VALAMI MÁST?

VALAMI MÁST?

Me voici avec vous sous forme de colonne. J’ai le vertige du toboggan, le plaisir de la glissade, la peur de la dégringolade. Alors, je respire, je respire…

Une colonne d’air dans ma langue maternelle pour des bouts de vie en Hongrie.

La langue hongroise ne m’a pas bercé dans ses bras pour m’endormir, elle n’était pas là quand j’avais faim et soif, elle n’était pas là pour me consoler. On s’est rencontré plus tard.

Chez nous, on dit même «sur le tard», autant dire sur le tas, sur déjà des tas d’histoires.

Au tout début de l’Aventure, j’ai découvert des sons qui prenaient l’air d’une drôle de manière. J’entendais une nouvelle musique. Aucun repère. Vacances de sens. J’ai ouvert les yeux. Je faisais connaissance en regardant les visages, les mains, les corps. J’ai vu des sourires qui mourraient avant de naître, des timidités radieuses, des mains qui se retenaient de toucher, des joies tout en boule, des colères sur soi. J’ai vu des mots bleus, comme dit la chanson, des mots qu’on dit avec les yeux, des mots qui rendent les gens heureux. Dans cette douce passivité, je percevais des humeurs et m’inventais des histoires. Je décollais de la réalité et m’absentais pour quelques heures…

Et patatras, boum boum, Coup de foudre! PERSZE me fait de l’œil (ou de l’oreille?!). Je l’attrape au vol. Mon mot, mon ami, mon complice, un qui rebondit, tout élastique et conciliant: PERSZE, comme une caresse pour revenir au monde. Ça y est, je peux jouer. Je guette l’instant propice et «hop» panier!. PERSZE: le temps de sa sortie, je suis hongroise. Je jubile. Une brèche est ouverte.

Des mots arrivent sans prévenir, débarquent dans tous les sens, sans beaucoup de sens, des bleus, des jaunes, des verts, des durs à cuire, des longs à mâchouiller, méconnaissables, transformables, pas sortables. Combien de syllabes?

Je ne suis pas d’accord, mais rien ne sort. J’aimerais bien rire avec vous, mais je fais la moue. J’ai la bouche pâteuse, la cervelle encombrée. Je rumine, je blâme, je râle, j’étouffe.

Je dégringole en fin de colonne...

De l’air, de l’air, de l’air!

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Paris 2010. Métro. Je compte les stations avant de m’assoupir: 10. «Mais alors, écoute, un garagiste, il va te compter une heure pour du travail de 35mn. Quand j’ai changé le pot intermédiaire sur la moto de ce client et que je me suis rendu compte qu’il avait été soudé et ressoudé, qu’il était dans un état lamentable…»

Je ferme les yeux plus forts, ça ne ferme pas mes oreilles (essayez). Prise d’otage dans tous les sens. Je pense à mon hongrois qui me laisse encore tranquille, berceuse possible.

Paris 2010. Rue des trois frères. Je marche sous le soleil. «Hát, persze…

Je me retourne, mon cœur dans son élan me flanque un sourire gourmand.

Comprenne qui voudra!

Françoise Morizet

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