Un Mendelssohn inédit sous la baguette du jeune chef Gergely Madaras (1)

Un Mendelssohn inédit sous la baguette du jeune chef Gergely Madaras (1)

Madaras Dániel

Bien connu des habitués de la chaîne Mezzo, le jeune chef hongrois Gergely Madaras (40 ans) est depuis 2019 à la tête de l’Orchestre Philharmonique Royal de Liège après avoir dirigé l’Orchestre de Dijon Bourgogne. Titulaire d’un Prix spécial remporté au concours de Besançon, Madaras est régulièrement invité à diriger de nombreux orchestres en Europe et en Hongrie. Tel était le cas ce soir où il était placé à la tête de l’Orchestre symphonique de la Radio hongroise dans un concert donné à l’Académie de Musique (Zeneakadémia) de Budapest. Au programme Félix Mendelssohn.

Mais…un Mendelssohn moins connu du grand public. Jugeons-en : ouverture des Hébrides op. 26, double concerto pour piano et violon en ré mineur, et, pour terminer, la Première Nuit de Walpurgis op 60. Les solistes : Julia Pusker (piano) et Zoltán Fehérvári (violon) dans le concerto, Kornélia Baka (alto), Zoltán Megyesi (ténor), Zsolt Haja (baryton) et Krisztián Cser (basse) accompagnés par les chœurs de la radio dans la Nuit de Walpurgis.

Madaras DánielL’Ouverture des Hébrides („grotte de Fringal”) fait suite à un voyage que le compositeur avait effectué en Écosse, visite qui l’avait impressionné. Composée durant l’hiver 1830-31, l’œuvre fut remaniée en 1832. Ce qu’en dit la critique : „Les idées musicales de ce morceau nous font partager la mélancolie des paysages écossais et des lieux qui inspirèrent les poèmes de James Macpherson, ainsi que les récits de Walter Scott.” Cependant, cette œuvre n'a rien d'une musique descriptive. Elle relève, selon Marc Vignal, „d'une vision impressionniste avant la lettre » et constitue comme « le premier grand tableau marin de la musique romantique ». Œuvre qui prélude à la Symphonie écossaise qui sera publiée en 1842.   

Composé à l’âge de 14 ans, le double concerto ne fut pas publié du vivant du musicien pour n’être tiré des archives qu’en 1999. Une partition de jeunesse, où se ressent entre autres l’influence de Hummel dont il fut l’élève. Partition sans prétention, mais empreinte de fraîcheur.

Entamée en 1831, mais publiée en 1843 après un profond remaniement, la Première Nuit de Walpurgis, cantate en six parties, s’inspire d’un texte de Goethe. Poème évoquant les tentatives des druides des montagnes du Harz pour pratiquer leurs rituels païens face aux nouvelles forces chrétiennes dominantes. Mendelssohn y a notamment été attiré par la scène des fantômes (que l’on retrouve dans le Songe d’une Nuit d’été) et peut-être aussi (dans une moindre mesure) „par l’idée du triomphe d’un groupe opprimé dans un pays occupé” (wikipédia).

L’interprétation.

Rien à redire sur l’ouverture des Hébrides, rendue avec brio. Notre légère réserve irait plutôt sur le double concerto que nous aurions aimé exécuté avec un peu plus d’entrain. Par contre, les solistes nous ont offert un charmant bis, avec la transcription piano-violon d’une Romance sans paroles, fort bien rendue.

Pour la Nuit de Walpurgis, notre seule (encore légère…) réserve irait du côté de l’alto, excellente, certes, mais dont la voix nous a semblé – comment dire ? - quelque peu caverneuse (encore que cela réponde à l’ambiance de l’œuvre…). Il est vrai que la discographie nous a habitués à des interprétations irréprochables... Je pense nomment à Eda Moser dans un enregistrement réalisé en 1973 par Kurt Masur à la tête de l’Orchestre du Gewandhaus de Leipzig. 

Mais ne boudons pas notre plaisir. Ce fut là une belle soirée, notamment par le choix d’œuvres rarement jouées et qui en valait la peine. Le mérite en revient au chef, qui nous a habitués à sortir des sentiers battus pour nous révéler des œuvres inédites du répertoire romantique et postromantique (telle une intégrale des symphonies de Donányi qu’il vient d’enregistrer).

Une soirée bienvenue et copieusement applaudie. L’année prochaine prendra fin le mandat de Madaras à  Liège. Où prendra-t’il la suite ? Je suppose que les offres ne manqueront pas.

Pierre Waline

(1): retransmission radiophonique.

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