaliers latéraux menant à la tribune supérieure. Restauration également au plan esthétique. Nettoyage et restauration des fresques et statues, remplacement des revêtements muraux (tissus), nouveaux éclairages. Remplacement des lampes du grand lustre, orientées vers le plafond pour en éclairer les fresques. Le tout conçu pour restituer au bâtiment son aspect d’origine, mais en faisant appel aux dernières innovations de la technologie moderne.
La scène (le plateau) et les coulisses, enfin. Tout d’abord agrandie (sur 36 mètres de profondeur), munie de blocs mobiles élévateurs („rues”) qui, reliés entre eux, peuvent former un fond de scène en pente (améliorer la visibilité). Remplacement des éclairages regroupés sur les côtés (éviter l’aveuglement des chanteurs et danseurs). Remplacement des câbles (également dans les espaces publics). Un nouvel espace à même d’accueillir les décors (jusque-là entreposés à l’extérieur). Le tout commandé par ordinateurs.
Au-dessus de l’espace scénique (51 mètres „de la cave au grenier”), ouverture dans les étages supérieurs de grandes salles de répétitions (anciens ateliers) à la disposition des chanteurs et danseurs, ces derniers pouvant évoluer en espace „réel”, correspondant à la largeur du plateau. Et, bien sûr, réfection et amélioration des espaces réservés aux artistes (vestiaires, salles de maquillage, salles de repos) avec entre autres de nouvelles installations sanitaires munies de douches et d’un sauna. Ceci améliorant leur confort et favorisant du même coup – comme le souligne Sz. Ókovács – la qualité de leur prestation.
Ici encore, nous ne pouvons offrir qu’un aperçu, mais qui suffira à donner une idée de l’ampleur des travaux entrepris. Revers de la médaille : hausse prévue des tarifs pour compenser la réduction du nombre des places, mais on nous promet des remises sur certaines catégories et types d’abonnement. Dans la perspective, donc, de pouvoir juger et apprécier bientôt par nous-même.
(A noter la prochaine fermeture à son tour du Théâtre Erkel dont les équipements ont souffert du fait de la surcharge entraînée par la fermeture de la salle principale cinq saisons durant).
Pierre Waline
(1): Placido Domingo que nous retrouverons en mai prochain sur la scène hongroise, cette fois comme chanteur, dans Simon Boccagnera.
(2): considéré par les Hongrois comme leur véritable compositeur national, Ferenc Erkel (1810-1893), dont l´oeuvre se rapporte à l´histoire de son peuple, joua un rôle essentiel dans la création de l’Opéra dont il fut le premier directeur artistique. Auteur de l´hymne national, il fut entre autres lié à Berlioz qui ne tarissait pas d´éloges sur son ami: « M. Erkel est un excellent et digne homme d'un grand talent : j'ai entendu son opéra Hunyadi. Il y a dans cette œuvre une foule de choses remarquables par leur originalité et surtout par la profondeur du sentiment qui les a dictées. C'est purement écrit et instrumenté d'une façon très intelligente et très fine”.
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