Concerts : la musique française à l’honneur avec deux premières sur la scène de Budapest

Concerts : la musique française à l’honneur avec deux premières sur la scène de Budapest

Gounod, Debois

Charles Gounod : „Requiem”, Théodore Dubois: „Les Sept dernières paroles du Christ”

Si je vous dis Gounod, vous me répondrez Faust et, pour les plus avertis, la Messe de Sainte Cécile. Mais qui sait qu’il nous a également laissé des Requiem ? Œuvres rarement données, voire, pour le premier, jamais joué depuis sa création à Vienne en 1842. C’est cette œuvre que le chef hongrois György Vashegyi a choisi d’inscrire au programme d’un concert donné au Palais des Arts de Budapest (Müpa). Accompagné d’une composition d’un autre Français, la cantate „Les Sept dernières paroles du Christ” de Théodore Dubois. Pour les servir, le chef dirigeait l’Orchestre et les Chœurs de la Radio hongroise avec en solistes les sopranes Zita Szemere et Katalin Szutrély, l’alto Eszter Balogh, le ténor János Szerekován et la basse-baryton Marcell Bakonyi.

GOunodDe la composition du Requiem, nous savons peu de choses, sinon qu’il fut créé à Vienne au retour d’un séjour en Italie qui avait profondément marqué le jeune compositeur (Grand Prix de Rome). Lui faisant notamment découvrir Palestrina et la musique liturgique (1). De vingt ans son cadet, également Grand Prix de Rome, Théodore Dubois fut en son temps reconnu. Directeur du Conservatoire et élu à l’Institut (au fauteuil de Gounod...), surtout célébré comme pédagogue et organiste (successeur de Saint-Saëns à la Madeleine). Auteur prolixe (plus de 500 œuvres recensées), sa cantate „Les Sept dernières paroles du Christ”, au départ destinée à être jouée à la Madeleine, est encore donnée de nos jours pour la Semaine Sainte. Cantate écrite pour soprane, ténor et baryton. Au départ pour formation réduite ; par la suite transcrite en version pour orchestre. (Récemment produite par l’Opéra de Limoges, elle a également fait l’objet d’un enregistrement par un ensemble de Montréal. Une œuvre, donc, loin d’être négligée). Voilà tout ce que nous pouvions en dire, à savoir bien peu de choses, avant de découvrir ces deux œuvres.

Alors ?

Le Requiem, tout d’abord, donné en première partie. Composé alors que Gounod avait à peine 24 ans. Œuvre de jeunesse où le compositeur fait déjà preuve d’une étonnante maturité. Ce qui frappe avant tout est son caractère profondément religieux empreint de sérénité, mis à part de rares passages (Libera me, reprise du Dies irae). Une œuvre essentiellement chorale, soutenue par une fine orchestration. Le chœur intervenant quasi constamment, à la différence des solistes relativement peu sollicités (Sanctus, Agnus Dei). Le tout sur un tempo modéré, les passages plus tendus étant rendus par de longs crescendos, sans ostentation. Et mélodieux avec ici ou là quelques heureuses trouvailles, telle cette lente fugue aux violoncelles qui introduit le Sanctus. Une religiosité qui est probablement à mettre au compte de son séjour romain où le jeune Gounod avait découvert les anciens tels que Palestrina et les rites de la liturgie dont il s’était imprégné. Un Requiem qui sera suivi d’autres, dont, le plus connu, composé sur le tard, allait être sa dernière œuvre (au demeurant fort belle). Célébré comme compositeur d’opéras, on a trop tendance à oublier que Gounod fut également un auteur de musique sacrée. Le tout servi ce soir par un chœur merveilleux et un orchestre jouant tout en finesse sous la baguette inspirée d’un chef aux gestes précis. Visiblement le fruit d’une longue et minutieuse préparation. Une œuvre dont certains thèmes seront repris par la suite (notamment dans la complainte de Marguerite) et dont Mendelssohn disait qu’elle aurait pu être de la main de Cherubini (auteur de deux Requiem célébrés en son temps), probablement un éloge dans sa bouche. 

DUBOISÉcrite quelque vingt-cinq années plus tard, l’œuvre de Théodore Dubois, que l’on dit inspirée de César Franck, présente un côté plus spectaculaire (interventions du peuple juif), mais offrant malgré tout un climat assez voisin. Aussi était-il bienvenu de les inscrire toutes deux dans un même programme. Ici encore, des chœurs convaincants, soutenus par un orchestre doublé de percussions, harpe, orgue et gong (dans la scène finale - septième parole - décrivant le déchirement du rideau du temple et le cataclysme consécutif à la mort du Christ). Œuvre qui, en contraste avec la dernière scène, s’achève en douceur dans une harmonie apaisante (prière Adoremus te, Christe). Un orchestre sonnant avec brio et des solistes dans le ton, offrant des voix claires et une parfaite diction. Ici encore, une œuvre qu’il valait largement la peine de découvrir ce soir. (Comme la précédente, toutes deux visiblement appréciées du public.)

Que dire de plus ? Sinon que de tirer une fois de plus notre chapeau au chef hongrois qui n’a cessé de faire découvrir à son public des trésors méconnus de notre patrimoine musical. Après le baroque, s’attaquant désormais au répertoire du XIXe siècle.

En attendant la suite…

Pierre Waline

(1): féru de théologie, Gounod songea un moment à entrer dans les ordres.

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