Deux expositions jumelées attirent l'attention sur la créativité artistique en province
A Keszthely, à l'autre bout du lac Balaton, à deux heures en voiture de Budapest, existe un « palais de la culture », le Musée du Balaton « Balatoni Múzeum ». Les expositions permanentes, fort bien présentées (en hongrois et en anglais) résument la vie archéologique, historique, biologique et ethnologique dans et autour de la « mer hongroise ». Mais ce qui nous intéresse aujourd'hui, ce sont deux expositions temporaires, visibles jusqu'au 31 décembre.
Dès 1990, suite au changement de régime, se crée un grand nombre d'associations et de fondations civiles. Dans de nombreuses communes, des colonies d'artistes voient le jour. C'est le cas à Cserszegtomaj où les autorités locales et les artistes du lieu créent une fondation internationale de création libre. Sculpteurs, graphistes, photographes, mais surtout peintres sont accueillis chaque été pendant deux semaines dans le bâtiment de l'école communale. Durant dix-huit ans quelques deux-cents participants laissent une ou deux œuvres dont la vente va financer le camp à venir. Grand succès avec des invités de toute l'Europe, mais aussi des USA et d'Asie. En 2009 la politique locale change. Le nouveau maire ne soutient plus la fondation, l'école communale n'est plus mise à disposition. La fondation est dissoute. Ferdinand Takács, l'homme qui a eu l'idée, qui a présidé la fondation, ne baisse pas les bras. Avec Lívia Szenc, sa femme, ils s'investissent dans la création d'une nouvelle entité, portant le même esprit. Créativité, liberté et amitié sont les mots clefs. Tirant les leçons du passé, ne voulant pas d’interférences politiques locale ou nationale, la nouvelle structure est sans forme juridique, sans engagement financier. Elle fonctionne comme un pique-nique dans la maison et surtout le jardin du couple à Cserszegtomaj. Chaque invité apporte sa contribution, présente ses œuvres, partage. Un nouveau nom est trouvé « Művészek Szabad Alkotóközössége » abrégé « MŰSZAK » que l'on peut traduire par : « communauté des artistes créant librement » et l’abréviation par : « technique ». C'est un gag. Gag pas très heureux, mais qui reste facilement en mémoire. Depuis dix ans chaque année les médias du département de Zala et même la télévision nationale en rendent compte et le musée et une maison de la culture de Zalaegerszeg exposent les œuvres ; peintures, sculptures, graphiques, photos et poésies illustrées par Lívia Takács Szenc.
MŰSZAK a encore deux spécificités : une démonstration de peinture collective réalisée par trois dames improvisant sur le thème de l'année. Ce thème est inspiré par un artiste reconnu qui a travaillé dans la région du lac Balaton. Tous les artistes invités, très librement, essayent de travailler dans l'esprit de ce prédécesseur.
Cette année l'artiste choisi est le peintre et professeur Sándor Basilides (1901 - 1980). MŰSZAK et le musée se souviennent de lui par une exposition commémorative, quarante ans après son décès. Lors du vernissage, Dr Balázs Feledy a résumé la carrière de cet artiste un peu tombé dans l'oubli. Il a souligné l'importance pour l'histoire de l'art d'avoir des descendants qui sauvegardent la mémoire et les œuvres des artistes. Dans ce cas la majorité des peintures et dessins exposées est prêtée par la fille de l’artiste Aliz Basilides et le commissaire de l'exposition Bálint Basilides, neveu du peintre. Grâce à leur travail de gardien du souvenir, l'intérêt pour ce grand artiste renaît. Le projet de la pose d'une plaque commémorative sur la maison de Mester utca, dans Ferencváros, à Budapest où était son atelier et son logement est en cours de réalisation.
La famille est originaire du département de Gömör (actuellement en Slovaquie). Le grand-père de Sándor est propriétaire terrien, avocat et maire de la ville de Jolsva. Son père est notaire. Dans les années de la première guerre mondiale la famille vit à Vágújhely, ville qui après le traité de Trianon devient Nové Mesto nad Váhom, sous autorité tchèque. Ne trouvant pas de solution légale pour se rendre à Budapest, Sándor et son frère Barna traversent le Danube à la nage pour commencer leurs études à l'Académie des Beaux-Arts. Là ses maîtres seront Ede Balló, puis Gyula Rudnay dont il devient l'assistant.
Avec son frère Barna, il passe l'an 1925 en Italie. Dès 1924 il participe à des expositions collectives de bon niveau. Dès 1933 viennent les expositions individuelles. Les acheteurs affluent, même d'Amérique. Jusqu'à la deuxième guerre mondiale il fait partie de l'élite des peintres. Sous le régime communiste, son étoile de peintre pâlit, mais il est reconnu en tant que professeur.
L'artiste est spirituellement engagé dans l'église luthérienne et sa sensibilité sociale est grande. Dans les années trente, il choisit souvent des thèmes représentant les scènes de la vie quotidienne du peuple.
De 1936 jusqu'à sa retraite, il enseigne à la « petite académie » de la rue Török à Budapest. C'est un artiste complet qui dirige l'atelier des gobelins, prépare des décors de théâtre, crée des affiches publicitaires.
Ses liens avec la région du Balaton se créent suite à son mariage. Son beau-père lui offre un terrain à Balatonalmádi, sur lequel il construit une villa où il passera tous les étés. Il y accueille ses amis artistes sculpteurs, écrivains et peintres. Il est membre de la colonie d'artistes de Vörösberény.
Le site du musée donne plus de détails (en hongrois) et d'autres images :
https://balatonimuzeum.hu/kiallitasok/basilides-sandor-emlekkiallitasa/
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