Her Mothers/Anyáim története

Her Mothers/Anyáim története

Her mothers

Un documentaire intime et fort sur l’adoption par une famille arc-en-ciel dans une Hongrie toujours moins tolérante

Alors que la question des familles homoparentales s’invite au coeur du débat politique en Hongrie, un documentaire diffusé sur HBOEurope et disponible sur la plate-forme HBOGO retrace le parcours du combattant de Virág et Nóra, couple lesbien adoptant un enfant et fondant une famille.

Rencontre avec l’un des producteurs du documentaire, Marcell Gerő, ainsi que ses deux réalisatrices Asia Dér et Sári Haragonics.

Virág est une ancienne politicienne écologiste qui s’est retirée de la politique après avoir perdu confiance en le parlement démocratique hongrois. Nóra, sa compagne, est musicienne. Dès le début du documentaire, nous sommes immédiatement plongés dans leur intimité et le décor est vite posé : Virág a effectué une procédure d’adoption il y a un an et demi et Nóra est en train de réaliser la sienne. Tout de suite, l’accent est mis sur la difficulté que rencontrent les couples homosexuels pour adopter et sur le doute quant à la possibilité d’accueillir un enfant un jour.

Finalement, le long et difficile processus aboutit et une petite Melissza entre dans leur vie. Néanmoins, cela ne marque pas la fin de leur parcours car, au-delà de l’adoption, leur souhait est de construire une famille, ensemble. Mais des tensions émergent dans couple :  alors que Virág s’épanouit dans son rôle de mère, Nóra se sent rejetée et a du mal à trouver sa place au sein de la famille.

La marée montante de la propagande de droite en Hongrie commence également à impacter leur vie et le bien-être de leur famille en construction. Se pose alors une difficile question : doivent-elles ou non quitter leur pays pour achever leur projet et pouvoir s’épanouir pleinement en tant que famille ?

L’intimité, centre de gravité du documentaire

« Je ne savais pas, même si j’aurais dû, qu’il y avait des familles arc en ciel en Hongrie. Personne n’en parle jamais, ni de leur existence, ni de leurs droits. » Pour la réalisatrice Asia Dér, l’envie de faire ce documentaire s’est affirmée lorsqu’elle a « réalisé qu’il y avait plus de soixante-dix de ces familles “illégales” en Hongrie » et « qu’il était important de briser le silence qui les entoure ».

Ce qui fait la force de ce documentaire, c’est la proximité qui se créé très vite entre le spectateuret  les protagonistes. On en oublie même qu’il s’agit d’un couple de femmes qui adoptent, tant le degré d’intimité ne permet plus qu’à la famille et à l’amour de transparaître. Chacun peut ainsi se reconnaître dans ce couple et dans les épreuves qu’il traverse. Peu importe le genre des parents, l’accueil d’un enfant est toujours un chamboulement après lequel chacun doit trouver sa place.

Les deux réalisatrices, qui sont devenues très amies avec Virág et Nóra, ont pu créer une très forte intimité avec ces dernières ayant toujours été très ouvertes au projet. En tout, le tournage a duré deux ans et demi. « Après un an de tournage, elles nous ont proposé un autre rythme. Plutôt que de filmer quelques jours par mois, on filmait tous les deux mois mais on restait une semaine chez elles, dans leur salon. Cela a renforcé la confiance qu’il y avait entre nous ». Pour Sári Haragonics, ce qui a aidé à créer cet intimité également, est venu d’un désavantage : « comme nous n’avions pas de financement au départ, nous étions que toutes les deux sur le plateau. C’est ensuite devenu un vrai avantage, car quand la petite fille est arrivée, elle nous a aussi très bien acceptées. »

Ce que l’on ne voit pas forcément dans le documentaire, mais qui a une grande importance dans la proximité que l’on ressent, ce sont ces rushs filmés par Virág et Nóra au moment de l’arrivée de Melissza, pour ne pas que son acclimatation soit perturbée par les allés et venus de nombreuses personnes au domicile familial. C’était une période cruciale pour l’équilibre de l’enfant et la formation de la famille en devenir. « C’était très strict, même la grand-mère ne pouvait pas venir voir sa petite fille. Nous avons recommencé à filmer petit à petit après les visites du psychologue, mais finalement elle s’est rapidement habituée. »

Un projet d’amour atypique

Pour l’un de ses producteurs, Marcell Gerő, ce film documentaire est « en quelque sorte une exception », car quand la société Campfilm est entrée dans le projet, les deux réalisatrices avaient déjà commencé à tourner. L’idée était de filmer le plus spontanément possible, et avec très peu de préparation, tout le processus d’attente de l’enfant. « Lors du début du tournage, il n’état pas du tout sûr que ça allait aboutir et quel serait finalement le sujet entre une attente déçue et l’accueil d’un enfant. Rien n’était fixe, le documentaire s’est formé au fur et à mesure des évènements ».

A la question de savoir s’il avait été difficile de trouver les financements pour ce documentaire dont le sujet fait débat dans le pays, Marcell Gerő a affirmé que leur chance est qu’ils étaient en bon terme avec le département en charge des documentaires chez HBO Europe, qui a majoritairement financé le film mais surtout, « on a pensé ce projet comme un projet d’amour, pour lequel personne ne recevra d’argent ». Il ajoute ensuite que s’ils avaient dû compter sur des fonds nationaux, le financement aurait été bien plus difficile voir impossible.

Et Marcell d’ajouter : « Depuis que notre société de production existe, on a fait à peu près une vingtaine de films, et il faut que j’avoue que c’est l’un de mes préférés, mais je ne saurait pas exactement expliquer pourquoi. Même si c’est leur premier film et malgré quelques petits défauts, elles y ont mis tellement de cœur et de passion que je me sens très proche du film, de l’histoire ».

Un documentaire involontairement d’actualité

Le système d’adoption par les couples homosexuels en Hongrie a toujours été très ambigu. Auparavant, et comme cela s’est passé pour Virág et Nóra, l’adoption n’était pas permise en tant que couple, mais seulement en tant que mère ou père célibataire. Aujourd’hui cependant, cette procédure s’est durcie. Pour pouvoir adopter un enfant, les couples homosexuels doivent remplir un formulaire qui doit être contresigné par le/la ministre de la Famille. Sans ce blanc-seing, impossible d’aboutir.

De plus, ces derniers temps, la question de l’adoption des couples homosexuels est devenue très politisée. Le gouvernement conservateur a d’ailleurs choisi ce sujet comme l’un des thèmes majeurs de son discours à un an des élections législatives.

Pour Marcell Gerő, il s’agit d’une bonne opportunité pour le documentaire. « On a commencé à faire un film qui voulait parler de cette famille, de ce couple et de la construction de la famille et aujourd’hui, on se retrouve à avoir fait un film qui s’occupe de la question politique la plus importante actuellement. » Cela a d’ailleurs permis d’alimenter le débat autour de cette question, « on a la chance de pouvoir montrer quelque chose qui créé un véritable débat social. »

Lorsque cette question est arrivée au cœur de la politique, Asia Dér ne le voyait pas d’un bon œil « je pensais que ce n’était pas une bonne chose pour notre film, parce que j’avais peur qu’il soit automatiquement relié à la politique et ce n’était pas du tout ce dont nous avions envie. Mais après j’ai changé d’avis car finalement, cette question est enfin mise sur la table. Beaucoup de civils qui ne parlent jamais de questions politiques ont posté des petits paragraphes sur leur compte Facebook et énormément de familles ont été émues par la question. »

« On reçoit beaucoup de messages de personnes, que ce soient des pères ou des mères qui se sentent concernés par ces problématiques familiales et à quel point ils s’identifient à Nora, du fait de cette peur de ne pas pouvoir créer un lien spécial avec l’enfant. Ce dont je suis contente aussi c’est que beaucoup de personnes regardent le documentaire sans s’arrêter sur l’aspect politique de la question, et en se concentrant sur la famille, sur comment devenir parents ou mères. »

Une aventure humaine avant tout

Du fait de son sujet, de la façon dont il a été filmé et des liens qui se sont créés, ce documentaire a réellement été une aventure humaine pour les producteurs et pour les réalisatrices.

Chez Campfilm, « on n’arrive jamais à choisir nos projets du point de vue financier, notre décision d’entrer ou non dans une production repose toujours sur la question de savoir si ça va être une aventure, si l’histoire est importante, s’il y a quelque chose au-delà de cette histoire » a affirmé Marcell Gerő.

« J’ai beaucoup appris en réalisant ce film, que ce soit d’un point de vue humain comme cinématographique », s’est confiée Asia Dér. « Du point de vue humain, cela nous a permis, au sens propre, de regarder une famille se former, avec toutes les questions essentielles qui se sont posées. Cela m’a permis de me poser personnellement beaucoup de questions sur comment moi, je réagirais face à telle ou telle situation. »

Aujourd’hui, les réalisatrices sont encore en contact avec Virág et Nóra, notamment en ce moment avec la sortie du documentaire en Hongrie. « C’est magnifique de voir que toutes les trois sont devenues une vraie famille, que Melissza a développé des liens très forts avec chacune de ses deux mamans, même si bien sûr ils sont différents. Elles semblent très heureuses. »

Pour voir le trailer, c’est ici :

https://www.youtube.com/embed/bXD646uC4WA?start=1&feature=oembed

Mathilde Houssay

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