A Tunis les palmiers sont menteurs
Rencontre avec le poète et essayiste Joachim Sartorius
Poète et essayiste mais aussi diplomate et intendant du festival de Berlin, Joachim Sartorius est venu à Budapest rencontrer ses amis poètes de longue date pour la présentation de son livre traduit en hongrois. Cela s’est passé à l’Institut Goethe de Budapest avec Péter Nádas autour d’une table ronde animée par András Forgách. Ce berlinois, originaire de Bavière et parfait francophone, a bien voulu répondre à nos questions.
JFB : Pourquoi ce titre : A Tunis les palmiers sont menteurs ?
Joachim Sartorius : J’ai passé mon enfance en Tunisie et cela m’a profondément influencé du point de vue des lumières, de la sensualité qui s’y dégage et aussi de l’architecture arabe avec ces maisons blanches et aussi de la calligraphie. De cette époque j’ai gardé beaucoup d’images comme ces palmiers ancestraux arrondis mais qui ne disent plus la vérité car tout a changé depuis. Bien que je sois né en Bavière, dans les Alpes, les montagnes ne m’ont jamais tellement intéressées - j’aimais surtout la mer et particulièrement la Méditerranée orientale. Mes parents étaient diplomates et peut-être en raison de mon éducation et de l’enseignement que j’ai reçu, j’ai toujours eu beaucoup d’affinités avec la poésie française – d’où mes références : j’ai une profonde admiration pour Pierre Jean-Jouve, Pierre Emmanuel et Saint-John Perse.
JFB : Saint-John Perse fut d’ailleurs diplomate comme vous. Le voyage, la mémoire jouent beaucoup dans vos traductions et vos poèmes, dont le recueil établi dernièrement porte le titre emblématique de «Hôtel des Etrangers».
J.S. : Il y a surtout en Amérique Latine une tradition de poètes qui sont en même temps des diplomates, en commençant par Octavio Paz, Miguel Asturias. Il faut dire qu’en Allemagne il n’y a pas du tout cette tradition. Dans les anthologies de poésie contemporaine, j’ai mis les poètes français comme Jacques Roubaud, Michel Deguy et Bernard Noel dont j’aime beaucoup la poésie. Je l’ai d’ailleurs invité à Berlin au Festival de la littérature, puis on a noué une véritable amitié. J’ai traduit aussi un recueil d’un poète français, Lorand Gaspar, d’origine hongroise, et qui a comme moi vécu en Tunisie – il était médecin chirurgien à Tunis et l’on retrouve également dans ses traductions certains de mes poèmes. Mon dernier recueil traduit en hongrois réunit des poèmes de trois volumes différents. C’est Péter Nádas qui a fait ce choix et je pense qu’il a trouvé une très bonne structure où on accorde une place aux poèmes philosophiques et aux poèmes sur les voyages:
JFB : Vous avez occupé d’autres postes importants, en charge de politique culturelle, comme directeur artistique de la DAAD (Office allemand d’échanges universitaires) notamment. Cela vous a-t-il permis d’établir des échanges avec de nombreux artistes hongrois ?
J.S. : C’est un programme d’artistes en résidence ; des écrivains, des artistes plasticiens sont invités à Berlin pour y travailler toute une année. Il y avait chaque année au moins deux artistes hongrois, des écrivains comme Péter Nádas, Péter Esterházy, László Krasznahorkai, László Földényi, d’autres plus jeunes comme Kukorelly, Garaczi. J’ai été nommé ensuite directeur général de l’Institut Goethe à Munich – travailler avec les 130 instituts dans le monde était passionnant mais c’était une époque difficile. Je suis maintenant l’intendant du Festival de Berlin – où il y a toujours des Hongrois invités. L’année dernière, un hommage a été rendu à Péter Eötvös et on célèbre toujours Kurtág et Ligeti. Je ne peux pas juger la situation culturelle en Hongrie. A Berlin, nous vivons dans une sorte de paradis culturel, nous bénéficions d’une grande liberté d’expression artistique et l’art est encouragé et soutenu financièrement par les pouvoirs publics. C’est pourquoi le théâtre de Berlin peut se permettre une telle programmation.
Éva Vámos
Traductions en français : A Tunis les palmiers sont menteurs, Atelier La Feugraie, 2007
Des ombres sous les vagues, Grèges 2005 – le s deux volumes sont traduits par Françoise-David Schaumann et Joel Vincent
Poèmes traduits par Lorand Gaspar dans la revue Europe n° 918
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