LITTERATURE: Bruno Nassim Aboudrar et Jean Mattern

LITTERATURE: Bruno Nassim Aboudrar et Jean Mattern

Deux écrivains français au destin singulier ont présenté à Budapest leurs premiers romans, dont l’action se déroule en partie dans la Hongrie historique. Deux écrivains qui, sans parler ni comprendre la langue, sont un peu chez eux en Hongrie.

En effet, si le père de Bruno Nassim Aboudrar est Marocain, sa mère est quant à elle Hongroise. «Oui, mes aïeux viennent de deux continents différents, mais mon livre Ici-bas ne raconte pas à proprement parler leur histoire. Il y a un décalage constant. Mes grands-parents étaient magyarophones. Mon roman se déroule dans cette ville d’Arad, en Transylvanie, où je ne suis jamais allé que j’ai entièrement imaginé. C’est un milieu de la bourgeoisie juive athée, assimilée et cultivée. Ils sont venus en France très tôt, dans les années 1920, tandis que si l’une des héroïne, Vilma, est partie très tôt à Paris pour faire des études en médecine, certains de mes héros ne sont partis qu’en 1948 de Arad, devenue roumaine ». Ali et Marinette n’auraient jamais dû se rencontrer, à Paris, au début des années cinquante. Ce livre est le double roman, en parallèle, des familles d’Ali et Marinette, les deux héros de cette histoire qui se rencontrent à Paris dans les années 1950. Celle de Marinette, aux marches orientales de la Transylvanie, dans les débris d’un Empire que la barbarie gangrène sourdement, celle d’Ali, dans le Maroc du protectorat français. «Mes grands-parents marocains ne sont pas issus du même milieu social ni de la même génération que mes héros. Cette famille marocaine vit dans un milieu modeste de fellahs une vie ancestrale fondamentalement silencieuse». Ces eux jeunes qui se reconrent à Paris sont originaires de deux continents et de milieux sociaux très différents. «Oui, mais ce n’est pas la même génération. L’idée qu’il puisse y avoir ce croisement à Paris serait une chose tout à fait impossible aujourd’hui». «Je me reconnais dans ce que Bruno vient de dire, souligne Jean Mattern, auteur du roman Les bains de Kiraly. Il y a à la fois l’utilisation de matériaux qui viennent de la biographie de nos familles respectives, mais aussi une mise à distance et une modification fictionnelle immédiate. J’ai raconté une histoire qui, par certains aspects, peut rappeler l’histoire de mes grands-parents , mais qui n’est pas leur histoire. Mon narrateur ne me ressemble en outre pas beaucoup». Dans les deux récits, on est toutefois à la recherche de l’identité de Europe centrale. «C’est une quête, c’est un questionnement, poursuit-il. C’est une personne qui part car il n’a pas des éléments de réponse à sa vie, notamment quand sa femme tombe enceinte et qu’il se sent incapable d’affronter la paternité. C’est à ce moment là qu’il essaye de trouver les réponses à la fois dans sa propre histoire et dans sa biographie familiale, mais il n’est pas certain que cette quête des origines lui apporte des réponses. Je me méfie des réponses simplistes aux questionnement identitaire». Quant aux bains de Kiraly… «c’est un lieu qui a un valeur symbolique. Le lieu du flottement, du doute et aussi de l’abandon de soi. Je ne veux non plus accorder trop d’importance à la mythologie des lieux, mais les images de Budapest, du lac Balaton me sont venus à l’esprit inconsciemment et malgré moi au moment de la rédaction du roman. Cela veut donc dire qu’elles avaient de l’importance pour moi».

Catégorie