Tribune de Laurent Wauquiez
Présidence hongroise de l'Union Européenne
Pour la première fois de son histoire, la Hongrie a présidé l’Union européenne. Cette présidence s’achève aujourd’hui et la Hongrie peut être fière du travail accompli. Le défi était de taille pour ce pays sorti de la dictature depuis moins d’une génération et revenu dans la maison européenne depuis six ans. Avec la crise financière depuis 2008, présider l’Europe est une gageure. Les répliques de cette crise, dont la situation grecque est le reflet, nous rappellent à quel point l’Europe doit plus que jamais resserrer les rangs pour faire face à ces défis économiques.
Dans notre voisinage, l’Histoire poursuit sa course folle. Les « printemps arabes » fleurissent à nos frontières. Il faut bien sûr s’en féliciter et tout mettre en œuvre pour accompagner ces peuples sur le chemin de la démocratie. Mais il faut aussi anticiper et répondre aux afflux soudain de populations que ces événements provoquent. C’est dans ce sens que nous avons travaillé avec la présidence hongroise pour renforcer Schengen au Conseil européen des 23 et 24 juin.
En France, il était usuel de classer la Hongrie parmi les « pays d’Europe de l’Est ». Aujourd’hui cette expression, qui ignorait à la fois les évidences de la géographie et celle de la vie de l’esprit, est tombée en désuétude : la Hongrie a administré la preuve qu’elle méritait sa place au cœur de l’Europe. Il n’y a plus une nouvelle et une ancienne Europe. J’ai la conviction que cette Europe danubienne, longtemps divisée par l’histoire, réunifiée grâce à la construction européenne, peut être l’« histoire à succès » de l’Europe d’aujourd’hui et de demain. J’y ai multiplié les déplacements depuis ma prise de fonction et je continuerai à le faire, porteur de l’intérêt de la diplomatie française.
La Hongrie peut se targuer d’avoir atteint la plupart des objectifs qu’elle s’était fixée en début de présidence.
La consolidation de la gouvernance économique, un sujet cher à la France, est son œuvre. Alors que le texte réformant le pacte de stabilité devrait être adopté dans les prochains jours, nous devons mesurer l’immense accélération qui a été faite en à peine 6 mois. La situation des Roms a trouvé, grâce à son action déterminée, un début de réponse coordonnée.
Ce succès, la Hongrie le doit à une préparation rigoureuse. Elle le doit aussi et surtout à l’action de mon homologue, Enikô Gyôri. Familière du Parlement européen où elle a longtemps siégé, elle a fait merveille à la présidence des longues réunions européennes organisées à Bruxelles, à Luxembourg ou ici même, à Gödöllô notamment. Nous avons été en contact permanent durant cette présidence. Nous appartenons à la même génération de jeunes politiques pour qui l’Europe constitue une « ardente nécessité » : une construction audacieuse, ancrée dans une identité spécifique, capable d’apporter aux défis de notre temps les réponses concrètes qu’attendent nos compatriotes.
A mes yeux, cette présidence a été marquée par un dossier sur lequel Enikô et moi nous sommes tout particulièrement investis : l’adhésion de la Croatie. C’est une avancée dont la Hongrie toute entière peut s’enorgueillir de l’heureux dénouement.
Cette négociation a, selon moi, une valeur exemplaire. Elle récompense les efforts d’un pays dont la vocation à rejoindre la famille européenne n’était contestée par personne. Les Hongrois, comme les Français, appelaient de leurs vœux l’adhésion de la Croatie et se félicitent de les accueillir au sein de l’Union européenne le 1er juillet 2013. Mais, cet accord de principe sur la vocation européenne de la Croatie ne valait pas blanc-seing. Il fallait s’assurer que le pays candidat mette en œuvre des réformes et les poursuive jusqu’à son adhésion. C’est tout le sens du mécanisme de suivi proposé par la France et la Hongrie, et accepté par la Croatie qui entend démontrer son sérieux dans la durée.
La même démarche doit nous guider pour les autres pays des Balkans occidentaux candidats à l’adhésion. Leur vocation européenne est incontestable. Les négociations d’adhésion devront être rigoureuses, sans calendrier préétabli, en tenant compte des capacités d’absorption de l’Union. La lutte contre la corruption ou la consolidation de l’état de droit nécessitent du temps et des efforts continus. Il est légitime de demander aux Etats candidats des engagements dans la durée. Tel est le message qu’il faut porter ensemble, notamment à la Serbie, qui vient de faire un pas important vers l’Europe avec l’arrestation de Ratko Mladic. La Hongrie voisine la connaît mieux que personne. Son expertise sera utile à toute l’Europe, preuve que la fin de sa présidence ne signifie pas qu’elle quittera la place qu’elle a su se faire au cœur du processus de décision européen.
(Source : Hebdomadaire HVG)