Un combat difficile
L’intégration européenne des Roms
La stratégie pour l’intégration des Roms pourrait devenir une des réussites de la présidence hongroise, si on arrive à définir une vraie ligne politique européenne sur ce sujet, et cela malgré toutes les contraintes existantes.
Les Roms luttent contre «un degré intolérable d'exclusion et de violations des droits de l'homme, de stigmatisation grave et de discrimination dans la vie publique et privée», souligne la résolution sur l’intégration des minorités adoptée par le Parlement Européen avec 576 voix (32 contre et 60 abstentions) le 9 mars dernier. L’auteur du rapport, Lívia Járóka (Eurodéputée hongroise issue de la minorité Rom et élue Fidesz), a reconnu que le soutien de l’ensemble des partis du Parlement Européen et de manière générale de tous les Etats-à cette résolution constituait un réel succès et une avancée.
Dimension territoriale et économique
Une des idées principales développée dans le rapport de Lívia Járóka repose sur la dimension terrioriale de l’exclusion.
Selon cette dernière, la stratégie de l'UE doit se fonder sur ce principe majeur : «La pauvreté et l'exclusion sociale se concentrent dans les micro-régions sous développées qui, dans de nombreux Etats membres, sont surtout occupées par la communauté Rom”- a-t-elle déclaré. Son rapport préconise la réalisation d’une carte européenne de crise pour évaluer quelles sont les micro-régions les plus touchées par la pauvreté et l’exclusion sociale, et le partage par conséquent des subventions qui visent à répondre aux inégalités géographiques.
Kinga Göncz, députée européenne MSZP, ancienne ministre des Affaires sociales, rejoint le point de vue de sa collègue et affirme qu’il est impératif désormais que cette question ethnique soit traitée plus sérieusement, notamment sur la base de statistiques fiables et pas sur des chiffres obscurs comme c’est le cas aujourd’hui. Elle reconnait également que la discrimination et la ségrégation scolaire peuvent être expliquées par la situation économique défavorable de cette minorité.
La situtation des Roms ne s’est pas améliorée malgré les sommes importantes (plusieurs millions d’euros) dépensées pour leur intégration. La question Rom a en effet toujours été traitée sous divers angles (logement, ségrégation scolaire, discrimination) mais jamais dans sa globalité. Lors de la présentation de la stratégie Rom à Strasbourg, Zoltán Balog, Secrétaire d’État responsable de l’intégration sociale des Roms, a souligné que la situation actuelle des Roms en Hongrie est pire qu’avant le changement de régime. Pour lui, le sujet des Roms nous interroge sur le fonctionnement démocratique.
Les Roms sont la plus grande minorité ethnique de l’UE (entre 10 et 12 millions de personnes). La plupart d’entre eux sont des citoyens de l’UE, résidant dans les 27 Etats membres. Il a fallu attendre que des Tziganes romans et bulgares soient expulsés de France pour que l’UE prenne en compte la question des Roms et comprenne que ce sujet n’est pas l’exclusivité des pays d’Europe de l’Est et d’Europe Centrale. Cela fait pourtant des années que des organisations civiles réclament l’élaboration d’une directive commune sur l’intégration des Roms. Ce n’est donc qu’en automne 2010 que les dirigeants des Etats-membres européens ont accepté d’avancer sur ce dossier et de fixer comme priorité de la présidence hongroise la stratégie pour les Roms.
Oubli ou reconnaissance
«Si lors de la présidence hongroise, on n’arrive pas à faire de l’intégration des Roms une priorité pour l’UE, cette question pourrait tomber à nouveau dans l’oubli» – a affirmé Lívia Járóka. La Commission européenne qui devrait rendre sa proposition avant le 5 avril prochain, insiste, quant à elle, sur l’importance de la responsabilité nationale en la matière. László Andor, commissaire européen en charge de l'emploi, de la politique sociale et de l'intégration, propose lui aussi une approche basée sur des stratégies nationales, indispensables pour prendre en compte «la diversité des réalités» dans les différents pays. Les experts interrogés par l’hebdomadaire HVG se sont montrés sceptiques sur le succès final de cette initiave. Ils estiment en effet que les montants qui devront être déployés sur ces politiques d’intégration des Roms dans chaque pays pourraient avoir des impacts sur l’image et la popularité des gouvernements.
La présidence hongroise de l'UE accueillera la cinquième réunion de la délégation européenne pour l'intégration des Roms à Budapest les 7 et 8 avril prochains, dates qui coïncideront avec la Journée internationale des Roms. Le Conseil européen devrait ensuite adopter une stratégie sur ce sujet lors de sa réunion du 24 juin. Affaire à suivre...
Judit Zeisler