Un peuple de voyageurs ?

Un peuple de voyageurs ?

Migration des Magyars

 

Le peuple hongrois pendant sa longue histoire fut souvent contraint de bouger, d'émigrer. Le caractère hongrois s'est construit sur ces mutations, ces voyages.

Un poète hongrois célèbre, Attila József, a écrit dans son poème, „ma patrie”, qu’en raison des pertes importantes subies par la Hongrie suite à la défaite de la première guerre mondiale et du traité de paix de Trianon, plus d’un million et demi d’hongrois ont quitté leur patrie pour s’installer aux États-Unis. Mais bien entendu, il ne s'agissait pas de la première vague d'émigration dans l’histoire du pays.

Avant la Conquête de 896, le peuple hongrois était un peuple nomade. Ils ont ainsi parcouru une partie de l'Asie, puis de l'Europe.

Sans pouvoir se fonder sur des preuves pertinentes, les historiens ont démontré que le peuple hongrois serait originaire de l’actuelle Mongolie ou de la Chine occidentale.

Ils ont voyagé à travers les régions montagneuses de l'Oural, où ils ont passé une période relativement longue, avant de continuer leur pérégrination vers la région de la Volga. Ils ont dû quitter ce territoire, chassés par les Tatars, peuple turc nomade. Le peuple hongrois, composé d'éleveurs nomades, a alors pris la fuite vers le sud-ouest de l'Oural et s'est installé entre les fleuves Don et Danube, sur un territoire nommé „Etelköz”. Cette région „ouverte à tous vents”, très exposée, ne lui permettait pas de se protéger contre les attaques des bulgares et d’autres populations nomades. Après une très longue période de nomadisme, il trouva dans la Bassin des Carpates le lieu idéal pour se sédentariser. Il fit la conquête de ce territoire doté de terres arables, de vastes prairies ; un territoire qu'il apprivoisa, qu'il cultiva, où il put pratiquer l'élévage. Il fonda à cet endroit son premier Etat.

Toutefois les hongrois, de tempérament nomade, ne se contentèrent pas de cette vie sédentaire. Ils aspiraient aux voyages, à la conquête de nouveaux territoires. Par conséquent, ils poursuivirent leurs déplacements pendant la décennie qui a suivi la conquête de 896, essentiellement dans la partie occidentale de l'Europe. Ces longs périples n'avaient rien „de voyages touristiques” tels qu'on peut les concevoir aujourd'hui ! Il s'agissait bien plus d'expéditions guerrières, ayant pour but de conquérir de nouveaux espaces libres, mais aussi occupés. Les hongrois ont mené des campagnes dans la région des Pyrénées. Leurs cavaliers et guerriers, qui pillaient ces territoires d'Europe occidentale, avaient une réputation redoutable parmi les peuples étrangers. Les peuples occidentaux ajoutaient d'ailleurs dans leurs prières la phrase suivante: „Dieu, sauve-nous des flèches du peuple hongrois”.

Sous la période du Royaume hongrois, puis de la Monarchie austro-hongroise, le peuple hongrois fut perçu comme une nation d’accueil. Les populations plus pauvres des pays voisins venaient volontiers s’installer sur le sol magyare. Une nouvelle période d’émigration commença pour les hongrois au milieu du XIXème siècle. La nation hongroise se révolta à cette période contre la domination des Habsbourg. La révolution de 1848-49, réprimée par les autorités autrichiennes, généra de nouveaux départs. La plupart des hongrois craignaient en effet les représailles de l’armée autrichienne.

Quelques décennies plus tard, et comme nous l’avons évoqué au tout début de cette fresque historique, la défaite de la première guerre mondiale et le traité de paix de Trianon, poussèrent de nombreux magyars à quitter leur pays pour tenter leur chance aux Etats-Unis. Il s'agit principalement des populations qui résidaient dans les régions exclues du territoire hongrois par le Traité de paix de Trianon (actuelle Slovaquie, Roumanie, Serbie, Ukraine).

La défaite de la deuxième guerre mondiale provoqua de nouveaux flux migratoires. C'est à cette époque que la Hongrie est devenu un pays satellite du régime communiste. Or, un grand nombre de hongrois ne souhaitait pas vivre sous la domination soviétique qui leut était hostile. Les départs qui ont eu lieu à la fin de cette grande guerre concernèrent davantage des hongrois nationalistes, appartenant à la droite conservatrice, ayant combattu aux côtés des allemands. Ces derniers prirent la fuite principalement vers l'Amérique Latine (Argentine, Chili et Uruguay).

La révolution de 1956, réprimée violemment par l'armée soviétique, fut à l'origine de nouveaux départs massifs : plus de 200 000 personnes quittèrent définitivement la Hongrie. Les efforts du peuple hongrois pour se libérer de l'oppression du pouvoir soviétique ont été alors anéantis, beaucoup de civils ont trouvé la mort dans les rues de Budapest et d’autres villes hongroises. Entre octobre et début novembre 1956, les troupes soviétiques quittèrent temporairement le territoire magyare, pour revenir en force le 7 novembre afin de reconquérir la capitale et les autres territoires occupés par les révolutionnaires. Pendant quelques semaines, les frontières restèrent ouvertes et permirent à toutes ces personnes, menacées par le régime communiste, de fuir. Beaucoup d'entre elles se sont installées dans différents pays d’Europe occidentale (Autriche, France, Pays-Bas, Suède), d’autres ont mené leur périple jusqu'aux États-Unis. Le résultat aujourd'hui : dans pratiquement toutes les familles hongroises, vous trouverez des parents vivant dans des pays étrangers en raison de ces événements de 1956-57.

Le phénomène migratoire le plus récent est lié à l’ouverture des frontières après le changement de régime en 1989 et aussi à l'adhésion de la Hongrie à l'Union Européenne en 2004. Beaucoup de médecins, ingénieurs, entrepreneurs (…) hongrois ont trouvé du travail sur le marché européen pour des salaires nettement supérieurs à ceux de leur pays natal. Mais cette décision-là, ils l'ont prises consciemment, volontairement et surtout librement.

Bálint Seres

 

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