Roberto Benzi à Budapest dans un concert associant Rossini, Mozart et Schubert (1)
Vous vous souvenez ? Enfant prodige, il dirigeait son premier concert à six ans. Il étudia ensuite avec André Cluytens, et dirigea, en tant que chef, à partir de 11 ans : Roberto Benzi. Par la suite directeur musical de l’Orchestre Bordeaux Aquitaine de 1972 à 1987 avant de se produire à la tête des formations les plus prestigieuses. Pour l’accompagner, dans un programme associant Mozart, Schubert et Rossini, la pianiste Isabelle Oehmichen. Issue d’une famille de mélomanes, Isabelle Oehmichen, qui se destinait au départ à la danse, remporta en 1989 le Premier prix du concours international Milosz Magin avant de se produire quatre ans plus tard à la Fondation Cziffra devant le pianiste hongrois qui déclara à son propos : „Ce n’est pas seulement une pianiste, mais une musicienne. Il faut faire quelque chose avec elle”. Voilà qui est fait, Isabelle Oehmichen ayant figuré depuis parmi les animatrices de la Fondation et se produisant régulièrement en concert, notamment en Hongrie, pays avec lequel elle a de nombreuses attaches (y animant un master de formation chaque été). Au programme : Rossini ouverture du Barbier de Séville, Mozart 12e concerto K 414, Schubert 5e symphonie. Le tout accompagné par l’Orchestre symphonique Monárchia de Budapest.
De l’ouverture du Barbier, nous n’avons pas grand-chose à dire, tant elle est célèbre. Sinon que de rappeler qu’elle avait été composée à l’origine pour un autre opéra, Palmira (1813), réutilisée ensuite dans Elisabetta, regina d’Inghilterra (1815). Composé à Vienne en 1782, alors que Mozart avait 26 ans, le concerto K414 en le majeur se divise en trois mouvements : Allegro, Andante, Rondo allegretto. Il fait partie avec le 11e et le 13e d’un groupe de trois concertos publiés simultanément. Œuvres écrites pour ses académies avec le souci de plaire au plus grand nombre, pour gagner à se faire reconnaître. „Ces concertos tiennent le juste milieu entre le trop difficile et le trop facile. Ils sont brillants, agréables aux oreilles, naturels sans tomber dans la pauvreté” (lettre de Mozart à son père). A noter le thème d’une ouverture de Jean-Chrétien Bach repris dans l’andante. Hommage à son ami qui venait de disparaître, qui se ressent dans la mélancolie qui émane du mouvement empreint de poésie, en contraste avec les deux autres mouvements, plus proches du style galant.
Composée en 1816, alors que Schubert avait 19 ans, sa cinquième symphonie en si bémol majeur ne fut exécutée en public qu’en 1841, soit treize ans après la mort du compositeur. Elle se divise en quatre mouvements : Allegro, Andante, Menuet, Allegro vivace. A la fois classique dans sa forme et riche au plan mélodique, l’œuvre fait appel à un nombre limité d’instruments : ni clarinette, ni trompette, ni percussion, une formation proche des premières symphonies de Mozart. Œuvre écrite dans une période prolifique qui se distingue notamment par un allegro initial débutant par quatre brèves mesures sans cette introduction lente qui caractérise ses autres symphonies, lui conférant un caractère intime. Œuvre légère et sereine dénuée de tout pathos. Un Schubert ici visiblement inspiré par Mozart.
La soliste, tout d’abord. Entendue et appréciée à maintes reprises par le passé, Isabelle Oehmichen mettait ici tout son charme et sa féminité au service d’une œuvre qui semblait lui convenir à ravir. Une œuvre de jeunesse jouée avec tout l’élan de la jeunesse. On dit qu’à la différence de Beethoven, Mozart, favorisant un jeu staccato, détachait ses notes. Tel fut ce soir le jeu de la pianiste, nous servant une interprétation franche et claire, notamment dans les attaques. Servie pour cela par un orchestre au diapason, avec notamment des cordes sonnant agréablement (moyennant une légère réserve du côté des cors).
Puisque nous évoquons l’orchestre (et son chef…), je souhaiterais ici mettre en avant l’interprétation d’une cinquième très „schubertienne”, si l’on me passe l’expression, voire presque „mozartienne” (cf le menuet). Un concert visiblement minutieusement préparé sous la conduite d’un chef dont il n’est plus besoin de rappeler l’expérience et le professionnalisme. Un chef aux gestes sobres, mais précis. Tenant visiblement ses musiciens bien en mains. Sans oublier au passage l’ouverture du Barbier qui ouvrait le concert, que nous entendons et réentendons toujours avec le même plaisir.
Concert monté sur un programme judicieusement conçu, les trois œuvres entendues présentant en commun un souffle de jeunesse bienvenu en cette soirée d’automne. Remercions donc le chef, sa soliste et ses musiciens pour cet agréable moment qu’ils nous ont fait passer. En attendant la suite ? (2)
Pierre Waline
(1): donné dans les locaux de l’Institut culturel italien.
(2): le 7 novembre à Paris (église Saint Marcel, 13e arr), le 8 novembre au Plessis-Robinson (Théatre de l’Allegria) et le 9 en la cathédrale Notre Dame de Senlis.