Une ville au cœur vert
Agriculture en milieu urbain
La crise économique a motivé la création de potagers en ville, dans de nombreux pays en Europe et aux États-Unis. En revanche en Hongrie, les premiers bourgeons de ce mouvement peinent à éclore.
Une vingtaine de jeunes hongrois ont participé au camp d'été du mouvement international Reclaim the Fields, organisé l'année dernière en France. Cette association civile souhaite "libérer la terre”, ce qui signifie encourager les pratiques agricoles individuelles, notamment auprès des jeunes, afin d’augmenter leurs indépendance vis à vis de l’agriculture industrielle. Tous venaient de milieux socio-professionnels différents mais, en tant que citadins, avaient tous ce même objectif commun: créer un potager malgré en zone urbaine. Ainsi ont-ils fondé la section hongroise de Reclaim the Fields sous le nom de Földkelte et commenceront cette année à cultiver tous ensemble un terrain dans une banlieue de Budapest, à Békesmegyer, où ils loueront un jardin privé. Ils souhaitent également y organiser un camp d’été afin de rassembler les amateurs d’horticulture urbaine et de développer leur réseau.
La crise économique et les tendances bio et environnementales ont prouvé la nécessité de rendre l’agriculture moins chère et plus proche du citadin. Ainsi les jardins communaux et les potagers urbains se sont-ils répandus dans le monde. Aux États-Unis par exemple, le nombre de ces cultivateurs urbains a augmenté de 20% l’année dernière. Cependant cette tendance ne rassemble pas encore de nombreux partisans en Hongrie.
Les origines de l'agriculture en milieu urbain sont les mêmes en Hongrie que dans les pays occidentaux, où les pénuries, notamment lors de la deuxième guerre mondiale, l'ont rendue nécessaires. A cette époque, la Maison Blanche avait jeté les fondements les plus influents de ce mouvement avec le Victory Garden. A cette époque, ce potager, originalement créé par Eleanor Roosevelt, avait inspiré des milliers d’Américains à cultiver leurs propres carottes et tomates. (Le jardin a récemment été réouvert par Michelle Obama suite à une initiative civile). En Hongrie, et surtout à Budapest, les parcs publics avaient été transformés en cultures vivrières pendant la deuxième guerre mondiale afin de nourrir les habitants.
Cependant la ville s'est fortement densifiée depuis le milieu des années 1950, ainsi fallait-il trouver des méthodes innovantes en réponse au manque de place. Le groupe GANG s’occupe par exemple, depuis trois ans, de refleurir les cours des immeubles budapestois, mais aussi d'y introduire des plantes aromatiques, comme lors de leur dernière action, en mai dernier, dans un immeuble du IXe arrondissement, rue Pipa. Ils ont choisi de privilégier les cours d'immeubles plutôt que les espaces urbains en friche, qui changent trop fréquemment de propriétaires, alors que la création d’un jardin est un projet à long terme. Cependant 80% du temps qu'ils consacrent à un projet est consacré à convaincre les habitants, qui acceptent difficilement de collaborer avec leurs voisins et sont réticents à voir des changements dans leur entourage.
C’est d'ailleurs le principal problème dans le cadre d'un nouveau projet mené par le Böske, groupement civil fondé des membres du KÉK (Kortárs Építészeti Központ, Centre d’architecture contemporaine). Le premier jardin urbain au centre ville de Budapest, cultivé par des habitants du VIIe arrondissement, devrait s’ouvrir le 19 juin à l'occasion de la journée portes ouvertes des musées. Ce 7kert devrait être implanté rue Dob, sur un terrain de 12.000 m2 actuellement fermé, la plus grande surface verte de l’arrondissement. Cependant certains habitants des immeubles alentours qui accèdent à cet espace pour y promener leurs chiens, ne sont pas ravis de l’idée d'un potager ouvert. Ils craignent que les sans-abris, qui visitent fréquemment le parc, y reviennent ainsi plus fréquemment, aussi essaient-ils d’empêcher la création de 7kert. Les organisateurs ne peuvent qu'espérer que le propriétaire du terrain, la mairie de l'arrondissement, continue de soutenir ce projet, et ce malgré les prochaines élections municipales.
Judit Zeisler
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