Français de l´étranger : loin des yeux, loin du cœur ?
Deux millions et demi, l´équivalent de la région Centre-Val-de-Loire ou du département du Nord. Et pourtant, leurs compatriotes de la métropole auraient, semble-t-il, une fâcheuse tendance à les oublier. Qui sont-ils, donc ?
Les chiffres, tout d´abord. Selon les données fournies par le Quai d´Orsay : en 2019, ils étaient 1 800 000 inscrits sur les registres des ambassades, ce qui signifierait, l´inscription n´étant pas obligatoire, un total se situant entre 2 et 2,5 millions. C´est la Suisse qui vient en tête avec 188 500 inscrits (devant les USA, le Royaume Uni, la Belgique et l´Allemagne). En Hongrie, nous sommes environ 4 500 (estimation) dont 2 500 inscrits (chiffres 2016).
Pour commencer, deux souvenirs personnels. Lorsque ma direction décida de me détacher en Allemagne, je ressentis une petite touche d´envie de la part de certains collègues. Qui, pourtant, ne se seraient pas donné la peine d´apprendre la langue, encore moins de déménager avec femme et enfants. Autre réaction maintes fois constatée : celle de considérer Francfort, où je résidais, comme le bout du monde. Or, Francfort est plus près de Paris que Toulouse, Marseille ou Grenoble. Tel Didier Bariani (Secrétaire d´État aux AE) nous demandant, à l´occasion d´une visite, si nous captions Radio France International. La réponse fusa, immédiate à l´unisson : „Non, monsieur le ministre, nous écoutons France Inter.” No comment...
Mais pourquoi donc s´expatrier, parfois au prix de sérieux sacrifices ? Avant tout pour des raisons professionnelles, les années passées à l´étranger étant généralement synonymes ou promesses d´avancement, sans compter les conditions matérielles, souvent avantageuses. Mais ils ne sont pas les seuls. D´autres ayant fait ce choix tout simplement par attachement pour leur pays d´adoption, sans parler des mariages mixtes. Certes, un choix qui a malgré tout son prix. Car quitter son environnement et s´éloigner de ses amis et proches n´est pas forcément chose évidente pour tous. Sans parler de l´exigence d´une parfaite maîtrise de la langue du pays donné. Encore qu´ici, il faille relativiser. Tout d´abord par l´absence de cet obstacle pour nos compatriotes établis dans des zones francophones (Belgique, Suisse romande). Mais aussi si l´on sait que dans de nombreux cas, c´est l´anglais qui est utilisé comme langue de travail, où que l´on soit, ce qui simplifie considérablement la tâche de nos amis (1).
Si l´installation en terre étrangère n´est pas sans imposer des démarches, parfois contraignantes (permis de travail, permis de séjour) ou causer des soucis pratiques (accès aux services de santé, scolarité des enfants), c´est dans bien des cas dans leurs rapports avec les institutions et l´administration centrale que nos compatriotes établis hors de France éprouvent quelques difficultés. Absence de communication, non prise en compte de leurs intérêts. Dans un contexte encore resté par trop exclusivement „hexagonal”. Fort heureusement, cela est en train d´évoluer. Tout d´abord avec la mise en place d´élus chargés de les représenter, dans un premier temps à l´Assemblée nationale (2), puis au Sénat. Également mise en place, l´élection tous les six ans de Conseillers des Français à l´étranger (ex conseillers consulaires), élus entre eux pour faire entendre et défendre leurs requêtes auprès de l´administration centrale, notamment par le biais des ambassades (réunions régulières de débriefing) (3).
Au-delà de ces instances, disons „officielles”, le plus encourageant est cette apparition, un peu partout, d´associations et regroupements spontanés, le plus souvent apolitiques, pour donner plus de force à leurs revendications et, surtout, resserrer des liens entre Français établis dans un même pays. Voire aller au-delà en nouant des liens avec les communautés établies dans d´autres pays de par le monde. C´est là un phénomène récent, particulièrement encourageant (4). Apparition, donc, quoiqu´encore à ses débuts, d´un élan de solidarité entre ces compatriotes qui, tout en gardant une attache avec leur terre natale, se sentent liés par un sort commun, au-delà de la diversité de leurs environnements respectifs et au-delà de toute appartenance ou tendance politique. Une nouveauté également : l´apparition sur internet de sites par lesquels ils peuvent échanger les informations sur leur pays et conditions d´implantation. Un lien fort qui, de Rio à Sidney, du Cap à Oslo, tend à faire de ces Français de l´étranger une communauté de plus en plus soudée.
Et puis, atout non négligeable, au-delà des services officiels (ambassades, Instituts français, missions économiques), ces deux millions de Français répartis sur les cinq continents constituent le gage le plus solide et le plus sûr pour assurer notre présence de par le monde.
Ne les oublions donc pas !
Pierre Waline
(1). établi en Allemagne, un ami président d´un groupe allemand (Braun AG) m´expliquait qu´il n´utilisait l´allemand que dans ses relations avec le personnel et les syndicats, sa langue principale de travail demeurant l´anglais.
(2): députés répartis sur onze circonscriptions, chacune correspondant grosso modo à 150 000 électeurs.
(3): reportées en raison de la pandémie, les élections consulaires se tiendront en principe les 29 et 30 mai prochains.
(4): telle l´Alliance Solidaire des Français à l´Étranger (ASFE) qui se veut un relais privilégié des Français expatriés, disposant d´antennes un peu partout dans le monde. Dont une section hongroise particulièrement active qui a mis en place sur Facebook un site interactif convivial et très suivi (ASFEHongrie).
Offre également un lien précieux, l´Union de la Presse Francophone (UPF) qui dispose en Hongrie d´une section particulièrement active.
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