Budapest : Prokofiev à l’honneur au Palais des Arts
Journée „marathon”
Originaire d’Ukraine, décédé à Moscou le même jour que Staline (ironie du sort) : Serge (Sergueï) Prokofiev (1891-1953). Sans nul doute l’une des grandes figures qui aura marqué la vie musicale du XXe siècle. Choisi pour figurer au programme du marathon musical qui se tient en chaque début d’année au Palais des Arts de Budapest (Müpa). Organisé conjointement par son directeur, Csaba Káel et son initiateur, le chef Iván Fischer. Concerts non stop sur toute la journée, répartis sur trois salles (musique symphonique et concertante, musique de chambre, récitals) agrémentés de projections de films et d’une petite exposition. Avec la participation de diverses formations venues de province et de la capitale, le concert de clôture étant assuré par l’Orchestre du Festival (BFZ).
S’étant entre autres formé auprès de Rimsky-Korsakov, Prokofiev fut un compositeur précoce, nous ayant laissé un premier opéra dès l’âge de huit ans… Lié entre autres à l’acteur américain Humphrey Bogart (son partenaire aux échecs…) et au cinéaste russe Eisenstein (pour qui il écrivit des musiques de film), Prokofiev eut une vie quelque peu bousculée, souvent contraint à l’exil (dont près de dix années passées en France).
Débutant et se clôturant sur un conte (Pierre et le loup, la suite Cendrillon), cette journée nous aura offert un programme riche et varié mettant en exergue les différentes facettes du compositeur. Dont des oeuvres rarement données, telle la suite du Lieutenant Kijé, sans oublier la musique de ballet écrite sur Romeo et Juliette. Mais aussi des grands classiques, tel son premier concerto de violon et premier concerto pour piano. Côté symphonies, occasion nous était donnée de suivre l’évolution du maître entre sa célèbre „Symphonie classique” et cette surprenante et merveilleuse Cinquième symphonie (peut-être son chef d’oeuvre). Mais aussi de la musique de chambre et instrumentale, voire un récital de chant en interlude entre deux concerts.
Dans l’impossibilité de suivre l’intégralité des concerts, nous nous bornerons à en évoquer ici quelques temps forts. Tout d’abord cette merveilleuse interprétation du premier concerto de violon par Barnabás Kelemen en soliste, admirablement accompagné par les musiciens de l´Orchestre Dohnányi de Budafok placés sous la direction de leur chef Gábor Hollerung. Concerto suivi par une charmante interprétation de la suite du Lieutenant Kijé (sur une musique de film). Autre temps fort, le premier concerto de piano avec József Balóg en soliste accompagné par l’Orchestre Pannon sous la baguette d’András Vass, suivi de la Symphonie classique contrastant avec l’oeuvre précédente, notamment dans sa charmante gavotte (3e mvt) nous invitant à la danse... Et surtout, cette Cinquième symphonie servie par les membres de l’Orchestre de la MÁV sous la baguette de Róbert Farkas. Sans oublier le concert de clôture par lequel Iván Fischer et ses musiciens de l’Orchestre du Festival proposaient au public les deux suites sur Cendrillon illustrées par des commentaires du chef. Il serait injuste de ne pas mentionner encore ce merveilleux récital donné par les musiciens de l’Orchestre du Festival (violon, violoncelle, alto, clarinette) accompagnant le pianiste Dávid Báll (Ouverture sur des thème juifs). Dávid Báll qui nous servit ensuite de bien charmantes pièces sur des thèmes de Romeo et Juliette. Voici, du moins pour ce qui nous a été donné d’entendre. A noter, pour les personnes qui avaient la chance d’être présentes sur place, la projection des deux films-cantates Ivan le Terrible et Alexandre Nevksy. A signaler enfin ces deux concerts donnés par les élèves du Conservatoire dans une salle attenante.
N’ayant que très partiellement suivi cette journée, nous ne saurions en livrer ici une critique exhaustive. Mais, connaissant la qualité des formations invitées et le minutieux travail de préparation qui l’a précédée, nous pouvons les yeux fermés faire confiance à ses organisateurs pour garantir à l’évènement le succès escompté. Pour preuve les riches applaudissements dans des salles combles.
Prokofiev, un compositeur certes reconnu, mais qui méritait néanmoins d’être remis sur la sellette (70 ans après sa mort). Souvent relégué dans l’ombre de Stravinsky, dont il n’avait peut-être pas toutes les audaces et un parcours moins médiatisé, mais avec une touche de charme en plus, et quel charme !
Une initiative bienvenue, donc. En attendant la suite pour l’année prochaine (les paris sont lancés…).
Pierre Waline
- 35 vues