Budapest : une petite cure de Rossini pour nous remonter…

Budapest : une petite cure de Rossini pour nous remonter…

Rossini

Échos de la vie musicale en Hongrie

Connaissez-vous la ville de Pécs en Hongrie ? Située dans le Sud-Ouest du pays, aux confins de la Croatie, au pied d´un petit massif montagneux (le Mecsek), Pécs (150 000 h, prononcer „pétch”) est sans aucun doute l´une des plus charmantes villes de Hongrie, pour beaucoup la ville préférée des Hongrois après Budapest. Située à l´emplacement de la Sopianae des Romains, Pécs (en allemand Fünfkirchen) était déjà connue avant l´arrivée des Magyars au Xème siècle. Saint Etienne y fonda un épiscopat en 1009. Elle abrite la plus ancienne université du pays, fondée en 1367. Déclarée „ville libre” par Marie-Thérèse en 1780, Pécs abrite par ailleurs l´une des plus célèbres manufactures de porcelaine du pays, la manufacture de Zsolnay. Elle est la ville natale du peintre Vasarely (musée). Également caractérisée par la présence d´une partie de sa population d´origine croate et souabe qui lui confère une grande diversité culturelle. Enfin à signaler que Pécs possède l´une des rares anciennes mosquées demeurées intactes en Europe (construite par les Ottomans), transformée en église. Il n´n’est donc pas étonnant qu´elle fût déclarée capitale européenne de la culture en 2010. Mais il y a autre chose encore : Pécs abrite l´une des meilleures formations musicales du pays, la Philharmonie de Pannonie (Pannon filharmonikusok). Fondée sous sa forme actuelle en 2000, la Philharmonie de Pécs est l´émanation du plus ancien orchestre du pays, fondé en 1811. De plus, se produisant, dit-on, dans l´un des plus beaux auditoriums d´Europe.

Une formation qui monte fréquemment sur la capitale pour s´y produire dans le cadre du Palais des Arts (Müpa) où lui est toujours réservé le meilleur accueil. Tel fut le cas d´un concert donné ce 29 janvier, concert de gala consacré à Rossini. Donné sans public, mais retransmis sur les réseaux.

Au programme : extraits de cinq opéras (ouvertures et airs) ponctués par le fameux Duo des chats (1). Les solistes : la mezzo-soprano Dorottya Láng, le ténor István Horváth et le baryton-basse Péter Kálmán. Le tout placé sous la baguette du jeune chef allemand Nikolas Nägele. A relever, une brochette de solistes au plus haut niveau, non seulement excellents chanteurs, mais remarquables acteurs. Notamment un Péter Kálmán truculent, dans des rôles, il est vrai, qui s´y prêtaient à merveille (Mustafa, Bartolo). Un temps fort, le duo Almaviva-Bartolo au 1er acte du Barbier. Seule très légère réserve, l´air confié au ténor „Ne m´abandonne pas,… Asile” de Guillaume Tell, fort bien chanté certes, mais qui détonnait avec le reste et chanté avec accent. Mais ne lui jetons pas la pierre... Sinon (et même ici...) une prestation remarquable des trois chanteurs. Quant à l´orchestre, placés sous la baguette vive et alerte du jeune chef allemand, ses musiciens nous ont offert une interprétation légère et enlevée. Si le concert fut donné sans public, il est aisé de juger de son succès par les innombrables messages enthousiastes qui l´ont accompagné tout au long de la représentation.

Une belle soirée, donc, placée sous le signe de Rossini, qui nous a fait passer quatre-vingt-dix minutes délicieuses, ce qui n´est pas de trop par les temps qui courent. Un grand merci aux musiciens, aux solistes et à leur chef. Des remerciements qui s´adressent également aux animateurs du site, le Palais des Arts. Qui ont pris audacieusement le parti de nous offrir chaque soir un concert sur le web (en direct ou en différé). Chaque soir, soit davantage encore qu´en temps normal.

Cerise sur le gâteau : en liaison avec Iván Fischer et son Orchestre du Festival (BFZ), ils nous annoncent pour le premier dimanche de février un marathon Liszt-Berlioz. Suivi de chez soi, donc, mais selon le schéma habituel avec concerts et récitals non-stop du matin au soir. Mais ils ne sont pas les seuls. Tel l´ensemble Concerto Budapest avec entre autres un fort beau concert donné le 24 janvier dernier dans la salle de l´Académie de Musique (Zeneakadémia). Concert Haydn-Mozart-Beethoven placé sous la direction de György Vashegyi avec en solistes la soprane Katalin Szutrely (Mozart : „Chui me scorde...” K505, Beethoven „Ah, perfido” op65) et le jeune pianiste Mihály Berecz (Mozart, concerto K.450).

Comme on peut donc en juger, loin de freiner l´activité musicale en Hongrie, la pandémie nous offre au contraire mille occasions de suivre nos orchestres et compositeurs préférés. Sur le net, certes, mais sans (trop) perdre du plaisir que nous y prenons. Reste à savoir comment, en l´absence de subventions conséquentes, ils parviendront à s´en sortir et jusqu´à quand ? Probablement au prix de sérieux sacrifices. Mais c´est là une autre question… En tous les cas, tirons leur notre chapeau et prions le ciel qu´il leur prête encore longue vie… pour notre plaisir...  (2)

Pierre Waline

(1): l´Italienne à Alger, le Barbier de Séville, Guillaume Tell, Tancrède et Cendrillon.

(2): les responsables de l´Orchestre du Danube de Budapest (Duna zenekar) fondé en 1961 nous annoncent, sauf miracle, leur cessation d´activité pour le 31 mai prochain.

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