Renoir, un peintre d’expérimentation
Depuis le 22 septembre 2023 se tient l’exposition d’Auguste Renoir (1841-1919) intitulée « Renoir : le peintre et ses modèles ». Le peintre français du courant impressionniste nous offre pour la première fois de l’histoire la réunion de ses trois peintures parmi ses plus célèbres : « Gabrielle ». C’est grâce au partenariat du Musée d’Orsay et du Musée de l’Orangerie à Paris que cette exposition unique de plus de 70 œuvres est possible. L’exposition est disponible au Musée National des Beaux-Arts hongrois, mais nous avons aussi eu la chance de participer à la conférence de Anna Zsófia Kovács, commissaire de l’exposition du musée qui s’est tenue le 8 novembre 2023 à l’Institut Français. Cette conférence nous a permis d’approfondir l’histoire du peintre et de mieux en comprendre les œuvres. En voici un résumé.
De la France à la Hongrie
Après avoir grandi à côté du Louvre où il se rendait très souvent, Renoir commence l’art avec la porcelaine, pour finir par se spécialiser dans la peinture où il entame une école de dessin. Ses tableaux connaissent rapidement un succès mondial, il est reconnu comme le créateur d’un nouveau style. De l’impressionnisme à l’art moderne, il participe à l’innovation d’un nouvel art par le développement de nouvelles techniques. Malgré les profonds rhumatismes dont il est victime après sa chute en vélo en 1897, il continue de peindre, alors même qu’il est en fauteuil roulant et avec ses mains déformées, ce qui lui vaudra sa réputation de « peintre de courage ».
C’est avec sa très célèbre œuvre « La Loge », peinte en 1874 qu’il fait sa première apparition en Hongrie, plus précisément pendant « Bartók Spring International Art Weeks » organisée par le Musée National des Beaux-Arts de Hongrie. C’est alors le début du succès artistique hongrois du peintre.
Un cercle social élargi
Après s’être lié d’amitié avec Claude Monet et Alfred Sisley pendant son parcours scolaire aux Beaux-Arts, Renoir en fait rapidement des modèles pour son art, lui qui considère qu’il « ne pourrait pas se passer de modèle ». Ainsi, durant l’exposition, on peut observer un portrait du père de Sisley (1864), William, riche entrepreneur anglais. Plusieurs tableaux de Monet seul (1875), ou accompagné de sa femme sont également visibles, offrant alors les choix que l’artiste préférait peindre : son cercle proche, qu’il considérait comme sa famille.
Pendant son parcours, il fait aussi la rencontre d’un couple décisif pour sa carrière : Marguerite Louise Lemmonier et son mari Georges Charpentier. C’est grâce à eux que Renoir a la chance de rentrer dans le cercle des salons littéraires.
Les peintures de Renoir
Le peintre est généralement connu pour ses portraits de femmes ou encore ses œuvres de nus, mais l’exposition nous propose beaucoup de styles différents.
En effet, les portraits sont une collection à part entière des œuvres de Renoir, mais l’artiste aimait aussi peindre des moments de vies plus légers. Il s’inspirait beaucoup de ce qu’il voyait à Paris, durant les fêtes et les danses de rues par exemple. Une œuvre très douce et chaleureuse nommée « La balançoire » (1876), en est un très bon exemple. Renoir passait beaucoup de temps sur les bords de Seine où il aimait y trouver des inspirations, avec par exemple son tableau « La grenouillère », peint en 1869 qui arbore la tranquillité d’une banale balade en barque.
Tout de même, la femme a toujours été un élément central dans ses œuvres. Renoir eu une période où il aimait peindre la beauté de la maternité. Ainsi, on retrouve quelques tableaux de femmes en train d’allaiter leur enfant. À l’époque, ces tableaux ont partagé les opinions. Mais ils sont aujourd’hui considérés comme de vrais hommages à la beauté maternelle.
Gabrielle
Les œuvres les plus célèbres de Renoir à retrouver au sein de l’exposition restent ses trois nus couchés : « Gabrielle » (1901), sa reprise de 1903, et son dernier peint en 1906 avec une modèle et un style totalement différent. C’est en 2019 que le Musée National des Beaux-Arts de Hongrie a l’honneur d’acquérir le premier nu couché de Renoir, devenant ainsi la plus grande acquisition à ce jour du musée. C’est principalement ces trois tableaux que la commissaire Anna Zsófia Kovács nous a présenté, en nous expliquant les inspirations de l’artiste, très nombreuses.
Gabrielle était la nourrice du fils de Renoir, Jean. Elle était donc très proche de la famille et est très vite devenue la modèle préférée du peintre. Peignant à l’inverse des Vénus, Renoir privilégie les corps plantureux et un grain de peau réaliste. Il considère que « le nu est une forme indispensable de l’Art », comme nous le rapporte Anna Zsofia Kovács. Il a de profondes attaches à certains peintres, dont il s’inspire pour produire ses œuvres. Parmi les plus célèbres, on retrouve Rubens pour sa manière de peindre la peau, plus profonde et réaliste. Delacroix est également une source d’inspiration pour lui, particulièrement pour sa palette de couleurs que l’on retrouve aisément sur ses nus.
Renoir, un peintre d’expérimentation
Malgré ses succès, Renoir s’est plusieurs fois remis en questions concernant son style de peinture, parfois mal jugé par ses confrères. Se trouvant trop traditionnel, il décide d’expérimenter de nouvelles techniques à travers ses œuvres, comme c’est le cas dans le tableau « Étude, Torse, Effet de Soleil » (1876) qui est considéré comme un chef-d’œuvre aujourd’hui. Or, cette toile a valu à Renoir énormément de moqueries ; ne comprenant pas la subtilité dans les jeux de lumières qui colorent la peau, beaucoup voyaient la femme peinte en putréfaction.
Après son voyage en Italie, en pleine remise en question artistique, il puise son inspiration chez le peintre Raphaël, « qui a été sa plus grande inspiration, une véritable bouffée d’air artistique pour Renoir » d’après la commissaire.
C’est avec ce regain d’énergie que « Les Baigneuses » (1918-1919), tableau onirique, fait son apparition. Après avoir passé toute une vie à chercher son style artistique, Renoir nous offre une fois de plus un chef-d’œuvre digne d’un conte de fée. Un rapport à l’espace totalement illogique qui rappelle le style de Raphaël, des corps démesurément plantureux font écho à « Nu couché ». En conclusion, Renoir assume enfin l’entièreté de son style, qu’il aura mis toute une vie à apprendre et à connaître.
Zoé Loublanche