Un Chostakovitch inédit présenté en première audition au public hongrois

Un Chostakovitch inédit présenté en première audition au public hongrois

Chostakovic

Fils de Kurt Sanderling, le chef allemand Thomas Sanderling (82 ans) est né et a fait ses débuts en Union soviétique. C’est alors que Chostakovitch, l’ayant entendu diriger à Moscou, lui confia la création en Allemagne de ses dernières symphonies. Dès lors, une étroite amitié allait lier les deux hommes. C’est en sa mémoire que Thomas Sanderling décida de lui consacrer un concert, en cette année où l’on s’apprête à commémorer les cinquante ans de la disparition du compositeur. Au programme, des œuvres données pour la plupart en première audition hongroise : ouverture de Columbus op.23, concerto pour violoncelle op. 125, extraits de la suite Lady Macbeth op. 29a et la deuxième suite de valses. Concert donné au Palais des Arts par l’Orchestre symphonique de la MÁV avec le violoncelliste allemand Gustav Rivinius en soliste.

Rivinius

De Columbus, créé à Leningrad en 1929, nous ne pouvons en dire grand-chose, sinon qu’il est censé conter les aventures et mésaventures d’un pauvre Européen découvrant la riche Amérique des années vingt. Bien que teintée d’un léger relent d’anti-américanisme, l’œuvre se vit vilipendée par la censure pour sa connotation de „musique occidentale dépravée”. Peu importe. Ce qui nous importait en cette soirée était de découvrir ici une œuvre séduisante par sa vivacité, la richesse de ses sonorités, ses rythmes et ses pointes (par moments sarcastiques, certes. Mais non dépourvues d’humour) bien caractéristiques du compositeur. Bref, une œuvre où l’on ne s’ennuyait pas, ici fort bien rendue.  

Tout autre allait être le concerto de violoncelle inscrit au programme. Il s’agit en fait, sous le titre d’opus 125, d’un remaniement du concerto op. 129 de Schumann, en un seul mouvement. Adaptation effectuée à la demande de son ami Mstislav Rostropovitch. Pourquoi ? Nous l’ignorons. Probablement pour en étoffer l’orchestration par l’ajout d’instruments (deux cors, une harpe, une flûte piccolo), conférant à l’ensemble plus de poids et pour ainsi mieux servir l’équilibre entre soliste et instrumentistes.  Rien de particulier à en dire. Sinon que, tout en respectant à la lettre le style de l’époque, Chostakovitch nous a offert ici un moment de musique plaisant, certes, mais sans grande originalité, y introduisant néanmoins sur la fin quelques petites pointes de son cru. En bis, le soliste nous a servi deux pièces contemporaines suivies de „Rêverie” de Schumann, accompagné par le premier violoncelle solo de l’orchestre. 

Sanderling

Au départ destiné à s’inscrire dans une trilogie contant le sort de la femme russe au cours des siècles, la composition de Lady Macbeth, débutée en 1930, fut achevée fin 1932. Mais l’opéra se vit interdit de représentation de longues années durant, s’étant attiré les foudres de Staline. Il fait aujourd’hui partie des opéras les plus joués du répertoire russe. De la suite, nous ne pouvons malheureusement ici commenter les deux extraits donnés, en raison de leur brièveté.

Pour passer au temps fort de la soirée, la deuxième suite de valses. Se composant de huit valses, la suite est surtout connue pour sa célèbre sixième valse, largement reprise au cinéma (que l’on retrouve par ailleurs dans la deuxième suite de jazz). Un ensemble encore jamais donné sur la scène de Budapest dans son intégralité. Des pièces délicieuses qui méritent, à l’exception de celle citée plus haut, d’être mieux connues. Toutes aussi charmantes les unes que les autres, chacune dans un genre différent. A noter au passage que, comme Prokofiev, Chostakovitch s’intéressait aux musiques de film, ayant lui-même accompagné des projections au piano. Et, bien évidemment, l’orchestre nous a servi en bis la fameuse valse „hit parade” introduite par un envoûtant solo de trompette, bis - on pouvait s’y attendre… - acclamé par le public.

Dans l’ensemble, un Chostakovitch inédit, donc, sortant du sentier battu des symphonies, que le chef allemand a eu l’heureuse idée de faire découvrir au public hongrois, apparemment convaincu. Chostakovitch, probablement l’un des plus grands compositeurs russes de son temps, aux côtés de Stravinsky et Prokofiev (les trois s’étant étroitement côtoyés).

Pierre Waline

Catégorie