Justement nommé « Le démon du violon »

Justement nommé « Le démon du violon »

Roby Lakatos

Entretien avec Roby Lakatos

Il sort du sérail, Roby Lakatos. Issu d’une longue lignée de violonistes dont un des premiers, Bihari János (1764-1827) est considéré comme le fondateur de la musique tzigane, vrai génie instinctif qui ne connaissait pas les notes. Depuis Budapest où il réside travaille, crée et transmet, Roby Lakatos, digne héritier de ce dernier, répond à ce que représente pour lui ce continent musical tzigane et cet instrument, le violon, qui en est la note de tête et de cœur.

« Je représente la 7ème génération. Dans ma famille tout le monde était violoniste à l’exception d’une de mes sœurs, saxophoniste. Le violon fait partie de la culture familiale et de la culture tout court. Il faut continuer à allonger la cette lignée et mon tout jeune petit-fils y contribue aujourd’hui. A un an et demi, il se familiarisait déjà avec l’instrument, à trois ans il possède une bonne maîtrise de l’archet et des cordes. Oui, on peut parler d’heureuse et de juste inscription dans cette dynastie musicale. »

JFB : « La bohème » sera le concert du 2 décembre à l’Ombrière d’Uzès. Un titre qui recouvre une géographie, une culture des traditions ?

Roby Lakatos : La Bohème n‘est pas appelée par hasard « Le conservatoire de l’Europe ». La musique fait d’une certaine façon partie de l’ADN de ces pays et ces peuples follement et talentueuse ment doués pour exprimer la richesse folklorique au sens le plus fort et profond du terme.

JFB : C’est à dire ?

R. L. : Le folklore inscrit les émotions d’un peuple et à travers leur diversité, la multiplicité des « accents » musicaux, recouvre un large spectre des émotions humaines. Le langage musical, lui, passe au-delà des frontières géographiques. Berceuses, rondes, cortèges, gestes des moissons, des cueillettes, du travail humain, sont autant de rythmes scandés par les battements du cœur. C’est cette musique qui a le pouvoir de révéler les sentiments humains : gravité, douceur, tristesse, joie et gaieté, bonheur de vivre, fraternité.

JFB : Quelles sont les structures profondes de cette musique ?

R. L. : Elles s’inscrivent dans le style populaire. L'important est de se dégager de certains impasses (NDLR nationalisme, folklore, exotisme), alors, on touche l’authenticité qui rejoint l’universel.

A partir de la profondeur de la source, on peut activer une recréation, creuser l’imaginaire tiré du tissu originel tout en s’imprégnant du fond musical. Plutôt respecter qu’imiter. C’est ce que je fais lorsque j’enseigne Je joue un thème à partir duquel les élèves doivent créer, improviser.

JFB : Vous jouez les œuvres de grands compositeurs hongrois...

R. L. : Oui mais ces célèbres compositeurs hongrois Bartók, Kodály, Dohnányi, ont beaucoup collecté dans le folklore et les richesses ethniques. Ils ont parcouru le terroir qui exprime le caractère, la langue, l’âme, qui porte aussi tous les croisements. La Hongrie est une terre centrale, un carrefour dans lequel se rencontre avec richesse et bonheur l’occident, l’Asie et l’Orient.

JFB : A côté des musiques tziganes, il y a aussi le jazz, des musiques toniques qui pulsent ….

R. L. : J’avoue être aussi à l’aise dans tous ces répertoires y compris celui du tango qu’il soit finlandais, grec ou russe. Ceci dit, le rythme fait partie des éléments fondateurs que ce soit un jazz atypique qui descend aussi d’une longue tradition musicale qui fait la part belle à l’improvisation que ce soit la musique klezmer (musique traditionnelle juive) qui est comme la musique tzigane très rythmée, pleine de vitalité primitive. Dans toutes ces musiques, le rythme parfois frénétique, donne souvent envie de danser et j’apprécie que le public éprouve, me fasse part de cette envie-là. L’émotion, la sensation, mettent en mouvement.

JFB : Vous faites partie des plus grands virtuoses. Le violon est, on peut l’imaginer, une sorte d’alter égo, « une corde attachée à votre âme ».

R. L. : Descendre du « Roi des violonistes tziganes » est plus qu’un héritage, c’est une sorte de mystique. Le violon est pour ce qui me concerne une passion, un langage, une âme, en effet. On parle bien de l’âme du violon n’est-ce pas ? Pour ce qui est de la virtuosité, c’est un don (et du travail bien sûr) qui est bienvenu si toutefois il respecte l’œuvre, son esprit, son essence.

JFB : Qu’en est-il de l’enseignement, de la transmission ?

R. L. : Après avoir connu toutes les scènes du monde, je me passionne pour l’enseignement et la transmission. Il faut que les jeunes découvrent le monde de la création artistique, que les jeunes musiciens s’exercent à la composition. Je suis convaincu de la nécessité de rétablir de belles valeurs musicales J’ai ainsi crée un programme spécial à Budapest où comme je vous le disais, je pousse les jeunes à improviser autour d’un thème que je joue. Et c’est formidable de constater à quel point leur créativité est stimulée qui fait émerger de vrais talents.

Après les empêchements liés aux problèmes sanitaires la deuxième édition de ce programme aura lieu en janvier à Budapest et lors du concert du 7 janvier sera présenté toute la production dans l’émission d’un double CD.

JFB : Et le retour à Uzès ?

R. L. : C’est un plaisir, une vraie fête que de retrouver ces lieux où j’ai déjà joué plusieurs fois, faire entrer en résonance la beauté du site, le charme de la musique et la magie d’une rencontre avec un public heureux de cette rencontre. Je reviens avec les violonistes László Boni et László Balogh, Vilmos Csikos à la contrebasse, Jenő Lisztes (cymbalum) et Róbert Szakcsi au piano.

Propos recueillis par Marijo Latorre

Roby Lakatos ensemble à Uzès jeudi 2 décembre 20h30 à l’Ombrière

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