Budapest : voilà une Reine de la Nuit bien sympathique…
La soprane Erika Miklósa invitée de l’Opéra pour ses trente ans de scène
Au départ, rien ne la prédestinait à la scène. C´est au sport de compétition qu´elle se consacrait, avec succès, d´ailleurs. Jusqu´au jour où un accident vint mettre brutalement fin à sa carrière sportive. Véritable traumatisme dont elle avoue ressentir aujourd´hui encore les effets. Ce n´est alors que progressivement et un peu par hasard qu´elle se tourna vers le monde de la musique pour lequel elle n´avait pas au départ d´attaches particulières. Sinon d´avoir assisté dans son enfance à une représentation de La Flûte enchantée (qui allait par la suite devenir son „opéra fétiche”). Pour se voir aujourd´hui projetée au-devant de la scène internationale. Trente après ses débuts. C´était en janvier 1991, au Théâtre Erkel de Budapest, dans le rôle de Papagena. Elle avait alors tout juste vingt ans.
Sa carrière ? Chantant occasionnellement dans des fêtes familiales, la jeune lycéenne fut remarquée par une professeure de chant qui la fit entrer au Conservatoire de Szeged. Conservatoire dont elle sauta les quatre années de formation pour en sortir au bout de deux ans. Entre temps, elle s´était présentée à une audition publique organisée par l´Opéra national, en y chantant l´air de la Reine de la Nuit (le second) seul et unique morceau qu´elle connaissait. A sa grande surprise, elle fut engagée pour devenir alors, à dix-neuf ans, la plus jeune chanteuse de la troupe (1). C´est dans le rôle de Papagena qu´elle allait débuter, se voyant en même temps proposer un contrat comme chanteuse permanente sur la scène de la Redoute (Pesti Vigadó). Sur invitation de la chanteuse hongroise Júlia Hamari, elle se produisit dès l´année suivante à Bruxelles dans les Capulets et Montaigus de Bellini (extraits).
Dès lors allait débuter une carrière internationale qui la mena d´abord à New York, puis en Suisse en passant par Leipzig et Cologne. Avant de suivre, sur bourse, une formation à Philadelphie, puis à Milan. Pour se produire jusqu´en 1999 dans la troupe permanente de l´Opéra de Budapest où elle se vit confier les rôles les plus divers, de Haydn à Humperdinck (Hänsel und Gretel) en passant par la Chauve souris (Adèle) et La Flûte enchantée (La Reine de la Nuit). Et se voir proposer en 2004 un contrat de quatre ans par le MET de New York. Revenant sur l´abandon de sa carrière sportive, la soprane colorature hongroise se plaît à dresser une comparaison entre les deux genres : „Tous deux destinés au public, en compagnie de coéquipiers et exigeant endurance pour tenter sans cesse de se perfectionner. Supposant de grands sacrifices. Le chant qui, néanmoins, me procure une existence d´une richesse et variété que je n´aurais pu obtenir ailleurs.”
Sans conteste aujourd´hui l´une des chanteuses les plus en vue du pays. Il n’est donc pas étonnant que l´Opéra lui ait consacré une soirée pour célébrer ses trente ans de carrière. Soirée dite „de gala” au cours de laquelle lui furent confiés les airs les plus célèbres qui ont fait sa notoriété. De La Reine de la Nuit, devenu sa „vitrine”, à l´Enlèvement au Sérail (Konstanze), en passant par Donizetti (Don Pasquale, Lucia de Lamermoore) et Verdi (Rigoletto) sans oublier Johann Strauss (La Chauve souris) et l´opéra français (Lakmé et Carmen). Entourée pour cela de partenaires parmi les plus réputés sur la scène de l´Opéra.
Soirée de gala ? Pas réellement. Je dirais plutôt une suite d´entretiens en tête à tête avec Szilveszter Okovács, directeur de l´Opéra, entrecoupés d´airs. Ce qui conférait à l´ensemble l´impression d´un puzzle, certes non dépourvu de charme, mais manquant un peu d´unité. Par ailleurs, des airs fort bien chantés, certes, mais où elle ne fut pas dans tous les cas accompagnée de façon absolument irréprochable. Et parfois présentés dans une „mise-en-scène” curieuse, un peu déroutante (Carmen). D´une façon générale, on a beau faire, présenter des airs isolés, de plus accompagnés au piano, ne remplacera jamais le charme des scènes prises „sur le vif”.
Au-delà de la partie „musicale” de la soirée, ce qui a surtout retenu notre attention est cette découverte d´une personne particulièrement attachante, naturelle, souriante, voire enjouée, ne manquant pas d´humour, allant même par moments jusqu´à l´autodérision. Preuve d´une grande modestie et simplicité pour la star qu´elle est devenue. De plus, absolument charmante. Nous comblant d´anecdotes parfois cocasses. Tels ses débuts au Théâtre Erkel, où elle n´avait jamais mis les pieds de sa vie, se perdant dans les étages au moment où elle devait se préparer à entrer en scène. A la question „Mais vous deviez être sacrément angoissée”, la réponse : „Non, car au moins, je n´ai pas eu le temps d´avoir le trac” ! Tout le personnage est là !
Une soirée qui nous a procuré l´occasion de redécouvrir une chanteuse que nous avions déjà admirée sur scène, mais se dévoilant ici sous un jour intime, un peu comme une amie. Et nous ayant fait passer un bon moment.
En attendant de la retrouver sur scène.
Pierre Waline
Photos: Valter Berecz
(1): une anecdote que la chanteuse se plaît à évoquer: un air assez long dont elle n´avait appris que la première partie. Coup de chance, c´est précisément là, parvenue au beau milieu, qu´elle fut interrompue pour se voir annoncer son engagement… (La Reine de la Nuit qu´elle s´amuse à qualifier aujourd´hui de „rock star”...)
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