„Noël baroque”, concert donné en l’église de l’Université (Magnificat, Pastorales)
Composé entre 1728 et 1731 pour la Fête de la Visitation, le Magnificat en ré de Bach (1685-1750) figure parmi les œuvres les plus marquantes du maître de Leipzig. Moins connu, voire pratiquement méconnu est le „Magnificat primi toni” de son aîné, Dietrich Buxtehude (1637-1707), œuvre pour orgue composée en 1675. Pièce qui demeura longtemps confinée dans les archives avant de n’en être ressortie qu’au siècle dernier. Auteur prolixe, entre autres de 113 cantates, Buxtehude que Bach, qui avait été son élève, admirait, n’a laissé à la postérité qu’une partie de sa production, la majorité ayant été perdue. Presque contemporain de Bach (1688-1726), Domenico Zipoli est surtout connu pour la charmante Pastorale, pièce pour orgue publiée en 1716, qui figurait au programme du concert donné ce soir en compagnie des deux Magnificat, suivie d’un Noël de Louis-Cluade d’Acquin. Donné en l’église de l’Université (Egyetemi templom) par l’ensemble de musique baroque Savaria et le chœur Capella Du Mont placés sous la baguette de Pál Németh. Avec en solistes Nóra Ducza et Mária Lőkösházi, sopranes, Kornélia Bakos, alto, László Kéringer, ténor et László Jekl, basse, l’orgue étant tenu par László Gesztesi-Tóth.
Écrit pour orgue, le Magnificat primi toni de Buxtehude est une pièce très élaborée, assez proche du style de Bach. Œuvre majeure dont le climat évoque la magnificence du Magnificat, mais sans la moindre lourdeur. Qui méritait d’être ici révélée, idéale pour mettre en valeur les qualités de l’organiste, ce qui fut le cas ce soir. László Gesztesi-Tóth qui obtint notamment une bourse de l’État français pour suivre un master class au Conservatoire de Lyon dont il sortit "Premier Prix de Virtuosité á l'Unanimité". Dont on pouvait apprécier ici le doigté tout en finesse. Servi par un magnifique buffet d’orgue, qui remonte à 1791, sonnant agréablement. Contrastant avec la solennité du Magnificat, la Pastorale de Zipoli est une charmante suite de chants de Noël qui n’est pas sans rappeler ceux que nous avait laissés Marc Antoine Charpentier dans sa Messe de Minuit publiée vingt années plus tôt. Remarque qui vaut a fortiori pour la pièce de Louis-Claude d’Acquin (1694-1773), extraite de son Livre de Noëls, qui suivait. Une série de variations sur le thème d’un chant traditionnel (“Quand Dieu naquit à Noël”). Des variations brillantes mettant en valeur les différents registres de l’instrument, ici rendues avec virtuosité par l’organiste. Orgue qui convenait idéalement au ton pastoral imprimé á ces morceaux, notamment dans les jeux de flûte (fiffres, piccoios, musette).
Après ce prélude suivait l’œuvre maîtresse du concert, le Magnificat de Bach. Comportant douze parties sur un texte de Saint Luc, il est écrit pour un chœur à cinq voix, cinq solistes et orchestre. L'une des rares pièces musicales du compositeur reposant sur un texte en latin, comme les Messes brèves et la Messe en Si qui partage également la caractéristique d'être écrite à cinq voix. Une Messe en Si dont le Magnificat donné ce soir est au demeurant assez proche par son climat. Sans nul doute l’une des œuvres majeures de Bach.
Que dire ? Une interprétation à la fois brillante et recueillie, servie avec le plus grand naturel, sans ostentation. Comme à son habitude, le chef a su ici s’entourer de musiciens tous excellents et parfaitement engagés, tant du côté des solistes que pour l’orchestre et le chœur. Des solistes intervenant, selon les parties. En solo, en duo ou à plusieurs, dont on ne saurait mettre en avant l’un ou l’autre, tant chacun, chacune était impliqué, je dirais inspiré, au service d’une œuvre rendue avec naturel et simplicité.
En ce dernier dimanche de l’Avent, Pál Németh nous a offert ce soir un programme venant à point pour nous préparer à la célébration toute proche de Noël. Probablement l’un des temps forts de cette saison qui tire sur sa fin.
Pierre Waline