Colloque « Les Femmes dans la Science », 27 mars 2023
Le 27 mars 2023, l’Institut Français nous a fait le plaisir d’organiser un colloque traitant de la place des femmes au sein des disciplines scientifiques. Durant une journée entière, nous avons pu écouter les témoignages de femmes hongroises et françaises passionnantes, exerçant des métiers encore trop dominés par la présence masculine.
C’est l’ambassadrice de France en Hongrie, Mme Claire Legras, qui a inauguré cet événement. Par la suite, Katalin Balázsi, présidente de l’Association des Femmes hongroises dans les Sciences, a pris la parole afin de présenter son organisme, tout en insistant sur quelques constats peu flatteurs quant à l’importance des femmes dans le milieu scientifique. Après elle, c’est Peggy Vicomte qui est intervenue : elle est directrice générale de Femmes@numérique, un collectif d’associations qui met en lumière la place des femmes dans le secteur technologique, où elles ne représentent qu’une minorité. En effet, selon le rapport DESI 2020, seul 18% des spécialistes des Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) sont des femmes.
Ensuite s'est exprimée Isabelle Vauglin, astrophysicienne et présidente de l’association Femmes et Sciences. Elle a évoqué la réussite scolaire indéniable des filles, qui sont meilleures que les garçons, dans tous les domaines et filières confondus jusqu’au bac. Cependant, de par les stéréotypes de genres enseignés dès l’enfance, beaucoup se désintéressent finalement des sciences et s’écartent rapidement de ce milieu, et ce dès le collège. Depuis la réforme du baccalauréat en France, les résultats sont malheureusement encore plus mauvais qu’auparavant, les filles se détournant des matières scientifiques au profit de la philosophie et de la géopolitique. Ainsi, on a observé une baisse de 28% des effectifs féminins de terminale dans les sciences entre 2019 et 2021. Pour contrer cela, l’association de Mme Vauglin entreprend de nombreuses interventions dans les collèges et lycées. Les actions de ces femmes, via leurs organisations, sont donc nécessaires, et permettent de prendre conscience de certaines réalités tout en indiquant aux jeunes filles qu’elles ont entièrement leur place au sein de ce monde.
Après cela, nous avons pu écouter Bérengère Dubrulle, physicienne spécialiste de la notion de turbulence, travaux pour lesquels elle a reçu le prix Irène Joliot-Curie de la femme scientifique de l’année en 2022. A sa suite, Ágnes Kóspál nous a présenté ses innombrables réalisations dans les domaines de la physique et de l’astronomie. Plusieurs autres femmes aux parcours captivants et hétéroclites nous ont également présenté leurs activités, par quels moyens elles avaient réussi à s’imposer dans ce milieu, et comment les générations futures devaient s’inspirer de cela pour démocratiser et féminiser les métiers scientifiques.
Pour accentuer leurs propos, nous pouvons prendre en compte quelques chiffres : actuellement, l’UNESCO indique que seuls 33% des chercheurs et chercheuses dans le monde en 2022 sont des femmes, et qu’elles sont évidemment moins bien payées que leurs homologues masculins, et ce à poste égal. Au sein de l’Union européenne, les chiffres sont un peu plus positifs, avec 41% de femmes travaillant dans le domaine des sciences et de l’ingénierie. Seulement, ces données diffèrent selon les pays, et on voit que l’Allemagne ne compte par exemple que 33% de femmes dans ses rangs.
D’autres statistiques nous permettent de réaliser l’hégémonie masculine au sein de ces domaines : on ne compte que 24% de femmes dans l’Académie des Sciences Hongroise, seules 28% des étudiant.e.s ingénieur.e.s sont des femmes, et on ne recense que 20% de femmes au sein du CNRS. Présentement, il faudrait encore 120 ans pour atteindre une parité parfaite au sein du monde numérique et scientifique. Ainsi, cela nous alerte sur la nécessité de féminiser ce milieu, en indiquant aux femmes qu’elles aussi sont légitimes, et que contrairement aux stéréotypes, il n’existe pas de cerveau dit « féminin » ou « rose », prédisposé à la littérature et à l’art, et complètement obtus vis-à-vis des sciences.
Cependant, même quand les femmes progressent dans ce milieu et sont à l’origine de découvertes, on les invisibilise, comme le démontre l’effet « Matilda » : ce dernier se décrit comme le « déni, la spoliation ou la minimisation récurrente et systématique de la contribution des femmes à la recherche scientifique, dont le travail est souvent attribué à leurs collègues masculins ». De nombreuses femmes en ont été victimes, telles que Rosalind Franklin, qui a formulé la structure de l’ADN, ou Lise Meitner, qui a joué un rôle majeur dans la découverte de la fission nucléaire. Toutes deux ont vu les mérites de leurs découvertes attribuées à des hommes, et leurs noms ont rapidement été effacé. Exemples flagrants de discriminations, ces cas démontrent des problématiques inhérentes à ce milieu dominé par le patriarcat.
Le 11 février dernier, le Secrétaire général des Nations Unies, António Guterres, déclarait « Plus de femmes et de filles dans le domaine scientifique égale une science plus humaine ». A cela s’ajoute le fait que le monde de l’ingénierie manque cruellement de nouvelles recrues, et inciter les femmes à se tourner vers ce milieu ne pourrait être que bénéfique. Cette sensibilisation est donc nécessaire, et l’organisation de conférences, de séminaires, et autres activités sont donc plus qu’importantes à ce jour, afin de convaincre les femmes que leur place est également dans ce monde. Il faut arrêter l’auto-censure, et se persuader de la valeur du travail qu’elles peuvent apporter, tout en permettant la mise en lumière de modèles féminins pour les générations à venir.
Louise Damin
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