Une Japonaise à Budapest

Une Japonaise à Budapest

Rencontre avec Hiroko Ishimoto, pianiste

Il est des rencontres qui ne laissent pas indifférent, celle par exemple d’une pianiste japonaise qui a choisi de vivre et de travailler en Hongrie à cause, ou plutôt grâce à la musique hongroise.

De Toho à Budapest

Née à Sapporo, au Japon, Hiroko Ishimoto a connu le parcours très classique d’une petite fille qui doit faire du piano parce que sa maman veut lui donner une éducation complète. «En vérité ma mère rêvait d’apprendre à lire la musique. Elle m’a trouvé un professeur à l’âge de cinq ou six ans, âge auquel vous suivez ce que votre mère vous demande de faire. Cette enseignante était très exigeante mais aussi une excellente pédagogue». Ce n’est que bien plus tard que Hiroko Ishimoto choisit de devenir professionnelle à l’issue de sa formation au sein de la prestigieuse Julliard School de New York. «Enfant, j’aimais la musique, mais je n’aimais pas toujours répéter des heures durant les morceaux. Pendant que ma mère cuisinait, j’étais censée travailler mes partitions. Quand cela m’ennuyait, je mettais en cachette la cassette sur laquelle j’avais préalablement enregistré mes gammes et mes morceaux. Je pouvais alors tranquillement lire sans que ma mère ne s’aperçoive de rien». Mais si la petite fille qu’elle était faisait des bêtises, sa mère la punissait en lui interdisant l’accès au piano. C’est dans ces moments-là qu’elle comprenait combien le piano lui manquait. C’est ensuite dans la célèbre école de musique de Toho, qui a formé bien des musiciens japonais de renommée mondiale, qu’elle va étudier. A l’âge de vingt ans, son père l’encourage «à voir du pays» et l’envoie pour deux ans à New York dans la fameuse Julliard School. Tout en étudiant, elle forme un groupe de musique de chambre (The Julliard and friends) et se produit régulièrement dans des concerts. Après son expérience new-yorkaise, elle revient à Toho enseigner à son tour et poursuivre en parallèle sa carrière d’interprète. «J’ai beaucoup appris en enseignant. Je joue mieux. Après mon séjour de neuf ans à New York, dont cinq à la Julliard School, mon état d’esprit avait changé. Alors que j’enseignais au Japon, quelque chose en moi me poussait à partir ailleurs, mais pendant trois ans je me le suis caché à moi-même. Des amis m’ont encouragé à franchir le pas. Et comme je devais être honnête avec moi-même, je suis partie pour Budapest».

Sa rencontre avec György Sándor

Si Hiroko Ishimoto a choisi Budapest c’est sans nul doute grâce à son professeur hongrois de la Julliard School, György Sándor (1912-2005), qui l’a introduite à la musique hongroise et en particulier aux morceaux de son ami Béla Bartók (1881-1945) dont il était un fin connaisseur.

«Grâce à lui j’ai découvert Bartók et cela a été fantastique! Je découvrais un nouveau monde, une grande force. J’étais fascinée. C’était vraiment incroyable et fantastique d’écouter et de regarder György Sándor jouer du Bartók. J’ai appris de mon professeur comment faire les «syllabes» ou les accents dans les morceaux hongrois, dont ceux de Bartók. On aurait dit qu’il était né avec les danses folkloriques hongroises. Plus le rythme s’accélérait, plus ses doigts et ses mains ressemblaient aux pas des hommes dansants. Il avait une grande maîtrise technique mais aussi une façon très personnelle de jouer. Il était très réaliste et très précis. Je le comprends mieux depuis que je vis moi-même à Budapest. Lui aussi avait migré aux Etats-Unis». Hiroko Ishimoto garde aussi de son professeur le souvenir d’une belle personnalité: «Entre lui et ses étudiants, il maintenait une certaine distance, une distance qui marquait un rapport de respect mutuel, car il nous considérait tous comme des personnes à part entière et matures. J’ai beaucoup apprécié ce rapport et l’apprécie encore. Il aimait parler avec nous durant les dîners que nous organisions pour fêter les anniversaires de nos camarades. Il était le type de personne qui fait face aux réalités, plus que quelqu’un qui s’attache émotionnellement. Et il avait une énergie incroyable!». Cette énergie, Hiroko la possède également: dans son jeu où se mêlent force et tranquilité, à l’image – pour l’anecdote – de son prénom qui signifie “calme et bonne santé”.

Hiroko Hishimoto vit maintenant depuis sept ans à Budapest et ne le regrette pas. Elle y enseigne le piano, principalement à des étudiants japonais, et y joue régulièrement. Elle a par exemple joué pour le Cinquantième anniversaire des relations diplomatiques entre la Hongrie et le Japon. Elle donne aussi des concerts de part le monde: Vienne, Istanbul, Prague, etc. Elle reste cependant liée au Japon où elle se rend deux fois par an pour s’y produire et enseigner. Un jour sans doute écrira-t-elle un livre sur sa passion pour la musique hongroise. Elle en a déjà enregistré un CD que la radio Bartók a diffusé, dont Trois Chansons folkloriques hongroises du district de Csík ont été utilisées dans le film hongrois Szabadság, szerelem (Children of glory) réalisé par Krisztina Goda en 2006. Une artiste de qualité à découvrir sans tarder.

Milena Le Comte Popovic

 

Prochains concerts les vendredis 30 avril et 28 mai

Pintér Aukciósház

Falk Miksa u. 10 à 19:00 (+36-20-328-0257)

Hiroko Ishimoto joue avec la flûtiste Iwase Tohko et le violoncelliste Hoshino Tomoya.

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