Une femme au cœur des vignes

Une femme au cœur des vignes

Image retirée.Une femme au cœur des vignes

Je ne connaissais pas Orsolya Turcsek personnellement. Par contre je connais et j’adore ses vins. Surtout son „Hermány” leányka que j'ai découvert il y a environ un an. Jusque-là, je n’aimais pas le cépage leányka, car je n'en avais jamais goûté de bons. Certains pensent même que ce cépage ne peut pas donner de bons vins. Et bien si ! Depuis j’en garde toujours quelques bouteilles chez moi, on ne sait jamais... Ses vins blancs sont puissants, fruités, avec des arômes superbes, et qui tiennent longtemps en bouche. J’en ai emporté quelques bouteilles en France, pour voir ce qu'en penseraient les sommeliers, cavistes et connaisseurs. Ils l'ont tous aimé ! L’histoire d’Orsolya Turcsek a commencé à m’intéresser et je lui ai posé de nombreuses questions sur sa vie autour du vin.

JFB: Les viticulteurs sont amoureux de la nature. Je pense qu’un homme devient viticulteur car il adore les vins, par contre comment une femme devient-elle viticultrice ? C’est plutôt l’amour de la nature ?

Dans mon enfance, mon père m’a souvent emmenée en pleine nature, car il travaillait dans une coopérative. J’ai ainsi participé à la récolte du blé, j’ai vu des vaches, j’ai élevé des petits poussins. Ma mère avait du mal, au début, avec ce mode de vie, mais moi j’adorais. J’imaginais l'homme de mes rêves coupant l’herbe en petite chemise ! Mais le prince charmant ne voulait pas venir. Puis, à l’université d’agriculture j’ai rencontré Zoli, mon mari, qui venait d’Eger. C’est ce qui a déterminé ma spécialisation: la viticulture.

JFB: Vous avez donc fait la connaissance de votre mari à l’université ?

Oui, cela fait 12 ans que l'on est ensemble. Après l’école, nous avons travaillé dans différentes caves à Eger, mais nous avons vite pris conscience que nous ne pourrions pas réaliser nos projets en restant employés. On était encore à l’université quand on a acheté une parcelle. Notre premier vin a été élaboré dans notre propre cave en 2001. On est resté à Eger dont j'ai beaucoup aimé la ville et les vignobles de la région.

JFB: Sur combien d'hectares travaillez-vous aujourd’hui ? Quels en sont les principaux cépages ?

Nous avons 10 hectares aujourd’hui et nous ne voulons pas en avoir plus. On travaille avec de nombreux cépages comme le welschriesling, le leányka, le viognier, le chardonnay, le kadarka, le kékfrankos, le zweigelt, le syrah, le cabernet franc, le merlot ou le pinot noir. La petite taille de notre cave nous permet de la faire marcher à deux. Si nous avions quelques hectares de plus, on ne serait plus capables de la gérer. Cela nous permet donc d’avoir assez de temps pour nos enfants qui participent déjà aux travaux. Kincsô, qui a 6 ans, sait déjà mettre les capsules sur les bouteilles, et le petit, Csanád, aime bien se balader dans la cave. On les habitue à notre vie.

JFB: Comment vous répartissez-vous les tâches ?

Notre métier prend beaucoup de temps. Il faut essayer les cépages sur différents terroirs, il faut visiter d'autres vignobles, goûter, préparer le site internet, dessiner l’étiquette, garder le contact avec les consommateurs. Au début, on a tout fait à deux, de A à Z. Maintenant, je suis à la maison avec mon fils d’un an. Je ne peux pas aller dans les vignobles, mais on fait toujours les vendanges ensemble, on choisit les barriques ensemble, on fait la mise en bouteille et les dégustations ensemble.

JFB: Comment peut-on accorder sa vie professionnelle et sa vie privée ?

Après l’arrivée de notre premier enfant je me suis rendue compte que notre vie avait été complètement dirigée par notre cave. Quand notre voiture est restée coinçée dans la boue, alors que j’accouchais sur le siège arrière, ce n’est pas notre enfant qui était prioritaire, mais bien la cave où son père a dû retourner dans de très brefs délais...

JFB: Quelle est la différence entre un viticulteur et une viticultrice ? Pourquoi n’y a-t-il pas beaucoup de femmes dans ce métier ?

Car c’est un métier dur. Pour être une bonne professionelle, il faut soigneusement sélectionner les cépages, faire les vendanges au meilleur moment, choisir la barrique, surveiller les vins. Si on maîtrise tout ça, on peut devenir une bonne viticultrice. Mais par contre il est assez difficile de travailler 20 heures par jour quand on a des enfants..

JFB: Quand vous partez en vacances, choisissez-vous des destinations viticoles ?

On voyage pas mal pour visiter d’autres caves. Ces voyages durent un ou deux jours. On part chaque année pour une semaine avec la famille en vacances. Mais ce n’est pas le vin qui détermine le lieu.

JFB: Il paraît que les femmes ont un meilleur nez que les hommes. Qu’en pensez-vous ?

Les femmes ont un goût raffiné. J’étais plus sensible aux odeurs pendant ma grossesse. Les hommes, eux, sont capables de goûter plus !

JFB: Quels vins proposez-vous pour les femmes ? Par exemple contre le chagrin d’amour ?

Les femmes aiment en général les vins sucrés. Ou un rosé qui peut aussi mettre une bonne ambiance. Par contre, il ne faut jamais boire seul, il faut toujours un compagnon, une copine avec qui on peut papo-ter.

JFB: Et vous ? Quels sont vos vins de prédilection ?

Je préfère plutôt les vins puissants. Des chardonnay ou des welschriesling secs, ou des vins rouges en hiver. J’aime bien nos Leányka 2004, le Juhfark de Béla Fekete (Somló), les rosés d’Imre Kalló (Eger), les cuvées de Szepsy (Tokaj). En ce qui concerne les rouges, ce sont plutôt des cépages: syrah, pinot noir, vieux merlots.

JFB: Qu’allez-vous boire pour la journée de la femme ?

Comme tous les soirs, on va goûter un assemblage de nos vins. On ne fête pas forcément la journée de la femme. J’ai trouvé il y a quelques jours un Botond cuvée de Szepsy dans notre cave, il accompagnera peut-être notre dîner.

Katalin Ujbányai

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