Mozart, Haydn et Schubert  au rendez-vous pour célébrer les 92 ans du violoncelliste Károly Botvay

Mozart, Haydn et Schubert  au rendez-vous pour célébrer les 92 ans du violoncelliste Károly Botvay

Károly Botvay

Il fonda en 1977 l’Ensemble de Cordes de Budapest (Budapesti Vonósok), l’une des formations les plus anciennes et les plus en vue de la capitale. Son nom : Károly Botvay, violoncelliste, professeur émérite à l’Académie de Musique qui fête cette année ses 92 ans. En son honneur, les membres de la formation ont décidé de monter un concert, occasion de les réentendre dans un programme réunissant Haydn, Mozart et Schubert. Concert donné dans la grande salle de l’Académie de Musique (Zeneakadémia). De Mozart, la symphonie KV 129 (17e) en sol majeur, de Haydn le premier concerto pour violoncelle en do majeur et de Schubert, le quintette à cordes D 956 (version orchestrée). En soliste dans le concerto de Haydn : Péter Somodari, ancien membre de la formation, violoncelliste solo à la Philharmonie de Vienne. L’ensemble étant emmené par son premier violon János Pilz.

Composée en 1772, alors que Mozart n’avait que 16 ans, la symphonie KV 129 comporte trois mouvements : allegro, andante, allegro. Elle fait partie d’un groupe de huit symphonies composées la même année à Salzbourg. Œuvre de courte durée, si elle n’offre pas encore ces grands développements que l’on connaîtra par la suite, elle présente néanmoins un certain charme, pleine de fraîcheur et aux rythmes vifs et entraînants, respirant la jeunesse du compositeur. Suivait le concerto de Haydn, en ut majeur composé en 1762. Moins connu que le concerto en ré majeur qui sera composé vingt années plus tard, le concerto en ut était destiné à un violoncelliste membre de la cour du prince Esterházy. Non signée, la partition fut longtemps égarée pour être redécouverte en 1961. L’œuvre comporte trois mouvements : moderato, adagio, finale-allegro, dont le dernier mouvement lui a valu une certaine popularité par „son ardeur qui lui confère une allure de mouvement perpétuel” (wikipédia).

En seconde partie du concert figurait le Quintette à cordes de Schubert D 956. Composé durant l'été 1828, deux mois avant la mort du musicien (créé seulement plus de vingt ans après), le Quintette en ut majeur constitue sans nul doute une des œuvres maîtresses du compositeur, au côté des trois dernières sonates composées la même année. Comportant quatre mouvements (allegro, scherzo. adagio, allegretto), il a été écrit pour deux violoncelles. D’aucuns y voient en Schubert l’héritier de Beethoven dont il avait connu et admiré les derniers quatuors. Une œuvre de longue haleine (elle dure près d’une heure) marquée par une profonde émotion, où les violoncelles jouent un rôle central. Une citation : „Si au paradis, les anges font de la musique, ce sera sans nul doute l’adagio de son quintette qu’ils joueront” (Dénes Bartha, musicologue hongrois).

Károly Botvay

Pour commencer, donc, la symphonie de Mozart, écrite pour cordes avec ajout de deux cors et deux hautbois. Un bon choix pour nous faire entamer cette soirée sur une touche de fraîcheur. Une œuvre débordant de jeunesse, ici rendue avec allant par les musiciens de János Pilz, Une œuvre que l’on dit influencée par les récents voyages que le jeune Mozart avait entrepris avec son père en Italie, J’en retiendrai notamment l’andante pour son thème délicieux. Sorte de mélodie, que l’on retrouvera plus tard. A noter encore le joyeux final qui évoque une partie de chasse. Autre bon choix, faire suivre la symphonie par le concerto de Haydn. Même allant, même jeunesse (Haydn avait tout juste trente ans). Une œuvre qui débute d’emblée sur un ton enjoué, longue introduction ponctuée par un énergique coup d’archet du violoncelle. Un violoncelle qui sonnait merveilleusement sous l’archet du jeune Péter Somodan, dont on a pu apprécier la virtuosité lors des cadences qui suivaient chaque mouvement. Bref, les musiciens et leur soliste nous ont offert là une belle entrée en matière pour cette soirée „d’anniversaire”. En bis, le violoncelliste nous a servi une pièce, au demeurant fort belle, que je n’ai su identifier de façon certaine, probablement une Romance sans paroles.

Tout autre allait être le climat avec le Quintette de Schubert qui allait suivre, Une œuvre que, par la richesse de ses sonorités, par son caractère polyphonique, on rapproche parfois de la Grande (neuvième) Symphonie écrite dans la même tonalité. Raison pour laquelle János Pilz et ses musiciens ont cru bon de nous en servir une version orchestrée. Orchestre, il est vrai, limité à un groupe restreint de cordes (quatre pour chaque pupitre). Pour un résultat a priori plutôt convaincant. N’offrant peut-être pas la pureté et l’austérité de la forme d’origine, mais lui conférant un lyrisme qui en renforce dans une certaine mesure le ton tragique.  Toujours est-il que les musiciens nous ont servi là une prestation hors pair, offrant à l’unisson et en parfaite harmonie un jeu tout en nuances. Une œuvre, mis à part son dernier mouvement, marquée par une profonde émotion dans un climat tendu et agité. Si son adagio, comme l’a souligné notre ami cité plus haut, débute dans un climat „angélique”, il se voit brusquement interrompu en son milieu par une sorte de bourrasque. Quant au premier mouvement, d’entrée « à elles seules, les premières mesures nous emmènent déjà loin de tous les repères connus” (Michel Rusquet). Il faudra attendre le mouvement final „à la tzigane” pour retomber sur terre et retrouver le Schubert plus serein, charmeur à souhait, que nous avions connu en d’autres temps. Une œuvre bouleversante (qui n’est pas sans rappeler par son climat tendu, le dernier quatuor écrit deux années plus tôt).

Pour en revenir au concert, débuté sous les charmes d’un Haydn et d’un Mozart vivifiants à souhait, il s’est achevé sur du grand Schubert, le Schubert des derniers chefs d’œuvre, servi avec le plus grand respect par des musiciens ayant tenu de bout en bout le public en haleine. Une salle pleine à craquer où, tout au long de l’exécution, régnait un profond silence. Ponctuée, cela va sans dire, par des rappels et applaudissements nourris.

Des anniversaires comme celui-ci, nous aimerions en avoir plus souvent…. Un grand merci ! (En attendant le prochain, qui sait ?)  

Pierre Waline

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