Orchestre du Festival de Budapest : 40 ans déjà, et plus en forme que jamais

Orchestre du Festival de Budapest : 40 ans déjà, et plus en forme que jamais

BFO

„Un pianiste de légende, Rudolf Buchbinder, l’un des plus grands violoncellistes de notre temps, Miklós Perényi, autant de garanties pour assurer une belle saison… Émotions, espiègleries, séduction (1) nous promettent Iván Fischer et ses musiciens en préambule de cette présentation.

Voici quarante ans, pratiquement jour pour jour, le pianiste Zoltán Kocsis et le chef Iván Fischer sélectionnaient et rassemblaient des jeunes musiciens dans le but de doter la capitale d’une formation de qualité, digne de son renom. Le premier concert fut donné pour Noël (1983). Au départ non permanente, vouée en premier lieu aux festivals (d’où son nom), la formation se pérennisa pour devenir rapidement l’une des plus réputées en Europe, voire dans le monde. (Récemment élue „orchestre de l’année”).

Pour souffler ensemble les quarante bougies, Iván Fischer, son chef permanent, a bien fait les choses, nous invitant sur la scène du Palais des Arts (Müpa) au milieu de ses musiciens pour nous en faire partager les émotions. Invité d’honneur : Gergely Karácsony, maire de Budapest, dont on sait le soutien qu’il apporte à la formation de la capitale (2).

Tout d’abord la saison qui s’achève. Débutant par une tournée en Europe avec le pianiste Rudolf Buchbinder en soliste : Dohnányi, Schumann (concerto de piano), R.Strauss. Après un concert donné le 11 mars à Budapest (et une soirée „midnight concert” consacrée aux jeunes...), Iván Fischer et ses musiciens se rendront à Berlin, Alicante, Madrid, Luxembourg et Lugano pour achever leur tournée le 21 mars à la Philharmonie de Paris. Aussitôt rentrés, ils repartiront pour ouvrir le 3 avril le festival d’Aix en Provence en compagnie de Renaud Capuçon (Dohnányi, Bartók, R.Strauss), avec qui ils se produiront le lendemain à la Halle aux grains de Toulouse pour se rendre enfin le 15 à Ankara en formation de chambre. Non sans avoir donné au passage un concert consacré au compositeur hongrois Ligeti avec en soliste le violoncelliste Perényi. Retrouvant leur public en compagnie de la violoniste japonaise Midori Seiler et de la soprane Arianna Vendittelli (opéra de Bordeaux) dans un programme de musique baroque (Telemann, J.F. Fasch, Haendel), du violoniste israelo-américain Guy Braunstein (Mendelssohn, Bruckner/Budapest, Pécs) et de la soprane allemande Anna-Lena Elbert (Bach, Ligeti, Brahms). Avant de repartir pour une nouvelle tournée débutant au Musikverein de Vienne en compagnie du pianiste András Schiff dans le 3e concerto de Bartók et de se poursuivre à Bruges pour une série de concerts (dont une après-midi destinée aux enfants autistes, concert „cacao”) en passant auparavant par Londres (9e de Mahler) pour s’achever à Leipzig (23 mai). Et retrouver son public début juin (Haydn, Mozart, Mendelssohn, R.Strauss). Deux remarques : tout d’abord la part belle faite aux compositeurs hongrois dont Fischer et ses musiciens contribuent – si besoin en était – à assurer la promotion à l’étranger. A noter également la participation nombreuse d’artistes de renom. 

Pour la saison prochaine (2023-24), Iván Fischer nous annonce une première : la représentation de Pélléas et Mélisande mi-septembre avec la participation de Patricia Petibon. Coproduit avec les Festivals de Vicenza et Spoleto. (Après Spoleto et Budapest, deux représentations suivront à Vicenza et Hambourg). Précédée le 2 septembre par le traditionnel concert de plein air donné sur la place des Héros, célébrant du même coup les 150 ans de la fondation de Budapest. Parmi les invités, des chœurs venus des Balkans qui entonneront avec l’orchestre la IXe de Beethoven. Parmi les chefs invités en 2024, on relèvera, aux côtés du jeune Israélien Lahav Shani et de l’Autrichien Gerard Korsten, la venue de Paavo Järvi, bien connu du public parisien, qui dirigera trois concerts en mai. Du côté des solistes, signalons entre autres la venue des pianistes russes Anna Vinitskaya (Brahms) et Dmitri Shishkin (Mozart) ou encore du violoncelliste britannique Steven Isserlis ; enfin, chez les violonistes, de l’Allemande Veronica Eberle et du Belge Marc Bouchkov (sur stradivarius). Tous s’étant forgé une solide réputation sur la scène internationale.

Pour ce qui concerne le traditionnel Marathon qui se tient chaque année en février, Csaba Káel et Iván Fischer nous disent réfléchir ensemble pour renouveler cette manifestation maintenant ancienne et trouver une nouvelle formule peut-être plus originale et attrayante, notamment envers les jeunes. A suivre… A noter enfin une production inédite de la Passion selon Saint Mathieu à laquelle, sous le titre de „Compassion”, seront associées, en signe de solidarité, des musiques de peuples victimes de persécutions, à l’image du Christ. Concert programmé pour fin mars avec la participation de la soprane allemande Anna-Lena Elbert et du baryton britannique Peter Harvey.

Pour en revenir au jubilé, Fischer y distingue trois périodes. Années quatre-vingts : soigner la qualité de l’orchestre. Années quatre-vingt-dix : se présenter comme la formation privilégiée de la capitale dont elle se fixe pour but d’asseoir, par le biais de la musique, la réputation de par le monde. Années 2010 : sortie „hors les murs” pour aller au-devant d’un nouveau public : hôpitaux, écoles, maisons de retraite, lieux de culte. Concerts-goûters („cacao”), midnight concerts, matinées familiales. Une quatrième phase devant précisément débuter en ce milieu des années vingt, dont le chef ne nous révèle pas encore la teneur. Quoi qu’il en soit, nous pouvons lui faire confiance pour demeurer fidèle au mot d’ordre que ses musiciens et lui-même se sont fixé, „Demeurer en phase avec le public” („Közönségre hangolva”). Un public que l’orchestre ne se contente pas de fidéliser, mais qu’il doit constamment se créer et recréer, dans une relation consensuelle.

A quarante ans, nous dit Fischer, débute la vie. Voilà qui promet une belle suite…

Pierre Waline

(1): allusion aux suites de Richard Strauss, inscrites au programme  Till Eulenspiegel, Salomé, Don Juan..

(2): également présents Máté Vincze, sous-secrétaire d’Etat à la Culture et Csaba Káel, Directeur du Palais des Arts qui, depuis les dix-huit années de son ouverture, collabore étroitement avec l’Orchestre du Festival qui lui assure régulièrement salles pleines.

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