Judit Reigl, l’art de faire voler les corps
Elle aurait eu cent ans cette année. Judit Reigl, l’artiste peintre franco-hongroise, est à l’honneur du musée Kiscelli de Budapest en cette rentrée 2023. Du 23 août au 27 octobre, l’exposition « Vol, la peinture figurative de Judit Reigl » est dédiée au milieu de sa carrière, essentiellement concentrée sur le corps humain.
« Judit Reigl est un des liens qui unissent la France et la Hongrie. » proclame l’ambassadrice de France en Hongrie, Madame Claire Legras. Dans cette église désaffectée pendent de grands draps représentant des torses d’hommes, peints par l’artiste en 1973, mais sont également exposés des tableaux issus de plusieurs séries de sa période figurative. Judit Reigl est née en Hongrie en 1923, et après des études d’art à Budapest, elle fuit la Hongrie et s’installe en France, en région parisienne. Elle y vivra 50 ans avec sa compagne Betty Anderson. Après un début de carrière teinté de surréalisme et remarqué par André Breton, son art évolue et prend un tournant figuratif à partir de 1966. C’est cette période qui est au cœur de l’exposition. Judit Reigl aurait visité le musée dans les années 2010 et aurait souhaité exposer sa série « Décodage » dans ce lieu unique. C’est de cette anecdote que les commissaires d’exposition sont partis pour imaginer cet évènement temporaire dont les œuvres sont toutes issues du Fonds de dotation Judit Reigl, créé par l’artiste de son vivant et qui détient l’exclusivité sur ses tableaux.
Décors et des corps
Cette grande église est donc découpée en plusieurs « périodes » qui mettent en scène plusieurs séries de l’artiste : « Entrée-sortie », « Hors », « Homme », « Décodage », « Face à ... » , « Oiseaux » ou encore « Eclatement »... Les inspirations de Judit Reigl sont multiples. On nous parle de Michel-Ange, d’Arthur Rimbaud. Au fonds de la salle, la série « New-York, 11 septembre 2001 » nous donne une autre inspiration, plus hommagée. Et puis au milieu de tous ces corps humains qui semblent voler, tomber, flotter, se trouvent des oiseaux. Des corbeaux, plus précisément. Deux tableaux, un plus abstrait et l’autre plus figuratif. Comme pour appuyer sur le thème de l’exposition, « Vol, la peinture figurative de Judit Reigl ». Madame Roberta Bernard, présidente du Fonds de dotation Judit Reigl et proche de l’artiste, nous la décrit comme tel : « elle planait, elle volait dans les astres, comme les corps qu’elle représentait. C’est pour cela qu’elle aurait aimé cette exposition. ».
« Quand j’ai découvert l’exposition, j’ai été saisie par la force qu’elle en dégageait. »
Roberta Bernard souhaite mettre l’accent sur la mémoire de son amie, artiste peintre au milieu du XXe siècle, « à une époque où les femmes n’avaient pas leur place ». Cependant, lorsque nous posons la question d’une quelconque revendication de la part de l’artiste, elle dément : « Elle n’avait aucune revendication, qu’elle soit politique ou sociale. Elle détestait ça. Elle était simplement dans son univers. ».
L’exposition vient en compléter deux autres, celle de Berlin à la Neue Nationalgalerie qui se concentre sur ses débuts, et une autre à Budapest, au musée des Beaux-Arts qui expose la fin de carrière de l’artiste. Un catalogue retraçant la vie et les œuvres de Judit Reigl est également prévu en 3 langues, incluant le français, notamment grâce au travail des 3 commissaires de l’exposition : Júlia Cserba, János Gát et Enikő Róka.
Siloé Lemaître