Concerts : „Balthazar” de Haendel à l’Académie de Musique de Budapest

Concerts : „Balthazar” de Haendel à l’Académie de Musique de Budapest

Balthazzar

Écrit en 1744, soit deux années seulement après le Messie, loratorio Balthazar (Belshazzar) de Haendel figure parmi les moins connus et probablement les moins joués du compositeur. Une occasion nous était donc donnée de le découvrir lors dun concert donné à lAcadémie de Musique (Zeneakadémia) de Budapest. Par lensemble de musique baroque Capella Savaria et le choeur Purcell placés sous la baguette de György Vashegyi. Avec en solistes Zoltán Megyesi, ténor (Balthazar), Katalin Szutrély, soprane (Nitocris), Anna Dowsey, mezzo-soprane (Cyrus), Zsombor Cserményi, basse (Gobrias) et Paulin Bündgen, contreténor (Daniel).

Dans son oratorio (en trois parties sur un livret de Charles Jennens), Händel nous dépeint la chute de Babylone et la libération du peuple hébreux. Il se réfère dans l’Ancien Testament au 5ème chapitre du livre de Daniel („le festin de Balthazar”) appuyé par les prophéties de Jérémie et Isaï, lorsque le roi de Babylone Balthazar, rebaptisé Belshazzar par Händel, profane les vases rituels des juifs prisonniers pour les utiliser lors d'un banquet païen. Á la tête de son armée, le grand Cyrus, roi des Perses, délivrera les Juifs de la tyrannie du jeune roi, secondé par Gobrias, noble babylonien rallié à sa cause. Roi dont la mère Nitocris, favorable au peuple juif et reconnaissant son dieu, avait en vain tenté de lamener à la raison. Œuvre pessimiste, Balthazar montre l'effondrement de l'empire de Babylone et constitue une leçon sur la fragilité des empires”. Une œuvre, par son intrigue mouvementée, assez proche de l’opéra, forme sous laquelle elle a d’ailleurs été représentée par le passé. Une intrigue qui a notamment séduit le compositeur par l’occasion qui lui était offerte d’y intégrer de nombreux chœurs, représentant face à face le peuple de Babylone opposé au peuple hébreux.

BalthazzarAvant d’évoquer le chœur et les solistes, un mot, tout d’abord, sur l’orchestre. Une formation qui sonnait ce soir merveilleusement, offrant une large palette de coloris sous la direction inspirée de son chef. Le chœur, en second lieu. Confronté à des registres différents, voire opposés, avec le chœur des Hébreux, recueilli, face au chœur des Babyloniens, extériorisé. Mais il en est un troisième, peut-être encore plus présent, le chœur des Perses aux accents empreints de solennité. Égal à lui-même, le chœur s’est montré, ce soir encore, à son aise dans chacun des registres, avec peut-être une mention particulière du côté des femmes, confrontées par moments à des notes surélevées dans les aigus dont elles se sont tirées sans difficulté. A relever au passage le choeur des Perses qui conclut le deuxième acte, digne des grands passages du Messie.

Les solistes, enfin. Tous excellents, avec entre autres un Cirus admirablement incarné par la mezzo australienne Anne Dowsey (d’autant plus à l’aise qu’elle chantait dans sa langue maternelle). Tel encore notre compatriote le contreténor Paulin Bündgen en Daniel que je découvrais ce soir. Quant à la soprane Katalin Szutrély, ici en Nitocris, que nous avions déjà louée dans ces colonnes, je lui ai trouvé ce soir un ton descendant dans les graves, soprano dramatique, certes, mais à la limite du mezzo, chantant néanmoins fort bien avec souplesse, tout en nuances.

Notre impression d’ensemble. Une œuvre en constant mouvement, marquée par une forte tension dramatique, mais, paradoxalement servie ce soir avec une grande clarté, de façon aérée, presque légère. Se démarquant en cela des grandes masses chorales et orchestrales auxquelles nous ont habitués les principaux enregistrements. Rendant peut-être en cela de façon plus fidèle les interprétations de l’époque ... à voir. Quoi qu’il en soit, le chef György Vashelyi nous a une fois de plus fait découvrir ce soir une œuvre sortant du grand répertoire. Œuvre que le compositeur lui-même avait très à cœur : „Une oeuvre noble, vraiment remarquable offrant de nouveaux moyens d’expression jusqu’ici inexplorés” (Haendel, à propos du livret).        

Pour conclure, nous laisserons la parole à Bach : “Il (Haendel) est lunique personne que jaimerais rencontrer avant de mourir et que je souhaiterais être si je nétais pas Bach”. (Source : Johann Nikolaus Forkel, Johann Sebastian Bach: His Life, Art, and Work, 1802). Haendel, dont on célèbrera le mois prochain le 340ème anniversaire de la naissance.

Pierre Waline

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