Une coopération cordiale
Peu connue du grand public, la fonction d’Attaché de sécurité intérieure (ASI) est pourtant essentielle dans la lutte contre une criminalité qui ne connaît pas de frontière. 250 policiers et gendarmes assurent le bon fonctionnement de ce réseau qui comprend 84 Attachés. Pour évoquer la nature de cette fonction et la coopération franco-hongroise dans la lutte contre le crime, nous avons rencontré le Commissaire principal Grégoire Monroche qui occupe ce poste à l’Ambassade de France de Budapest.
Comment devient-on ASI ? Quel a été votre parcours avant ce poste ?
Je suis entré dans la police à 23 ans, en passant le concours de Commissaire, juste après mes études de Droit. En seize ans de carrière, j’ai occupé de nombreux postes, dans la sécurité publique, le renseignement, l'ordre public : des postes de terrain comme des postes d’administration. Devenir ASI est une possibilité qui ne se présente souvent qu’une fois dans la carrière d’un policier et pour une durée maximale de quatre années. Même si la mission d’ASI fait partie des missions potentielles d’un Commissaire de Police, c’est un poste différent d’une affectation classique au niveau de l’environnement de travail et de vie. Les ASI sont des personnes qui ont plutôt une expérience variée, qui ont travaillé pour plusieurs Directions, et comme la mission comporte beaucoup de Police judiciaire, on choisira plutôt quelqu’un qui a une large expérience de ce type de missions ainsi que des problématiques d’ordre public ou de sécurité publique.
Quelles sont les fonctions de l’ASI ?
Le réseau des Attachés de sécurité intérieure comprend 84 Attachés pour 156 pays, beaucoup gérant la coopération avec plusieurs pays. Ce sont des policiers et des gendarmes puisque la Direction de la Coopération Internationale est la première Direction commune Police et Gendarmerie. L’ASI a trois missions : la coopération institutionnelle, la coopération technique et la coopération opérationnelle. La coopération institutionnelle recouvre les relations entre les Ministères de l’Intérieur des pays concernés et le Ministère de l’intérieur français et l’assistance pour l’organisation de la protection des personnalités lors des visites officielles. En Hongrie, pendant la présidence hongroise du Conseil de l’Union européenne, il y a eu beaucoup de dossiers à caractère institutionnel. La coopération technique comprend l’organisation de formations, de séminaires, de stages, de visites en France ou dans le pays d’accueil. Les thématiques sont très variées, des techniques de Police scientifique aux formations à la détection de fausses pièces d’identité françaises mais aussi, par exemple, la sécurité civile et pompier. La coopération opérationnelle recouvre tous les domaines de la coopération judiciaire, l’assistance et la mise en relation des différents services de Police dans les pays concernés. L’objectif des ASI est d’obtenir par cet ensemble de coopérations une plus-value pour la sécurité intérieure en identifiant ou en prévenant des activités criminelles qui pourraient survenir en France. Nous n’avons pas de pouvoir de police judiciaire, nous ne prenons pas de plainte et ne faisons pas d’enquête. Bien sûr, lorsqu’un Français est victime de violences nous faisons de notre mieux pour assister la protection consulaire en contactant les services locaux concernés et être informés de l’évolution de l’enquête.
Comment jugez-vous la coopération judicaire franco-hongroise depuis votre arrivée dans ce pays ?
Je pense que cette coopération se déroule très bien et porte ses fruits, nous sommes tous animés par le même but qui est la protection de nos concitoyens. La coopération judiciaire entre les Etats de l’Union européenne est définie par des Conventions européennes, dont la Convention d’entraide pénale européenne, avec des procédures telles que le mandat d’arrêt européen ou le système d’enquêtes communes européennes avec l’assistance d’EUROPOL. La Police hongroise et la Police française travaillant sur la base des mêmes standards européens, les choses en sont facilitées d’autant. Nous avons étroitement collaboré dans la lutte contre le crime organisé, le trafic d’êtres humains et l’immigration clandestine, dans la lutte contre le proxénétisme, la fabrication de faux documents, le recouvrement d’objets d’art volés et dans bien d’autres domaines qu’il n’est pas possible d’évoquer en détail du fait du secret de l’instruction ou parce que les enquêtes sont encore en cours. Nous avons aussi collaboré avec la TEK, la police anti-terroriste hongroise car lorsque l’on travaille sur la prévention du terrorisme on travaille aussi en marge sur la lutte contre le crime organisé puisque ces milieux sont poreux avec de nombreuses connections, et lorsqu’ils ont des informations qui peuvent nous être utiles, ils ne manquent jamais de nous les communiquer. Nous travaillons sur des dossiers provenant de la police et de la gendarmerie françaises, ainsi quelques fois à la demande des services de sécurité hongrois. Les échanges d'information opérationnelle via notre canal ont permis le démantèlement et l'arrestation de nombreux groupes criminels transnationaux.
Comment se déroulent les interpellations en termes d’organisation ?
Nous transmettons les commissions rogatoires internationales au parquet général hongrois, puis préparons avec les services de polices français et hongrois la planification de ces opérations et coordonnons le déroulement des procédures. La difficulté étant que ces procédures doivent être doublement conformes, vis-à-vis du droit français et vis-à-vis du droit hongrois. Ainsi, en matière de droit à la présence d’un avocat, il existe des différences entre nos législations tout comme en matière de durée de la garde à vue et nous devons prendre en compte ces différences tout au long de la procédure.
Quels projets avez-vous pour le futur pour les autres formes de coopération ?
Nous avons plusieurs projets qui sont en attente de validation à Paris. Nous aimerions, par exemple, organiser une conférence sur la contrefaçon des médicaments qui est à la fois un problème de criminalité organisée mais aussi de Santé publique. Cette conférence nous permettrait d’échanger nos expériences sur une activité qui est présente dans l’ensemble des pays européens et représente une menace importante pour les citoyens de l’Union.
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