„La Hongrie sous Orbán”
Six jeunes Français nous invitent au coeur de la Hongrie profonde.
Suivons-les, le voyage en vaut la peine…
Ils sont six journalistes établis de longue date sur le sol hongrois. Séduits par ce pays et son peuple dont la plupart pratiquent couramment la langue, ils ont décidé de nous faire partager leur passion. Au travers de dix-neuf anecdotes, expériences recueillies aux quatre coins de la province magyare (1).
Un ouvrage qu’ils avaient initialement choisi de titrer „Histoires de la Grande Plaine”, pour se ranger en définitive autour du nom de Viktor Orbán, plus porteur. Car, si nos compatriotes connaissent bien mal la Hongrie, ce petit pays d’à peine dix millions d’habitants, nul n’ignore le nom du Premier ministre hongrois qui défraie régulièrement la chronique. Qu’on l´adule ou qu’on l’exècre, il est indéniable que le nom d’Orbán fait souvent la Une de la presse et des médias depuis son retour au pouvoir en 2010. Ce qui, soit dit en passant, n’est pas pour lui déplaire, car il adore qu’on parle de lui. Il n’en demeure pas moins que l’ouvrage qui nous est ici proposé ne constitue nullement une analyse politique, mais nous offre bien davantage un regard sur la société hongroise et ses multiples facettes. Ce qui, dans la masse des ouvrages et articles publiés jusqu’ici, ne nous avait pratiquement jamais été proposé. Et pourtant… Une démarche infiniment plus enrichissante pour qui s’intéresse à ce pays et voudrait en décrypter les dessous.
„La Hongrie sous Orbán”… Un „sous” qui est à prendre aux deux sens du terme. Temporel (2010-2022), mais aussi physique, l’ombre du Premier ministre planant inexorablement sur la vie ses sujets, du haut de sa résidence perchée sur la colline du Château à Buda. Mais ceci en filigrane, l’ouvrage, répétons-le, n’ayant pas vocation de traiter, du moins directement, de politique, mais de nous offrir un regard aussi complet que possible, sur la société hongroise dans sa variété, sa complexité et sa richesse (au sens figuré, s’entend !). Pour ce faire, un choix délibéré : ne pas trop se pencher sur la capitale (sentier battu, centre de l’attention de nos journalistes et touristes), mais bien plutôt sur la province, et ce jusque dans ses recoins les plus éloignés. Au travers de rencontres, parfois surprenantes, toujours inédites, tant avec des sympathisants du pouvoir que ses opposants, ou encore non engagés, ce pour garantir autant que possible à l’ouvrage son caractère d’objectivité, sorte d’observatoire. Au lecteur, s’il le souhaite, de se forger ensuite une opinion.
Dix-neuf anecdotes et témoignages... Pour ce faire, nos amis ont ressorti leur bâton de pèlerin pour se rendre dans les régions les plus reculées et y rencontrer des acteurs de la vie locale, aux expériences parfois inattendues, toujours riches d’enseignement. Tel maire, tel responsable d’association ou communauté religieuse, tel artiste, tel agriculteur, tel étudiant, telle figure proche du pouvoir ou de l’opposition ou tout bonnement tel(le) citoyen(ne). Un kaléidoscope richement coloré, jamais ennuyeux.
Quelques exemples glanés au fil de la lecture. Telle cette petite bourgade de cent vingt âmes perdue aux confins de la frontière roumaine dont les habitantes, pour faire face à une situation financière désastreuse, eurent une idée originale (mais audacieuse). Disposant d´un petit cheptel de chèvres dont le lait leur restait sur les bras, ces dames eurent l’idée de créer une fromagerie. Elles n’avaient pas la moindre notion sur les méthodes de fabrication ? Peu importe, elles se renseignèrent à gauche et à droite, notamment sur… youtube (!) et se débrouillèrent avec les moyens du bord. Aujourd’hui, la fromagerie prospère, sauvant la commune de la faillite. Autre témoignage, celui du maire et des habitants d’une commune du Nord-Est victime de la fermeture des installations sidérurgiques, transformée en friche industrielle délaissée par une partie de sa population condamnée au chômage : dernier bastion du marxisme. Ou, à l’opposé, ce village proche de la frontière croate dont, lors des élections européennes de 2019, 100% des suffrages sont allés au parti de Viktor Orbán. Et pourtant, une population qui ne roule pas sur l’or, loin de là ... Mais justement, nous dit-on, d’autant moins encline à risquer le peu qu’elle possède en se lançant dans une aventure incertaine. Côté personnalités, nous signalerons une rencontre avec cette jeune ministre (2), sorte d’égérie, figure en vue du Fidesz (parti d’Orbán), notamment en charge de la politique familiale dont elle n’a cessé de prôner les valeurs chrétiennes conservatrices face à ce qu’elle considère comme la décadence du monde occidental.
Mais laissons là les exemples que notre propos n’est pas ici de commenter. Au-delà de son contenu, ce qui nous a particulièrement séduit est la forme adoptée par les auteurs. Un ouvrage qui se lit aisément, suite de chapitres courts, rédigés dans un style fluide, agréable à la lecture et non dépourvu par endroits d’une légère touche d’humour.
Bref, une lecture que nous ne saurions que recommander, sans manquer de tirer au passage un petit coup de chapeau à nos jeunes amis… Une suggestion : pourquoi ne pas étendre l’expérience à d’autres pays de la région ? (Je pense par exemple à la Pologne dont le peuple présente quelques affinités avec le peuple magyar (3) .)
Pierre Waline
(1): Hélène Bienvenu, Joël Le Pavous, Daniel Psenny, Thomas Laffitte, Jehan Paumero, sous la direction de Corentin Léotard, rédacteur en chef du Courrier d´Europe centrale.
(2): Récemment élue Présidente de la République, Katalin Novák, 44 ans - francophone et titulaire de la Légion d´Honneur - entretient des liens suivis avec les milieux conservateurs en France, notamment proches du FN.
(3): mis à part le récent et dramatique épisode Poutine (ami de Viktor Orbán) qui vient quelque peut jeter une ombre sur les relations.
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