L’Art digital : entretien avec l’artiste Cherubini
L’Art digital : entretien avec l’artiste Cherubini
Découvrez le parcours artistique de Cherubini, et tombez amoureux de l’art digital. Ses collages, loufoques et bariolés, sont de véritables capsules de sauvetage vers des territoires artistiques encore inexplorés.
L’art digital étonne et surprend. Usant des technologies informatiques pour former et retoucher des images, ce domaine offre des possibilités de créations infinies. Nous avons rencontré Cherubini, une jeune artiste passionnée d’art digitale, qui a d’ailleurs exclusivement produit une jolie illustration du Parlement hongrois pour le Journal Francophone de Budapest. Ses œuvres, à découvrir sur la page instagram @Cher.ubini et bientôt sur son site cher.ubini.art, appellent à l’évasion. Derrière la photo de profil du petit ange rêveur de Raphael Sanzio se cache une jeune artiste pleine de vie, de joie et d’idées, des choses si précieuses et nécessaires aujourd’hui.
JFB : Peux-tu te présenter et nous parler du début de Cherubini ?
Cherubini : Alors mon prénom dans la vraie vie c’est Fiona, mais si on parle d’art, je m’appelle Cherubini. Les chérubins, ce sont ces petits anges un peu gros dans les tableaux de la Renaissance. Donc ce sont des grands classiques de maître, mais ce sont aussi de gros bébés, donc je trouvais que ça m'allait bien.
Je suis française mais j’ai grandi à Singapour, dans une famille plutôt marrante. J’ai fait plein de sortes d’art : du dessin, de la peinture, du théâtre, des petits courts-métrages entre copains… Puis je suis partie en France faire des études qui n’avaient rien avoir avec l’art. Là j’ai fait plein de trucs marrants : j’ai organisé un festival, j’ai travaillé dans un bar, je suis partie à l'aventure en Europe. Globalement, je me suis bien amusée, mais je ne faisais plus beaucoup d’art. Après je suis partie en échange à Hong Kong, et ça s’est compliqué. J’ai vécu une révolution et une pandémie en avant-première, et j’ai été mise à la porte de mon propre pays d’adoption. Et comme ça n’allait pas très bien, j’ai commencé un compte Instagram où je postais des dessins ou des collages. J’ai été très surprise de voir de belles réactions de la part d’Instagram, et des gens autour de moi. Alors j’ai continué. J’ai créé, créé, créé, et globalement c’était bien reçu. Maintenant, je vends des impressions de mon travail, j’encadre, je fais des visuels personnalisés.
JFB : Peux-tu nous décrire ton art et nous expliquer ce qu’est l’art digital à tes yeux ?
Cherubini : Mon média de préférence, c’est l’art digital. C'est-à-dire que je travaille sur tablette, ordinateur, ou sur logiciel. Ce que je fais le plus, ce sont des collages digitaux. Je prends des images diverses, je les “découpe”, et je les assemble pour en faire des compositions.
Je peux aussi faire des créations à partir de rien, des dessins sur logiciels, que je stylise avec les outils du programme. Dans mon travail, j’aime utiliser des images bizarres, perdues, oubliées, et/ou extraordinaires. Je les assemble, les multiplie, les colorie… Bref, c'est comme du Collage classique, mais avec plus de possibilités.
En fait l’art digital, ça regroupe tout un tas de technologies, et tout un tas d’outils que tous les artistes utilisent. Même les artistes travaillant exclusivement avec de l’aquarelle se retrouvent aujourd’hui à utiliser leur ordinateur pour scanner leur travail, le recopier, le transformer… L’art digital, c’est un monde entier qui s’ouvre, accessible à tous. En ce moment, je travaille dans une entreprise qui fait de la réalité virtuelle. Je réalise donc à quel point l’art digital, c’est grand ! C’est l’animation, c’est le jeu vidéo, c’est la réalité augmentée, l’art immersif, c’est le vidéo mapping, c’est de la musique, du film, du montage. Quand je vois l’étendu de ce que l’art digital représente aujourd’hui, je me dis que je n’en touche qu’une toute petite partie !
On a souvent tendance à opposer l’art digital aux arts traditionnels. Je pense que les deux sont complémentaires. Je réalise des collages digitaux, mais aussi des collages avec du {vrai} papier, avec de la {vraie} colle et de {vrais} ciseaux. Je fais aussi de la peinture, de la linographie… Opposer l’art classique et l’art digital, c’est comme opposer la course à pied en forêt, et la course sur tapis de course. L'essentiel c'est de courir.
JFB : Pourquoi avoir choisi le digital art, qu'est ce qui t'inspire dans cette méthode ?
Cherubini : Je trouve qu’il y a quelque chose de fascinant à l’art digital. Ça peut paraître “anti-artiste”, mais ce que j’apprécie dans l’art digital, c’est que ça va vite. Je suis une personne incroyablement impatiente. Lorsque j’ai une idée, je dois la mettre en œuvre le plus rapidement possible. Et c’est vrai que pour ça, le digital, c’est idéal. Au lieu de passer des heures à découper un arbre, branche par branche, le programme le fait pour vous en quelques secondes. Je suis également très maladroite comme personne - rester appliquée pendant longtemps, c’est compliqué pour moi. Et dieu bénisse la fonction Ctrl+Z !
Je suis également fascinée par le web et son immense base de données, en alimentation constante. Je suis constamment inspirée par le travail de mes camarades de création. Comme je travaille beaucoup avec des images d’archives, Internet est mon plus fidèle allié : c’est une source inépuisable d’images bizarres, perdues, volées, abîmées et/ou extraordinaires !
JFB : Quels sont les thèmes abordés par tes œuvres ?
Cherubini : J’ai tendance à dire que l’imagination est une synthèse de ce que l’on observe dans notre entourage. Consciemment ou pas, je pense que tout artiste lorsqu’iel crée, ne fait que mettre à plat sa conception du monde. Ainsi, beaucoup de mes œuvres s’inspirent de petites scènes du quotidien
En tant que jeune artiste, une grande partie de mes œuvres sont également des essais et des tentatives d’effets de style. Il est important de se mettre des cadres, par exemple “aujourd’hui, je ne travaille qu’avec des couleurs pastel” ou “Aujourd’hui, je veux incorporer des éléments d’art nouveau”. Je vais aussi chercher à travailler sur des thèmes spécifiques : j’ai réalisé une série inspirée d’un de mes contes préférés, James et la pêche géante, de Roald Dahl.
Inévitablement, je raconte un peu ma vie dans mes collages. J’aime raconter l’histoire des lieux que j’aime, ou des lieux où je passe. Paris, Le Havre, Singapour, Hong Kong… Tous ces lieux qui ont marqué mon histoire. Leur réserver une petite place dans mes œuvres, c’est les garder proches de moi.
Pour finir, je parle beaucoup de ma famille. Je suis complètement dingue de l’idée d’archive. L’archive pour moi, c’est une preuve du temps passé. Mon arrière-arrière-grand-père, Sergei Prokudin-Gorsky, était photographe. Il avait inventé une technique de photographie lui permettant de réaliser des clichés en couleurs...dans les années 1900 ! Lorsque je vois ses photos, c’est une preuve qu’il y a bien longtemps, il y avait de la vie, des histoires, des familles, des amis, des ennemis, des drames et de l’espoir. Je trouve ça très rassurant. Un de mes passe-temps préférés, c’est peut-être de fouiller dans les archives familiales, de 1900, jusqu’à aujourd’hui. J’utilise d’ailleurs beaucoup de photos de familles dans mes collages. Je remets le passé au goût du jour.
JFB : Quels ont été les projets importants pour toi ?
Cherubini : En Décembre dernier, j’ai participé à une vente éphémère dans le Marais à Paris, grâce au fantastique travail de La Fine Équipe. La Fine Équipe, c’est une entreprise qui possède plusieurs points de vente, et qui propose à de jeunes créateurs de vendre leur travail pendant une période limitée. Quelle expérience incroyable ! J’ai pu sympathiser avec les autres créateurs, notamment KenteMust (@kentemust) et ses superbes noeuds papillons en tissus Ghanéens, Up to Mary (@up_to_mary), et ses bijoux qui sont désormais toujours à mon cou, Icy Mouse (@icy.mouse) et ses bijoux en bétons, Aurelia Belliti (@aurelia_belliti) et ses douuuuces écharpes, L’accroche (@laccroche) et Tout pour un Jour (@toutpourunjour), et leurs créations en crochet. C’était un véritable choc pour moi, de me rendre compte que mon travail pouvait intéresser des passants. Un véritable boost !
En février 2020, j’ai collaboré avec le musicien et producteur de musique électronique allemand, Veganiel (@Veganiel_). Un artiste haut en couleurs ! J’ai conçu la couverture de ses albums “Emotional and Sensitive” et « Center of Circles », que vous pouvez trouver sur Spotify (oui, mon art est sur Spotify, #fiere).
Nouvellement Parisienne, j’ai pris la décision d’intégrer la faune artistique de Paris. C’est pourquoi une collaboration avec Pieces of Paris s’impose. Pieces of Paris (@pieces.of.paris), c’est une jeune artiste parisienne qui arpente les rues et les métros de la capitale française, et kidnappe vicieusement des bouts d’affiches ou de panneaux publicitaires, pour en faire des compositions uniques, associées à des localisations spécifiques de Paris. Cela fait quelque temps que je suis son travail, et la vente flash de la Fine Équipe nous a donné l’occasion de nous rencontrer pour de vrai. J’ai hâte de voir ce que l’avenir nous réserve !
Après des rêves, j’en ai plein la tête. Ça fait drôle de se dire qu’ils sont à portée de main.
Propos recueillis par Constantin Lu
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