Table ronde sur le fact-checking, la désinformation et l’ultrasurveillance

Table ronde sur le fact-checking, la désinformation et l’ultrasurveillance

Fact-checking

Le 2 avril 2025 s’est déroulée une table ronde intitulée “Combattre la désinformation et renforcer les démocraties européennes : quel avenir pour le fact-checking ?” au sein de l’auditorium de l’Institut français de Budapest. Cette table ronde animée en anglais et en français intervient dans le cadre de la semaine de l’éducation aux médias organisée par l’Institut français.

Les intervenants, issus de différentes professions, ont échangé pendant environ 1 heure sur les enjeux que représentent la désinformation à l’heure actuelle et ont œuvré à vulgariser cette problématique au public présent dans la salle. Paolo Cesarini, directeur de programme à l’Observatoire européen des médias numériques à l’Institut universitaire européen, déclare notamment que “la désinformation est un acte de mépris de la démocratie la plus fondamentale”.

Sylvain Louvet de son côté exprime qu’il y a selon lui : “une mort du journalisme classique” et reconnaît qu’entre le début où il a commencé à exercer cette profession et aujourd’hui, le métier de journaliste a beaucoup changé. Il ajoute que “les réseaux sociaux sont une révolution technologique et anthropologique” et aborde le caractère nécessaire mais limité du fact-checking.  “La confiance a été perdue entre le public et les journalistes” renchérit Corentin Léotard, directeur du courrier d’Europe centrale et correspondant en Hongrie.

Fact checking

Sylvain Louvet est également le réalisateur d’un documentaire intitulé “Tous surveillés : 7 milliards de suspects”, diffusé pour la première fois en 2019 et projeté le 3 avril 2025 à l’Auditorium de l’Institut français de Budapest. Sylvain Louvet est actuellement directeur de l’unité documentaire HBO Max et lauréat du prix Albert Londres pour ce documentaire. Il y a consacré deux ans de travail et considère que c’est l’un des films les plus difficiles qu’il ait eus à réaliser dans toute sa carrière. Le documentaire se déroule dans plusieurs endroits, en Chine dans la région du Xinjiang, en France à Nice, aux Etats-Unis à Washington et San Francisco, en Angleterre à Londres et en Israël à Tel Aviv. A travers ce documentaire Sylvain Louvet a eu pour objectif de montrer au spectateur comment les grandes puissances se livrent à une course de technologie de surveillance. Le documentaire débute par des images du Carnaval de Nice et mentionne le projet de la municipalité de la ville de tester la mise en place de caméras à reconnaissance faciale afin de sécuriser les événements publics, quelques années après les attentats du 14 juillet 2016. Le film nous emmène ensuite en Israël, là où siège la plus grande entreprise de caméras à reconnaissance faciale. C’est au sein du Xinjiang en Chine qu’une grande partie du documentaire a été filmée, afin de dénoncer la répression dont font objet les Ouïghours, minorité musulmane de la Chine. Sylvain Louvet a pris la parole au micro à la fin de la projection et a répondu aux questions du public. “C’est très difficile en tant que journalistes parce qu’en arrivant dans certains pays on devient radioactifs.”, déclare Sylvain en réponse à un spectateur qui s’interrogeait sur le sort d’une personne apparaissant dans le documentaire après avoir été arrêtée par la police.

Sylvain Louvet explique que lui et ses collègues ont utilisé le principe de disque dur crypté pour ramener des images du Xinjiang ainsi que des applications de téléphone pouvant filmer sans que l’écran ne se voit. Ils ont également utilisé le subterfuge de cacher la carte mémoire dans leurs chaussettes et ont dû prendre la fuite en embarquant dans le premier avion pour revenir à Pékin après s’être rendus compte qu’ils étaient suivis depuis 3 semaines.

“On ne fait pas ce métier pour nous-même mais pour les personnes qui vont regarder”, déclare-t-il solennellement à l’audience, qui salue son courage et celui de ses coéquipiers pour s’être rendu en Chine et avoir capturé des images que le gouvernent chinois aurait voulu faire disparaître. Sylvain Louvet rappelle alors l’actualité inquiétante ayant suivi la diffusion du documentaire en 2019 avec la mise en place d’un système de surveillance via des drones pendant le confinement en 2020 puis l’arrivée révolutionnaire de ChatGPT, l’assistant d’intelligence artificielle capable de tout faire, ou presque. Aujourd’hui, on recenserait plus d’1 milliard de caméras et systèmes de surveillance dans le monde, dont 200 millions en Chine. “On est seulement au début de ce que j’ai essayé de montrer avec ce film’, assure le réalisateur. Il aborde ensuite la loi ayant été adoptée puis promulguée le 15 avril 2025 au Parlement hongrois concernant l’autorisation d’utilisation de caméras à reconnaissance faciale pouvant identifier les individus et les sanctionner avec des amendes lors de la Pride de Budapest qui se tiendra le 28 juin, malgré l’interdiction.

Cassandre Marigny

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