Le ténor Cyrille Dubois invité d’honneur sur la scène de Budapest
Airs du répertoire baroque français
J’avoue avoir jusqu’ici ignoré son nom. Et pourtant, le ténor Cyrille Dubois (40 ans) s’est déjà taillé une belle réputation. Sorti Premier Prix du Conservatoire avec la mention „très bien”, Cyrille Dubois, tout aussi familier avec le répertoire baroque que dans le répertoire contemporain, est un invité régulier sur les grandes scènes internationales. Tel était le cas ce soir à Budapest dans un concert regroupant non moins de dix compositeurs de notre répertoire baroque, monté avec le concours du Centre de Musique baroque de Versailles.
„Je pourrais consacrer toute mon existence à la redécouverte d’œuvres (méconnues)”, déclarait-il lors d’une récente interview. Et c’est tant mieux pour nous, car dans le programme affiché ce soir, aux côtés de noms connus, tels Rameau et Mondonville (dans une moindre mesure Dauvergne et Francoeur), figuraient des noms jamais entendus jusqu’à présent : François-Lupien Grenet, Joseph-Nicolas Royer, ou encore Pierre Berton, Bernard de Bury, Jean-Baptiste Cardonne, Pierre Iso. Inconnus, pas tout-à-fait, un programme analogue ayant récemment fait l’objet d’un enregistrement récompensé par le prix Classical Music Awards. Avec les mêmes interprètes, à savoir l’Orchestre Orfeo et le Chœur Purcell placés sous la direction de György Vashelyi, enregistrement et concert (donné dans la grande salle de l’Académie de Musique) placés sous le titre „Jouissons de nos beaux ans !” (référence aux Boréades de Rameau). Cyrille Dubois et György Vashelyi, une collaboration qui ne date pas d’hier via le Centre de Versailles, avec lequel le chef hongrois, ardent défenseur du répertoire baroque français, entretient d’étroites relations („il existe entre nous une confiance mutuelle, aussi, quoi qu’il me propose, je suis toujours enclin à l’accepter). „Une voix dont la puissance expressive, la fermeté, la tendresse et les nuances servent idéalement, agrémentés d’une imagination inépuisable, le style de l’époque (1)” (texte de présentation).
Premier constat : une salle quasiment comble pour un récital ponctué par de chaleureux applaudissements. Concert alternant parties de soliste, chœurs et morceaux d’orchestre (ouvertures, danses). Mis à part Rameau, des œuvres ici entendues pour la première fois. Malgré la diversité des sources, on pouvait relever une certaine unité de l’ensemble, offrant les traits bien caractéristiques de l’opéra français de l’époque, que l’on ne retrouve nulle part ailleurs. Avec son charme, certes, mais aussi son côté quelque peu suranné. Des textes qui peuvent par moments prêter aujourd’hui à sourire, associant entre tempêtes et bacchanales Divinités, Furies et autres Amours, mais qui faisaient jadis les délices de la Cour à Versailles. Des textes et une musique qui n’en conservent pas moins tout leur charme, représentatifs de cet esprit « français » de l’époque, si particulier et tant envié.
L’interprétation ? Rien à redire sur l’ensemble, ayant peut-être souhaité un orchestre un peu plus présent et un chœur par moments moins « éclaté » (côté femmes), mais à la diction parfaite, Néanmoins une bonne prestation dans l’ensemble. C’est au ténor que reviennent ici tous les éloges. Visiblement à l’aise dans ce répertoire dont il restitue à merveille le style très particulier, Cyrille Dubois nous a servi ce soir une prestation remarquable à tous égards. D’une grande expressivité, joignant le geste au chant, le ténor se donnait ce soir à fond, tant dans les passages doux, empreints d’une profonde tendresse, que dans les sursauts agités, débordant d’énergie. Pour un public visiblement conquis (allant jusqu’à accompagner le chanteur en frappant des mains en cadence dans le chœur final « Chantons Bacchus » …).
Cyrille Dubois sera de retour sur la scène de Budapest en mai prochain dans un récital cette fois consacré à la période préromantique (années 1790-1820). A noter sur nos tablettes.
Pierre Waline
(1): vingt pièces s’étalant sur une période s’étendant de 1730 à 1770.