Extraits du „Marathon Haendel” donné ce dimanche à Budapest : trois concertos pour orgue
Pour la 17e édition du marathon musical qui se tient chaque année début février au Palais des Arts de Budapest (Müpa), ses organisateurs ont choisi de consacrer la journée à des œuvres de Haendel. Haendel dont on célèbrera le 23 février prochain le 340e anniversaire de la naissance. Onze concerts en non-stop de dix heures trente à vingt-et-une heure, complétés par des projections (concerts enregistrés). Ne pouvant assister à tous les concerts, mon choix s’est porté sur une matinée consacrée à trois de ses concertos pour orgue.
Selon les témoins de l’époque, Haendel était un organiste hors pair, auquel seul Bach pouvait être comparé. Il nous a laissé seize concertos pour orgue répartis en deux grandes séries: six concertos op 4 composés en 1735-36, publiés en 1738 et six autres op 7, composés sur le tard en 1761. Complétés par quatre concertos divers, transcriptions d’œuvres antérieures. Concertos qui étaient destinés à meubler les entre-actes de ses oratorios où il tenait lui-même l’orgue. Sortes d’interludes, donc, et pourtant, des œuvres de référence parmi les plus attrayantes de sa production. Il nous suffira pour cela de citer une anecdote (peu connue) qui pourra servir de référence: s’étant vu offrir par un ami une partition rassemblant l’ensemble des concertos, Beethoven déclara, enthousiaste, avoir passé une nuit entière à les déchiffrer sans s’en lasser. (1)
Au programme: les concertos op. 7 no1 en si bémol majeur et no3 dans la même tonalité et le concerto op 4 no3 en sol mineur. Interprétés par László Fassang accompagné par l’ensemble Anima Musicae. Soliste et ensemble que nous entendions ici pour la première fois. L’op 7 no3, tout d’abord. Une œuvre où l’on reconnaîtra d’emblée un thème rappelant le fameux Alleluia du Messie. A noter un second mouvement (adagio e fuga) confié au soliste seul qui se conclut sur une longue fugue (en partie improvisée, „ad libitum”) digne du plus grand Bach. Des concertos généralement en trois mouvements, à l’exception du suivant donné au programme, l’op 4 no3 qui débute sur un long adagio confié à l’orchestre pour déboucher sur un allegro introduit par le soliste sur un thème vif et enlevé demeuré célèbre. Débutant par un andante, le premier concerto de l’op 7 qui clôturait le concert s’ouvre sur un vigoureux accord plaqué à l’orgue repris par l’orchestre pour entamer un heureux dialogue entre soliste et musiciens, nous plaçant d’emblée dans une ambiance roborative. D’une façon générale - et ceci vaut pour l’ensemble des concertos - des œuvres entraînantes auxquelles on ne peut rester insensibles, mettant en valeur la virtuosité de l’organiste et ses dons d’improvisation (en l’occurrence Haendel lui-même) dans un constant et tonifiant dialogue avec l’orchestre.
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Titulaire de nombreux prix, László Fassang (48 ans), qui a fait un passage au Conservatoire de Paris (où il enseigne actuellement), est, paraît-il, très sollicité. Alors? Bénéficiant d’un instrument offrant une riche palette de sonorités (2), le soliste a habilement joué sur les différents registres pour restituer la brillance des partitions, sans pour autant rechercher les effets trop appuyés. László Fassang nous proposait ici une interprétation sobre, tout en souplesse, dépouillée des fioritures superflues qui pourraient apparaître ici ou là. De plus, un improvisateur hors pair. Soutenu en cela par un ensemble au diapason. Des musiciens qui offraient un jeu empreint d’une grande clarté, aux sonorités plaisantes, bien en phase avec le soliste. Bref, en cette froide matinée d’hiver, Haendel et ses interprètes nous ont offert un remontant bienvenu.
Ces concertos, des œuvres largement servies par une discographie abondante et de qualité, où l’interprétation qui nous a été servie ce matin ferait honorable figure. Des morceaux que nous entendons et réentendons toujours avec le plus grand plaisir (… „sans nous lasser”, comme disait notre ami…).
(NB: au-delà du concert ici présenté, il convient de souligner la haute qualité des autres œuvres proposées au public, dont je retiendrai cette merveilleuse interprétation – suivie en retransmission - du motet „Silente venti” par la toute jeune soprano Nikolett Mráz que je découvrais ce soir, accompagnée par les Cordes de Budapest, un nom à retenir.)
Pierre Waline
(1): révélés au début des années soixante par Marie-Claire Alain (mon tout premier enregistremement...).
(2): orgue dont il est au demeurant titulaire.