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Les rues de Budapest changent de nom

 

Le 27 avril dernier, le conseil municipal de Budapest a décidé de changer le nom de 26 voies publiques. La place Roosevelt est rebaptisée place Széchenyi, la place Moszkva porte à nouveau le nom de Kálmán Széll, le pont Lágymányosi devient pont Rákóczi tandis que la place de la République s’appelle désormais place Jean-Paul II. Une nouvelle image pour la capitale…

 

Renouveau

D’après les élus de Budapest, renommer les rues était devenue nécessaire car les noms attribués par le parti communiste sont devenus peu acceptables 22 ans après le changement de régime.

L’un des changements de nom les plus discutés est celui de la place Roosevelt. L’initiative a été prise par le président de l’Académie des Sciences hongroise. Il a justifié cette décision par le fait que le comte Széchenyi avait aidé financièrement la construction de l’Académie et du pont des Chaînes. Une statue lui rend d’ailleurs hommage au même endroit. Le changement de nom a été soutenu par le maire du Vème arrondissement, Antal Rogán, qui a ajouté un argument choc à cette décision : personne n’habite cette place et il n’y aura de fait aucun changement d’adresse.

Quant à la place Moszkva, elle retrouve son nom de place Kálmán Széll qu’elle avait déjà porté de 1929 à 1951. Cet ancien ministre des Finances est connu pour avoir remis en équilibre le budget de l’Etat et augmenté substantiellement les recettes du pays. Kálmán Széll a également occupé les fonctions de premier ministre et ministre de l’Intérieur. Le plan économique du gouvernement d’Orbán présenté au début du mois de mars porte d’aileurs son nom.

Plusieurs voies publiques sont «rebaptisées» avec des noms inspirés de la religion catholique. La place de la République s’appelle désormais place Jean-Paul II. Budapest rend ainsi hommage « au pape le plus populaire de l’histoire » dont la béatification a été célébrée le 1er mai dernier. La rue Endre Ságvári du XXIe arrondissement hérite du nom d’un prêtre polonais, Jerzy Popielusko. Popielusko s’est élevé contre le communisme à maintes reprises et fut assassiné.

D’autres panneaux indicatifs honoreront désormais la mémoire de grands personnages hongrois. Vous pourrez découvrir ainsi en errant dans les rues de Budapest les nom d’acteurs hongrois célèbres tels que Imre Sinkovits et Edit Domján, du chanteur d’opéra, József Simándy, ainsi que des footballeurs Nándor Hidegkúti, József Zakariás, Sándor Kocsis et Jenô Dalnoki.

Une tradition

Les changements de noms de rues ont décidément une longue tradition dans la capitale. Après la Première Guerre mondiale, les changements de nominations ont été justifiés par des motifs politiques. De nombreuses rues portaient alors le nom d’Hitler, Mussolini ou Miklós Horthy. Pendant cette période d’entre-deux-guerres, les pouvoirs publics avaient souhaité garder la mémoire des territoires perdus par la Hongrie suite au traité de Trianon et ont dès lors renommé les rues avec les noms de ces anciens territoires. Ainsi, vous pouvez toujours trouver sur vos plans de Budapest la place Királyhágó et la rue Ugocsa. Après la Seconde Guerre mondiale, le régime communiste a déclenché une nouvelle vague de changements de noms. Le communisme a eu pour ambition de tout transformer à l’image de l’idéal collectif. Par conséquent, tous les noms non conformes à l’idéologie du régime ont été rayés des plans de la capitale. Les rues ont alors porté les noms de grands leaders communistes, comme Lénine, Staline ou ont hérité d’un nom reflétant l’idéologie communiste: Élmunkás (Travailleur d’élite), Népköztársaság (République populaire) ou Vörös Hadsereg (Armée rouge).

C’est en 1989, année symbolique, que les derniers changements sont intervenus. A cette période, 1250 des 7800 voies publiques ont été renommées. Suite au revirement politique, les pouvoirs publics de la capitale se sont engagés à remplacer les noms de rues imprégnés de l’idéologie communiste. La majorité des voies publiques ont ainsi retrouvé leur ancien nom.

Les avis divergent…

Cette nouvelle vague de nominations a suscité de nombreuses polémiques. Le ministère russe des Affaires étrangères, par l’intermédiaire de son porte parole adjoint, Alexeï Sazonov, a bien entendu fait part de son incompréhension quant à la nouvelle nomination de la place Moszkva. D’après Sazonov, cette décision aurait surpris les dirigeants russes car elle a été prise à un moment où les relations entre la Hongrie et la Russie sont en train de se développer. Le porte-parole adjoint a enfin souligné que Moscou ne considérait pas que le nom de cette place reflétait l’idéologie communiste. Le conseil municipal de Budapest a répondu que le nouveau nom de Kálmán Széll avait été attribué à la demande des associations civiles et que le nom de «Moscou» serait donné à autre voie publique d’ici la fin de l’année.

Les Etats-Unis ont pris acte de la nouvelle nomination de la place Roosevelt et aussi du fait que le nom de l’ancien président américain serait donné à une autre voie publique, a déclaré l’ambassade américaine à l’Agence de presse hongroise MTI. «Le maire István Tarlós nous a assuré que ce changement de nom ne signifie en aucun cas un manque de respect à l’égard du président Roosevelt» a ajouté l’ambassade américaine.

Les partis politiques quant à eux se sont également prononcés sur ce «renouveau» dans la capitale. Selon le président du groupe LMP au Parlement, Jenô Kaltenbach, s’exprimant au nom des députés de Budapest, les nouvelles nominations des voies publiques ne sont qu’un acte de compensation. « Elles servent une idéologie politique. De plus, elles causeront de nombreux désagréments aux habitants » a-t-il indiqué. Csaba Horváth, président du groupe MSZP au Parlement, a également critiqué cette décision des pouvoirs publics. Il trouve en effet inacceptable que les changements de noms soient la préoccupation majeure des élus de la capitale alors que le moratoire sur le question du logement est arrivé à échéance et que des centaines de personnes risquent de se retrouver à la rue prochainement.

L’argument principal apporté par la direction de la capitale est celle de la «désidéologisation». Mais n’est-ce pas une nouvelle idéologie qui ressort de ces nouveaux noms de rues ?

En toute hypothèse, ne tardez pas à vous procurer de nouveaux plans de la ville !

Máté Kovács

 

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