Ruth Orkin, femme photographe, femme cinéaste
Ruth Orkin est à l’honneur du Mai Manó Ház du 11 octobre 2023 au 14 janvier 2024. La photographe américaine fan de cinéma est au centre de l’exposition « Ruth Orkin - Az idő illúziója* » (*Traduction : « L’illusion du temps ») que nous avons pu découvrir lors du vernissage qui s’est tenu à la galerie, en compagnie de la commissaire d’exposition Anne Morin.
« Les femmes photographes ont tendance à être emportées par les courants de l’Histoire et à disparaître, alors qu’elles y ont contribué très fortement. L’histoire de Ruth Orkin a laissé des traces dans le domaine de la photographie et dans celui du cinéma, mais elle a été passée sous silence pendant des décennies avant d’être redécouverte. » : Voici comment Anne Morin, commissaire de l’exposition, introduit l’œuvre de Ruth Orkin. La photographe américaine a grandi dans le Massachusetts dans les années 20, fille d’une célèbre actrice de film muet. Elle souhaite devenir directrice de cinéma, mais son rêve s’écroule dans les années 40 à cause de sa condition de femme dans le milieu masculin d’Hollywood. Elle devient alors photographe, tout en poursuivant sa passion cinématographique, élaborant des stratégies dans ses photos : séries, séquences, trompes l’œil... C’est ainsi qu’elle s’est forgé un nom dans la photographie, réalisant des portraits des plus grands cinéastes tels qu’Alfred Hitchcock, Woody Allen, ou encore Orson Welles.
Une exposition en trois mouvements
Trois périodes de vie marquent la carrière de l’artiste. Dans un premier temps, nous pouvons découvrir son voyage à l’Exposition Universelle de 1939 à New-York, alors qu’elle n’a que dix-sept ans et un petit appareil photo. La jeune femme s’y rend à bicyclette et réalise un véritable reportage photo de l’évènement : « C’est en quelque sorte son premier film dans lequel elle retrace ses aventures » ponctue Anne Morin. Elle se fait là une place dans le milieu de la photographie et débute par la suite une carrière de journaliste dans les plus grands journaux de New-York.
La suite de l’exposition retrace son œuvre la plus emblématique, un reportage qu’elle a réalisé en 1951 pour le Cosmopolitan. En tant que femme libre, elle voyage en Europe et s’arrête à Florence, où elle rencontre Ninalee Craig qui devient la protagoniste de sa série de photographies, dont la célèbre « American Girl in Italy ». Le cliché est poignant, intemporel, il dénonce la condition des femmes qui voyagent seules.
A l’étage de la galerie, c’est le film « The little fugitive » que nous découvrons. Un film réalisé en 1959 par Ruth Orkin et son mari Maurice Engel, et qui a marqué le début de l’ère moderne du cinéma. François Truffaut et Jean-Luc Godard eux-mêmes en ont rendus un hommage. Finalement, la photographe a marqué le cinéma d’une manière très profonde grâce à la photographie. « Elle était probablement quelqu’un de très pétillant, pleine de vie. Elle a embrassé la réalité dans sa plus grande simplicité, dans sa plus grande humilité. Il a fallu de nombreuses décennies pour qu’elle ait la reconnaissance qu’elle mérite aujourd’hui. Il y a une autre exposition en ce moment-même à Paris, à la Fondation Cartier-Bresson. Comme quoi il n’est jamais trop tard pour réparer l’Histoire. » conclue Anne Morin.
Une artiste a la sensibilité accrue, un art très féminin
Cette belle exposition retrace les plus beaux clichés de la photographe. On se balade de pièce en pièce, de beauté en beauté, submergé par l’émotion qui transpire de ces photos. Ruth Orkin aimait les gens, elle savait montrer la beauté des êtres dont elle faisait le portrait. On admire chaque œuvre, on en savoure la sensibilité féminine qui s’en dégage, et on pourrait flâner longtemps au sein de la galerie Mai Manó Ház. Lors de notre conversation avec Anne Morin, celle-ci nous confie : « Ruth Orkin voyage beaucoup grâce aux expositions, elle est actuellement à Budapest et à Paris, elle voyagera probablement après au Portugal, à Florence. Mais elle très bien où elle est, je suis heureuse qu’elle soit ici et elle le serait aussi. ». Un livre a également été publié en français début septembre 2023, et l’exposition est à retrouver au Mai Manó Ház jusqu’au 14 janvier 2024.
Siloé Lemaître