Andris Jász : « Le saxophone, ça part de ton âme et ça sort directement sous forme de musique. »

Andris Jász : « Le saxophone, ça part de ton âme et ça sort directement sous forme de musique. »

Jász Andris

Andris Jász est un saxophoniste et professeur de musique hongrois que nous avons rencontré lors d’un dîner au restaurant Mazel Tov de Budapest. Présent tous les lundis pour ambiancer les clients de l’enseigne, nous avons pu nous entretenir avec lui sur sa vision de la musique et son parcours d’artiste.

Lundi 13 novembre, vers 19h, une table est réservée au-devant de la petite scène du Mazel Tov, le restaurant israélien mitoyen de la boîte de nuit Instant, dans le 7e arrondissement de Budapest. Andris Jász s’y installe sereinement, après avoir salué chaque serveur un par un. L’homme arbore un large sourire, il est détendu. Cheveux bien coiffés, lunettes sur le nez et chemise à carreaux blanche et bleue. Il demande son habituel pichet de punch et l’entretien peut débuter dans une ambiance festive et musicale.

Journal francophone de Budapest : Bonsoir Andris. D’où vous provient l’amour de la musique ?

Andris Jász : C’est une longue histoire, une histoire de famille musicienne. Mon père était un violoniste professionnel. Il a joué à l’Opéra de Budapest. Durant mon enfance, la musique était partout, il nous emmenait même à ses concerts... C’est comme ça que j’ai débuté la musique, en commençant par jouer du piano, et j’en suis heureux car c’est toujours bénéfique pour un musicien de savoir en jouer. J’en ai pratiqué pendant 8 ans. Le saxophone est arrivé à mes 15 ans, alors que toute ma famille est tournée vers la musique classique. Moi, mon style, c’est le jazz.

JFB : Pourquoi le jazz vous intéresse davantage ?

A. J. : C’est la musique de la liberté selon moi. Je trouve que la musique classique est trop sérieuse, il y a trop de règles. Dans le jazz, l’improvisation nous permet d’être plus libre. Je joue mes morceaux favoris, j’improvise dessus, j’aime cela.

Concernant le choix du saxophone, il y a une comédie musicale qui m’a inspiré : Grease. La dernière chanson du film inclut un solo de saxophone. J’ai entendu ce solo en étant petit et j’ai imaginé mon futur en jouant de cet instrument. Le son produit par le saxophone vient des cordes vocales, ça ressemble presque à du chant. Ça part de ton âme, et ça sort directement sous forme de musique.

Mes premiers pas se sont faits en école de musique, puis j’ai obtenu un master à l’Académie de Musique en 2007. Je suis devenu professeur de musique et j’ai joué énormément dans des bars et en concert. Mais je pense que l’apprentissage de la musique ne s’arrête pas lorsqu’on est diplômé. C’est un travail à plein temps mais également le travail d’une vie. On a toujours quelque chose de supplémentaire à apprendre.

JFB : Etes-vous un musicien solitaire, ou jouez-vous également dans des groupes ?

A. J. : Oui, je joue au sein de groupes, j’en ai côtoyé beaucoup en dix ans. Je joue rarement seul, sauf ici au Mazel Tov. C’est un peu mon terrain d’exercice. Tous les lundis, je peux m’entraîner sur de nouvelles chansons. Le restaurant a ouvert il y a dix ans, et j’y joue depuis neuf ans maintenant. J’aime ce rituel que j’ai ici, et la proximité que j’ai avec l’équipe du restaurant. Mais c’est une situation particulière. J’ai une amie et collègue nommée Szandra Iván qui est une grande pianiste et chanteuse. Beaucoup de nos performances sont disponibles sur Youtube. Ma vie est très excitante, jamais ennuyeuse. Le revers de la médaille, c’est que je suis peu à la maison. Ma fille a 7 ans, et me fait parfois la réflexion « Quand vas-tu rester à la maison ? ». C’est quelque chose de difficile à vivre dans la vie d’un musicien.

JFB : Pensez-vous que la musique est quelque chose qu’on doit apprendre à l’école, ou est-ce une question de pratique ?

A. J. : J’ai beaucoup d’amis qui ne sont jamais allés dans une école mais qui sont très doués. Donc il existe des exceptions. Mais je pense que cela dépend du style de musique ou d’instrument que l’on veut jouer. Les joueurs de saxophone ont tout intérêt à aller en école de musique car il y a beaucoup de théorie à apprendre concernant l’instrument. L’école de musique permet également de rencontrer d’autres artistes. Personnellement, j’ai adoré mes quatre années à l’Académie de Musique. J’en ai appris beaucoup sur l’histoire de la musique hongroise. Mais on peut être un très bon musicien sans diplôme, avec du talent, une personnalité et de la motivation.

JFB : Vous composez vous-même vos chansons. Quels messages voulez-vous faire passer au travers de celles-ci ?

A. J. : Je ne suis pas un grand compositeur, mais j’ai réussi à réaliser mon propre album en indépendant nommé « Lulu a moziban » (traduction « Lulu au cinéma »), en référence au prénom de ma femme. Mon père est décédé en 2010, j’étais très proche de lui et c’est cela qui m’a inspiré à composer l’album. J’ai joué pour beaucoup de groupes différents, et cela me manquait de ne plus produire quelque chose qui venait de moi. L’album est sorti en 2013 mais je ne le joue en pas live. Mais c’est une belle époque de ma vie, j’en ai de bons souvenirs. Désormais, je ne compose plus, je préfère profiter des performances live. J’aime ma situation actuelle, je me sens chanceux car je joue entouré de bonnes personnes, j’ai réduit mon train de vie et le nombre de groupes avec lesquels je joue. Je joue depuis 2008 dans le groupe « Blue Rabbit » que j’aime particulièrement.

Je ferais peut-être un deuxième album quand le temps d’y prêtera. Je pense que c’est comme les enfants. Je n’ai qu’un enfant, et on me demande souvent pour quand est prévu le second. Je n’ai qu’un enfant et qu’un album, on verra cela plus tard -rires-.

JFB : Quel est le plus important dans la vie d’un musicien selon vous ?

A. J. : Je dirais de jouer avec des gens bien, dans les bons endroits. C’est ce qui est le plus important dans ma vie d’artiste en tous cas.

JFB : Quelles sont vos inspirations au quotidien ?

A. J. : Ma famille, mon enfance, mais également Velence, la ville où j’ai grandi... Cet endroit a été très important pour moi, toutes mes compositions ont été écrites près du lac où j’ai même acheté une petite maison ! Évidemment, il a aussi la question de l’amour, comme chez tous les artistes. Le cinéma est aussi une grande partie de ma vie, j’en ai consacré une partie de mes études et j’y vais toutes les semaines. Il y a beaucoup d’inspirations cinématographiques dans mon album : Duel de Steven Spielberg, Indiana Jones, Le Parrain...

JFB : Pensez-vous que la Hongrie est bonne dans le domaine de la musique jazz ?

A. J. :  En termes de musique en live, oui. C’est important dans la vie des Hongrois. C’est traditionnel, cela vient des musiques gitanes qui étaient omniprésentes dans les restaurants il y a encore cent ans.

JFB : Quels sont vos projets futurs ?

A. J. : J’ai une tournée de prévue en décembre et l’été prochain pour un de mes groupes, et puis nous verrons bien pour le futur. Je ne veux pas prévoir trop, je préfère apprécier le moment présent. Mon principal projet est d’être plus présent pour ma fille. Mais vous pouvez toujours me retrouver tous les lundis au Mazel Tov, c’est ma date de prédilection. J’espère que ça continuera longtemps parce que je suis heureux ici et je crois que le public apprécie également. Je suis dans le partage, je suis là pour les gens et je ne suis rien sans eux.

Il est 20h, il est temps pour l’artiste de monter sur scène et débuter son show qui durera jusqu’à 22h. Il s’amuse, improvise autour de sa playlist au style musical varié. Les clients sont ravis et de nombreux échanges de sourires se font. Le lundi semble être le meilleur jour pour venir découvrir le restaurant Mazel Tov.

Siloé Lemaître

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