Un air de 1989 à Bucarest

Un air de 1989 à Bucarest

Citoyens, unissez-vous! «Comme on a fait en 1989, quand on a renversé la dictature!». Parole d'étudiant gauchiste? Non. C'est ainsi que, le 19 mai dernier, Marian Gruia, responsable syndical de la police nationale roumaine, encourageait des milliers de manifestants, dont nombre de ses collègues policiers, à intensifier la lutte. On n'avait pas vu un tel mouvement de masse depuis la chute de Ceausescu.

Entre 30.000 et 60.000 personnes, principalement des fonctionnaires et retraités, transportés par bus des quatre coins du pays, ont envahi les rues de Bucarest pour protester contre la politique de rigueur du gouvernement, sous perfusion du FMI à hauteur de 20 milliards d'euros. Une austérité qui touche l'ensemble de la population, et notamment les plus défavorisés.

La rigueur, encore et toujours

Acculé entre la pression de la rue et les exigences du FMI, le gouvernement d'Emil Boc est maintenant susceptible d'adoucir ses mesures d'austérité, au prix d'une nouvelle annulation d'un versement d'une tranche du prêt, après qu'une crise politique ait retardé un premier virement en novembre 2009. Ce qui rend les prêteurs méfiants vis à vis de la solvabilité du pays: deux enchères, destinées à vendre des bons d'Etat sur les marchés internationaux, ont échoué en mai.

La contestation survient après une dégradation de la situation économique. Après avoir annoncé un déficit budgétaire 2009 plus important que prévu et avoir renoncé à l'objectif de 2015 pour l'adoption de l'euro, Emil Boc a durci son plan d'austérité début mai: réduction de la fonction publique (1/3 de la population active du pays) d'au moins 60.000 postes, des salaires des fonctionnaires de 25% et des pensions des retraités de 15%.

Le pouvoir de la rue

Dans l'immédiat, le gouvernement se cherche une nouvelle légitimité et a laissé entendre qu'il demanderait un vote de confiance au Parlement, où il dispose d'une courte majorité. Emil Boc a aussi formellement demandé aux hauts fonctionnaires œuvrant dans des conseils d'administrations d'entreprises semi-publiques de reverser leur part de dividendes à un fonds de solidarité nationale, sous peine de licenciement. Une décision symbolique qui ne garantit pas de calmer l'humeur des manifestants. Une grève générale est en effet prévue le 31 mai.

Sébastien Gobert

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