Un opéra inédit de Haydn produit (en concert) sur la scène de Budapest: L´Infedelta delusá (L´Infidélité déjouée)

Un opéra inédit de Haydn produit (en concert) sur la scène de Budapest: L´Infedelta delusá (L´Infidélité déjouée)

Infedelta

„Pour voir un bon opéra, il faut se rendre à Esterháza”. Esterháza (aujourd'hui Fertőd en Hongrie), résidence des princes Esterházy auprès desquels était engagé Joseph Haydn. C'est à l'impératrice Marie-Thérèse que nous devons cette remarque flatteuse, précisément après avoir entendu l'Infedelta delusá (septembre 1773). Car, s´il est avant tout connu pour ses symphonies et ses quatuors, qui sait que Haydn nous a également laissé une douzaine d'opéras ? Certes, des œuvres ne pouvant rivaliser avec les opéras de Mozart - ce que Haydn reconnaissait volontiers - mais non dépourvues de charme et qui valent la peine d'être (re)découvertes. Occasion nous en a été donnée par le chef hongrois György Vashegyi qui vient de l'inscrire au programme du Festival Haydn qui se tient chaque automne.

„L'Infedelta delusá mérite tout notre intérêt ; historiquement d'abord, en ce qu’elle annonce le Cosí fan tutte ; pour ses mérites dramatiques ensuite ; pour ses qualités musicales enfin, malgré l'inévitable comparaison avec Mozart. Crevons l'abcès tout de suite : on ne trouvera pas dans cet ouvrage les mélodies inspirées de Cosí. Celles de Haydn apparaissent un rien plus laborieuses. Mais les qualités du musicien sont ailleurs : dans un discours toujours renouvelé, alternant les formes, osant des développements originaux. Il y a chez Haydn des audaces, des originalités à l'opposé du relatif formalisme mozartien, qui font tout le prix de ce compositeur. (Placido Carrerotti, ForumOpera).

„Le genre de l'Infedelta delusá est très nettement défini : c'est une Burletta per musica, un opéra-comique dénué de toute gravité. Son histoire ne se prête pas aux intrigues émotionnelles (Cosí fan tutte!)” (László Somfai). Mais offrant une variété et originalité de styles pratiquement inégalées.

Infedelta

Le livret : l'histoire se déroule en Italie en 1700. Sandrina, une jeune paysanne, semble résignée à épouser Nencio, un paysan aisé, sous la pression de son père Filippo. Pourtant, la jeune fille est amoureuse d'un autre paysan, désargenté, le jeune Nanni, dont la sœur Vespina était autrefois l’amoureuse de Nencio. Pour retrouver son amant et venir au secours de son frère, Vespina multipliera les déguisements. Habillée en vieille femme, elle fait croire à Filippo que Nencio a abandonné sa fille après l'avoir séduite ; sous le déguisement d'un serviteur allemand, elle annonce à Nencio les noces prochaines de Sandrina avec son maître ; quand enfin elle se fait passer auprès du même Nencio pour le nouveau fiancé de Sandrina, le marquis de Ripafratta, c'est pour lui annoncer son intention de faire épouser la jeune fille à son domestique. Ainsi tournés en bourrique, les différents protagonistes se retrouvent pour une cérémonie où l'imaginative Vespina (cette fois déguisée en notaire) met un point final au délire général en mariant Sandrina à son cher Nanni. Un livret sans grande originalité, dans la lignée des opéras italiens de l'époque (1), mais qui se prête idéalement, par l'enchaînement de ses scènes et la multiplication des ensembles, à la mise en valeur des qualités musicales de son auteur.

 La distribution : Ella Smith (Vespina), Szilveszter Szépál (Nanni), Adriána Lalafszky (Sandrina), Zoltán Megyesi (Nencio), Bernhard Berchtold (Filippo) accompagnés par l´orchestre Orfeo, le tout placé sous la direction de György Vashegyi. La cadre, la salle Beethoven du couvent des Carmélites (Buda). Des chanteurs pleinement engagés pour servir une œuvre regorgeant de fantaisie et de situations comiques, aux personnages bien caractérisés. Soutenus pour cela par un orchestre inspiré sous la direction enlevée de son chef.

Malgré tout - il s'agissait d'une version concert – les intervenants eurent beau se donner à fond pour tenter d'animer le tout (et ils y réussirent), rien ne remplacera une version scénique. Surtout ici, pour une œuvre toute en mouvements. Mais ne boudons pas notre plaisir et reconnaissons au chef le mérite, le courage, d'avoir ressorti des cartons une œuvre créée voici 250 ans et peu jouée depuis. (Apparemment appréciée ce soir par un public comblé). Peut-être sera-t-il donné un jour sur le lieu de sa création, dans le petit théâtre (reconstruit) du château de Fertőd ? Il est toujours permis de rêver…. (2)

Pierre Waline

(1): que l'on pense à la Finta giardiniera de Mozart qui présente des analogies.

(2): à signaler un excellent enregistrement, l'un des premiers réalisés, que nous en ont laissé les Hongrois (Hungaroton, 1976)

Catégorie