Une vie pour transmettre

Une vie pour transmettre

Borbála Nádasdy

 

J'ai fait connaissance avec Borbála et de son mari, Jean, par l'intermédiaire d'un ami qui m'avait dit que ce couple pourrait m'apporter leur vision très personnelle de mon pays d’accueil. On comprend vite, quand on connaît Borbála, que ce qui compte pour elle, c'est la transmission de son témoignage, et de son amour pour son pays, qu'elle a dû quitter de force. Elle l’exprime avec force à travers ses trois livres.

Je la rencontrai pour la première fois au salon du livre, au printemps 2010, place Vörösmarty, au milieu de la foule et de ses nombreux lecteurs venus pour un autographe. Nous nous sommes revues plus tard, nous avons parlé de ses livres, de sa vie riche, émouvante. Elle m'a récemment présentée le groupe de danse folklorique «Csillagszeműek» (csillagszemu.hu) qui enseigne aux enfants la danse et le chant avec énergie, harmonie et beaucoup de joie. Le résultat est incroyable. Moi qui garde les souvenirs de mes cours de danse classique où le professeur sévit, tape sur les jambes avec une baguette, j'ai découvert un apprentissage de la danse où chaque enfant est valorisé, heureux de participer à ce moment collectif. Mon fils, entraîné par le rythme, les chants, s'est même joint aux autres enfants. La danse, une des passions de Borbála, est un des ciments de son existence. Sa mère, professeur de danse, alors qu'elle vivait déjà en France, lui conseilla l'enseignement de cette discipline.

Borbála est née en 1939 en Hongrie, au tout début de la deuxième guerre mondiale. Les premières années de sa vie furent heureuses, mais sa famille va vite être éclatée car son père est déporté juste après la guerre et envoyé dans un camp de travaux forcés en Union Soviétique. Il en revint 4 ans plus tard. Doit-on d’ailleurs rappeler que parmi les 300 000 déportés, 100 000 seulement revinrent de ces camps de l’enfer.

En 1956, Borbála doit quitter la Hongrie au moment du «soulèvement pour la liberté». C'est ainsi qu'elle nomme ce grand mouvement hongrois de contestation contre le régime communiste, réprimé sévèrement par l'armée soviétique. Elle est persona non grata et ennemie de classe, comme tant d’autres à cette époque, en raison de ses racines familiales, de ses origines aristocratiques.

Un départ douloureux va l'éloigner pendant 6 ans de sa famille. Elle trouve refuge en Autriche, puis en Allemagne où une nouvelle vie s'offre à elle. Elle y fait ses débuts comme actrice. Sa carrière commence à s'envoler quand elle rencontre son premier mari, Roger, un russe blanc de Paris, photographe, qui a fuit la grande guerre bolchevique de Russie. Elle le suit en France, vers l'inconnu, souhaitant fonder une famille. Elle donne la vie à son premier fils, Gyuri en 1960. Le premier souci de cette jeune femme est de s'intégrer dans ce nouveau pays, trouver rapidement un travail, apprendre la langue. Borbála se rappelle de cette vie d'après-guerre dans les pays occidentaux qu'elle traverse, «pleine d'espérance et de progrès». Pourtant, cet enchaînement d’événements se solde par la séparation avec son mari parti vivre au Pérou, une succession de petits boulots, une vie de solitude, triste. Elle vit cette période comme un échec.

L’espoir renaît quand elle rencontre Jean, un architecte, qui deviendra son deuxième mari. Elle ressent l’envie de composer une famille, de retrouver ce noyau familial qui lui a manqué depuis son départ de Hongrie. Ils quittent alors Paris pour s’installer à Corbreuse, un village de l’Essonne. Ils aménagent au début des années 70 une grande ferme où ils commencent à vivre en communauté, ceci pendant 4 ans. Borbála avoue cependant avoir subi ce choix, aspirant davantage à une vie familiale au «sens strict». En 1972, son deuxième fils, Jean (appelé «petit Jean), vient au monde. Elle apprend à cette période le décès de son père en Allemagne. Cette nouvelle est un déclic, elle décide de prendre sa vie en main. Sa mère, ex danseuse, qui a créée une école de danse en Allemagne, l’aide à réaliser ce choix crucial : remettre la danse au coeur de sa vie. Elle passe un diplôme, travaille pour différents conservatoires. La danse est comme une passerelle dans sa vie qui lui permet de renouer avec ses origines : elle s’inspire dans ses cours, ses chorégraphies, des pratiques de danse folkolrique hongroise, comme celles de l’école de danse «Csillagszemuek». Son souhait est de motiver les élèves, leur donner le goût de la danse, tout en leur imposant une discipline.

Borbála aime rappeler que trois grands principes ont gouverné sa vie : d’abord construire une famille, ensuite trouver un métier adapté, source d’épanouissement et enfin transmettre.

A travers sa trilogie, Borbála ne veut pas donner de leçons, elle veut en toute modestie transmettre son expérience, son goût pour la Hongrie, l’espoir aussi qu’il faut garder malgré les épreuves de la vie.

Elle vit aujourd’hui entre la France et la Hongrie, mêlant les deux cultures dans sa vie et ses idées? Elle est grand-mère de trois enfants, participe régulièrement à des rencontres en Hongrie pour présenter son livre. Cette femme déterminée et passionnée a, en tout état de cause, réussi à concrétiser les 3 principes phares qui représentent pour elle l'accomplissement d'une vie.

Elle cherche aujourd’hui un éditeur français pour la traduction de cette trilogie. Il faudra donc attendre encore un peu pour découvrir cette femme aux multiples vies....

Gwenaëlle Thomas

Gróf Nádasdy Borbála

Zagolni Zabad ?

(Est-ce que je peux sentir ?)

A szabadság zaga

(L'odeur de la liberté)

Maradni Zabad

(Nous sommes libres de rester)

Editeur : Méry-ratio

 

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