L’obstruction parlementaire, une pratique bien partagée

L’obstruction parlementaire, une pratique bien partagée

szapary

N’y aurait-il qu’en France et de nos jours que les opposants au pouvoir établi cherchent les moyens d’entraver l’action des gouvernants ?

En Hongrie, il y a près de 120 ans, une manière des plus originales de tordre le bras à l’opposition avait été conçue par une richissime aristocrate.

Károly Khuen-Héderváry, chef du Gouvernement hongrois du 27 juin au 3 novembre 1903, rencontrait de grosses difficultés avec son opposition. En effet, une crise politique majeure liée au dualisme déstabilisa la Hongrie de 1903 à 1906. L’opposition parlementaire quarante-huitarde, nationaliste, faisait obstruction.

SzaparyProche ami de Khuen-Héderváry, László Szapáry, désigné dans la presse comme l’un des plus grands et riches seigneurs du royaume, crut opportun de prendre personnellement l’initiative de mettre sa fortune au service de son ami pour soudoyer des parlementaires et lever ainsi l’obstruction ; selon certaines rumeurs, le président du Parti de l’indépendance, Ferenc Kossuth lui-même, aurait été influencé par cet argent, au point de s’être abstenu lors d’un vote.

Le 29 juillet 1903, selon sa déposition, c’est à l’insu de son ami Khuen-Héderváry que Szapáry aurait agi par l’entremise de l’un de ses intendants – un certain Ritter – et Martin Dienes, rédacteur-éditeur ; il aurait fait verser la somme de dix mille couronnes (une somme considérable) au député Papp pour l’amener à renoncer à l’obstruction. Papp désigna Martin Dienes comme étant celui qui l’avait approché. Évidemment Dienes démentit aussitôt dans le journal Egyetértes, bien qu’il eût admis avoir remis douze mille couronnes à Papp… mais dans un autre but ! Cela ne l’empêcha pas de prendre la fuite.

Bien entendu, l’opposition continua de soupçonner Khuen-Héderváry après qu’une commission d’enquête eut été nommée, découvrant que d’autres faits de corruption s’étaient déjà produits. László Szapáry, pour calmer le jeu, demanda pardon publiquement à la Chambre, donnant solennellement sa parole d’honneur que Khuen-Héderváry n’avait jamais rien su de cette affaire. Le Parti de l’indépendance renouvela Ferenc Kossuth dans ses fonctions de président et réaffirma la nécessité de combattre le régime.

En 1903, Szapáry fut amené à démissionner de son poste de gouverneur de Fiume en raison de son implication dans ce scandale de corruption politique qui révélait son inexpérience, ou sa naïveté, en tout cas on trouve là l’expression du pouvoir ploutocratique qui, même discret, n’a jamais cessé de fonder le pouvoir tout court. La presse du monde entier en fit écho.

Claude-André Donadello

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