Florentin du Troquet - Les Français de Budapest
Lorsqu’on s’expatrie, un sujet requiert vite une importance capitale : où se faire de nouveaux amis vivant la même chose que nous ? À Budapest, la réponse à cette question s’appelle Le Troquet. Cette petite brasserie installée au bord du Danube s’est imposée depuis trois ans comme le repère des expatriés français, et plus généralement, des amoureux de la France en Hongrie. Une terrasse au soleil, des vins venant de tout l’Hexagone et une télévision diffusant le Tour de France : tout est comme « à la maison ». Le gérant de ce petit bout de France se nomme Florentin Mochet, un Français installé à Budapest depuis cinq ans.
Ce Breton d’origine a suivi des études de commerce, d’abord à Saint-Brieuc en Bretagne, puis dans une école de commerce à Dijon. Déjà attiré par le vin, il continue à développer son intérêt pour le nectar en Bourgogne, enchaînant les expériences dans le milieu viticole. « Je ne suis pas passionné par le vin, mais j’aime l’idée de vendre un produit plaisir », glisse-t-il. C’est à la suite d’un stage dans l’importation de vin à Prague et après de nombreux engagements associatifs dans son école que lui vient l’idée de monter sa propre structure en Europe centrale. Entre ses quatre rattrapages, il commence à travailler pour son mémoire de fin d’études sur une boutique de vin fictive à Budapest baptisée « La Cantine ». Dans ce petit projet étudiant, il y a déjà tout ce qui fera le succès du Troquet quelques années plus tard : le concept, l’ambiance et les valeurs.

C’est deux ans plus tard que ce projet verra réellement le jour à Budapest. Florentin s’installe en 2019 en Hongrie et fonde, en parallèle de son travail, une petite boutique d’exportation de vin avec son associé hongrois Máté. Les débuts sont modestes, mais le développement de la petite entreprise s’accélère très vite. Le directeur de l’Institut français de l’époque propose à Florentin et à ses associés de prendre possession d’un local au rez-de-chaussée de l’Institut afin de créer un bar français à Budapest. La petite équipe accepte et, après de gros travaux, recrée un petit village gaulois en Hongrie.
Les murs bleus du lieu sont couverts de références au vin et à la France, le grand bar en bois propose des mets typiques, tandis que les nombreux coins où s’asseoir accueillent les discussions et les passions. Ce jour-là, au-delà des habitués francophones et hongrois, un groupe de cinq touristes français s’installe dans les canapés, consommant boissons et plats tout en écoutant les conseils avisés du tenancier de l’auberge. Florentin est devenu en quelques années l’un des meilleurs représentants de la France dans le pays. Il organise des sessions de course à pied, des sorties vélo, des soirées dansantes où il mixe lui-même, ainsi que des réunions lors des grands événements sportifs à la télévision. Lorsqu’on lui demande pourquoi, il répond : « Quand tu es expat, tu es loin de ta famille et de tes amis, donc tu as besoin de voir du monde (…) J’ai simplement commencé à organiser les événements que je voulais en tant qu’expat, des événements qui me ressemblent. »

Son bistrot parisien sur les rives du Danube est apprécié par les Hongrois pour son côté convivial. Aujourd'hui, son bistrot embauche une dizaine de personnes pour répondre à la fréquentation et aux nombreux événements organisés en soirée. Parmi eux : des expositions, des conférences, des soirées à thème avec divers publics comme Budapest Accueil, la CCI franco-hongroise, l’Association des journalistes francophones ou les Petits Mousquetaires et leurs enfants bilingues. Mais Le Troquet est une entité aussi active hors les murs, dans divers salons comme cette année au Rosalia. À ce propos, il raconte : « Cette année, au salon du rosé, nous avons diffusé la finale de la Ligue des champions, c’était assez cool de créer une fan zone géante en plein cœur de Budapest, avec des milliers de personnes. »
Aujourd’hui, au grand regret de ses usagers, l’aventure du Troquet risque de s’arrêter. La direction de l’Institut français souhaite remplacer ce bistrot populaire par une nouvelle salle d’exposition. S’il ne fait aucun doute que Florentin rebondira dans un nouveau projet, il semble difficile de justifier la disparition de ce symbole de la culture française en Hongrie.
L’histoire de Florentin, c’est au départ celle d’un expat entreprenant qui voulait se faire des potes à Budapest et qui a fini par devenir un pilier de la culture française ici. Celle d’un Breton mettant sa passion et son ambition au service des autres, créant des moments conviviaux autour d’un verre de vin et d’événements culturels, culinaires, associatifs ou sportifs au bord du Danube.
Paul Rabeisen