Escapade artistique à la Galerie Várfok qui fête son trentenaire

Escapade artistique à la Galerie Várfok qui fête son trentenaire

Várfok

Située à Buda, la Galerie Várfok est un point de rendez-vous pour les amoureux d’art et de culture à Budapest. A l’honneur de son trentième anniversaire, la galerie a organisé une exposition mettant en avant des œuvres d’artistes hongrois et internationaux du 1er décembre au 16 janvier 2021, à l’intérieur, mais également le long de la rue Várfok, avec des panneaux explicatifs.

L’exposition d’anniversaire Várfok30 s’articule autour d’œuvres artistiques qui ont marqué les registres de la galerie : de la plus petite à la plus grande, de la plus ancienne à la plus récente, mais aussi la plus précieuse, la plus publiée et la plus détaillée. Engagée à rendre l’art contemporain plus accessible au public, la galerie effectue un véritable travail muséologique en partageant des informations et explications aux côtés de chaque œuvre.

Une vingtaine d’artistes sont à découvrir le long des murs (et sur le sol !) de la galerie. Parmi eux, deux attirent particulièrement l’attention : le Franco-Hongrois Endre Rozda, et la Française Françoise Gilot.

V
Le Château de Barbe bleue, Endre Rozsda, 1965-1979

Endre Rozsda, né dans la ville de Mohács, était un artiste passionné par les rêves, la lumière, et leur relation au temps qu’il explorait d’un style surréaliste propre à lui. Puis, Rozsda fut inspiré par un concert de Béla Bartók, qui lui fit intégrer la musicalité dans ses œuvres. Il déménagea à Paris en 1938, étudia à l’Ecole du Louvre, et se lia d’amitié avec d’autres artistes comme Árpád Szenes, Vieira da Silva, les surréalistes Raymond Queneau et André Breton, et Françoise Gilot, qui deviendra plus tard la compagne de Picasso. Tombé amoureux du surréalisme, il développa son art en France, puisque le communisme qui régnait en Hongrie dans le bloc soviétique censurait toute production artistique non figurative. Sa dernière exposition où il assista personnellement a eu lieu à la Galerie Várfok. Cette dernière lui rend aujourd’hui hommage en exposant la peinture Bluebeard’s Castle, en français, Le Château de Barbe bleue, une œuvre magnifique qui a été peinte au bout de quatorze années. La peinture d’Endre Rozsda est comme un collage de formes, de lignes et de couleurs cassées en petits morceaux, retranscrivant la musicalité de l’opéra de Béla Bartók qui l’inspira à s’adonner au surréalisme. De plus, cette toile fut retrouvée dans l’atelier de l’artiste après sa mort en 1999. Un bel hommage qui assouvit par la même occasion la soif artistique de ses admirateurs.

Várfok
Phoenix Rising, Françoise Gilot, 1985

Françoise Gilot, née dans une banlieue chic de Paris en 1923, se passionna pour l’art après ses études de droit et rencontra Endre Rozsda qui fut son mentor. Plus tard, elle rencontra Picasso dont elle fut la compagne de 1944 à 1953, et devint mère de deux enfants. Onze ans après sa séparation avec le célèbre artiste catalan, Gilot publia un livre, Vivre avec Picasso, où elle dénonça des violences conjugales et les difficultés de vivre dans l’ombre d’un génie. Dans son art, Françoise Gilot était inspirée par le cubisme, mais caractérisé par des couleurs plus chaleureuses et des formes plus arrondies. La Galerie Várfok est la seule galerie européenne toujours en relation directe avec Françoise Gilot, qui aujourd’hui vit et travaille dans son atelier à New York. Une de ses Peintures Flottantes, Phoenix Rising, est exposée avec fierté. Elle représente le désir de liberté et de paix, brandie telle un étendard.

Várfok
90 Blank Pages, Ákos Czigány, 2009

 

D’autres œuvres d’art valent le détour. A l’entrée, l’œuvre 90 Blank Pages d’Ákos Czigány captive par son ingénuité. L’artiste étala des dizaines de pages d’un carnet vierge, et en a fait un échiquier mural. Les pages blanches jouent avec l’effet de la lumière qui crée une certaine forme de radiance. L’artiste questionne la notion du vide, et la présence transcendantale de Dieu représenté par ce vide.

 

Várfok
Carpet, Péter Ujházi, 2012

Une autre attire immédiatement le regard : c’est le gigantesque Carpet de Péter Ujházi avec ses explosions de violet et d’orange. L’artiste hongrois emprunte des motifs mayas et joue avec les dimensions, perspectives et mesures pour dresser une fresque mystique et bariolée.

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Figure (Viola and Me), Anna Nemes, 2015

Découvrez Figure (Viola and Me) de la plus jeune artiste exposée, Anna Nemes, qui a réalisé le portrait intime d’un visage féminin sans utiliser de pinceau. Seulement en dissolvant de l’acrylique dans de l’eau, et en faisant couler les gouttes en inclinant la toile, Anna Nemes parvint à construire une texture aérienne, nivelée, et quasi-tri-dimensionnelle.

Une peinture captive particulièrement le visiteur : Mirror Mirror de Máté Orr avec son univers semblant tout droit sorti d’une histoire de Lewis Carroll. Un lièvre squelettique tient la toile d’une figure hermaphrodite, qui est en réalité un autoportrait de dos de l’artiste lui-même. Les détails du drapé et du corps nu suggèrent un classicisme artistique, inspiré du seul nu de Velazquez, Vénus à son miroir, et de l’Hermaphrodite Endormi du Bernin.

Várfok
Mirror Mirror, Máté Orr, 2020

Parler de tous les talentueux artistes de la Galerie Várfok nécessiterait plusieurs autres articles, mais nous vous invitons à les retrouver sur le site anglophone de la galerie, https://www.varfok-galeria.hu/en/

Constantin Lu

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