Un concept en péril
Le Trafó, une propriété publique?
Le centre d’art contemporain, le Trafó, risque de perdre son profil innovateur si la municipalité de Budapest cède la gestion de cette institution à l’État.
Quand l’ancien maire de Budapest, Gábor Demszky, a quitté son poste l’an dernier, il a confié au directeur du Trafó, György Szabó, qu’il craignait que l’institution ne puisse conserver son autonomie et sa diversité. Szabó n’avait pas alors pris conscience de la portée de cette phrase, ne fréquentant pas par ailleurs les cercles politiques. Cependant ces dernières semaines, il a dû se rendre à l'évidence : le centre d’art contemporain, de niveau international, risque d'être prochainement au coeur d'une bataille politique. L'État souhaite en effet prendre possession de ce bâtiment, aujourd'hui propriété de la municipalité de Budapest. Le Secrétaire d’État chargé des affaires culturelles, Géza Szôcs, a d'ailleurs déclaré au Parlement qu’en tant qu'institution publique, le Trafó pourrait accueillir les compagnies de danse d’Iván Markó et Yvette Bozsik.
En raison de problèmes de surendettements, la municipalité de Budapest a déjà diminué l'hiver dernier les subventions affectées à l’institution. Le Trafó ne pourra donc bénéficier que de 307 millions de forints en 2011, au lieu de 440 millions de forints en 2010. Szabó s'interroge cependant sur la capacité de l'Etat à subvenir aux besoins de ce centre d'art contemporain, en conservant le niveau de subventions actuel. Le député LMP, Gergely Karácsony, a également posé la question en session parlementaire de ce transfert qui ne semble pas raisonnable au vu des finances de l'Etat, dans un état probablement plus critique que celles de la municipalité de Budapest.
L'instabilité financière de l'institution, générée par cette période d'incertitude, pourrait l'empêcher de poursuive son rôle important, à dimension européenne en matière de danse et de théâtre contemporain. Le Trafó a révèlé de nombreux talents, comme Márta Ladjánszki ou les membres du théâtre Táp. Sa scène est également devenue une référence pour les compagnies étrangères.
Des ambitions artistiques individuelles doivent certainement motiver cette proposition peu rationnelle. Le bâtiment, ne comprenant qu'une seule petite salle de spectacle et une salle de répétition, est en effet trop petit pour recevoir les trois troupes citées par le Secrétaire d'Etat. De plus le Trafó n'est pas qu'une salle de danse, mais plus une « institution d’accueil », sans compagnie fixe qui reçoit différents courants artistiques, y compris des groupes de théâtre, comme le Royal Shakespeare Company ou le Krétakör. Szabó ne comprend pas pourquoi les troupes de Markó et Bozsik ont été choisies puisque leur profil, plutôt classique, ne correspond pas au côté innovateur et contemporain du Trafó.
Comme il a l’a expliqué dans un interview donné pour le site hvg.hu, le Trafó a une fonction spéciale : son concept a été reconnu au niveau national et international en 13 ans d'existence, grâce aux aides publiques s'élevant à 35 milliard forint. ”Si on souhaite changer son concept, c'est comme si on jetait par les fenêtres tout cet argent” – a-t-il ajouté.
Judit Zeisler