Un hôte de marque sur la scène de Budapest : l’altiste Maxim Rysanov dans un programme Schubert-Mendelssohn (1)

Un hôte de marque sur la scène de Budapest : l’altiste Maxim Rysanov dans un programme Schubert-Mendelssohn (1)

Rysanov

L’altiste d’origine ukrainienne, installé à Londres, Maxim Rysanov est unanimement considéré par la critique comme un véritable phénomène. Certains allant jusqu’à le qualifier de „prince de l’alto”, voire de „nouveau Paganini”. Jugement qui pourrait paraître a priori quelque peu excessif, néanmoins confirmé par les nombreux prix que le jeune altiste (et chef d’orchestre) a remportés jusqu’ici, tel le Gramophone Award en 2008 (2). Formé à Moscou puis à la Guildhal School de Londres, dont il remporta en 2000 la médaille d’or, Rysanov se produit régulièrement sur la scène internationale, notamment invité par les membres de l’Orchestre du Festival de Budapest. Jouant sur un instrument conçu en 1780 par le luthier italien Giuseppe Guadagnini, Maxim Rysanov était accompagné ce soir par l’Ensemble de Cordes de Budapest (Budapesti Vonósok). Au programme : de Schubert le Quartettsatz D 703 et la sonate Arpeggione D 821 (transcription), de Mendelssohn, l’Octuor à cordes op. 20.

Le Quartettsatz (mouvement de quatuor), ou quatuor à cordes no 12 en ut mineur de Schubert fut composé en décembre 1820. Il ne fut créé à Vienne qu’en mars 1867 à l’initiative de Brahms qui en possédait le manuscrit. Le premier mouvement Allegro assai est complet mais seules une quarantaine de mesures de l’andante existent. Schubert n’acheva d’ailleurs aucune de ses partitions cette année-là, qui appartient à une période tourmentée où l’artiste se cherchait. „Le tragique imprègne l’œuvre dont l'écriture tant au niveau de la forme que de l'expression, marque une étape dans l'évolution du style de Schubert” (Wikipédia).

Écrite en novembre 1824, mais publiée seulement en 1871, la sonate pour piano et arpeggione en le mineur est jouée de nos jours essentiellement dans des transcriptions et arrangements pour violoncelle ou alto, l’arpeggione ayant pratiquement disparu de nos jours. Transcriptions qui posent le problème d’une étendue moindre par rapport à l'arpeggione et imposent des modifications d'articulation (4 cordes au lieu de 6). L’est en trois mouvements (allegro moderato, adagio, allegretto). Ce soir, elle nous était servie dans une adaptation pour alto et cordes due à la compositrice Dobrinka Tabakova.

L’Octuor de Menselssohn est une œuvre de jeunesse, composée en 1825, alors que le compositeur avait 16 ans, C’est en mars 1832, puis en janvier 1836 qu’il fut créé - moyennant de légères retouches - au Gewandhaus de Leipzig oú il fut couronné de succès. Conçue en quatre mouvements, l’œuvre est écrite à l’origine pour 4 violons, 2 altos et 2 violoncelles.

Rysanov

Alors ? Le soliste tout d’abord, qui se produisait dans la sonate Arpeggione, accompagné par les cordes de Budapest emmenées par leur premier violon (concertmaster) János Pilz. Que dire ? Une prestation allant au-delà de nos attentes et ne faisant que confirmer les louanges de la critique. Par quoi commencer ? Tout d’abord ce profond lyrisme, un instrument qui chantait littéralement. Une grande clarté du son, également, et un jeu tout en nuances, tantôt énergique, tantôt au contraire empreint de douceur. Et, tout au long de l’exécution, un soliste en totale symbiose avec les musiciens. Eux-mêmes excellents, jouant à l’unisson, Des cordes sonnant agréablement sans aucune agressivité. Une sonate Arpeggione comme nous ne l’avions pas entendue jusqu’à présent, que nous redécouvrions sous une forme nouvelle, quasi concertante, mais sans rien perdre de son charme, bien au contraire. Même remarque pour le Quartettsatz qui précédait. Alors que l’on eût pu redouter l’élargissement de quatre à dix-sept (!) instruments, cela ne faisait que souligner davantage le côté tendu, tragique du mouvement qui annonce déjà de loin le climat du Quintette en ut majeur…

Servi après la pause, l’Octuor de Mendelssohn offrait un étonnant contraste par sa jeunesse pleine de vie, son atmosphère presque enjouée. Ce qu’ont fort agréablement rendu les musiciens de Budapest. On retiendra notamment son troisième mouvement scherzo qui annonce le Songe d’une Nuit d’Été ou encore son finale presto où, par endroits, on ne peut s’empêcher de penser de loin à la Grande Fugue de Beethoven. Une œuvre de jeunesse, certes, mais oú pointe déjà le grand musicien que sera Mendelssohn. Ici encore, admirablement servi par des musiciens en verve, brillamment menés par leur premier violon.

Une belle soirée, donc, qui allait au-delà de nos attentes, d’ailleurs fort bien accueillie par un public visiblement conquis. Les musiciens de János Pilz se produiront à nouveau fin décembre dans un concert associant entre autres Haydn (concerto pour violoncelle) et Schubert (quintette à cordes). A noter sur nos tablettes.

Pierre Waline

(1) : concert donné à l’Académie de musique, salle Solti.

(2) : l’ayant entendu dans le concerto de Bartók, un critique, séduit par son jeu „passionné, énergique et puissant », déclara: „désormais, on ne pourra plus considérer l’alto comme un instrument en retrait, mais bien à part entière.”

Catégorie