Tilos, une radio du troisième type
Il était une fois un petit bar à Budapest. Ce petit bar était le seul en Hongrie où Frank Zappa avait jamais joué. Le bar, ouvert lors de la saint Sylvestre de 1989 et fermé en 1995 par les autorités, s’appelait “Tilos az Á” (Défense d’Entrer).
C’était un endroit où les intellectuels et les artistes alternatifs de l’époque se réunissaient. Ando Drom, Kispál és a Borz, Korai Öröm, Lajkó Félix, DJ Palotai, Quimby et beaucoup d’autres, tous représentants de la vie musicale alternative hongroise, figuraient ainsi parmi les artistes qui participaient régulièrement à la vie du lieu. C’est là que la Tilos Rádió (Radio Interdite) a commencé à diffuser le 21 août 1991.
La radio Tilos est un phénomène exceptionnel dans les médias hongrois: dès ses débuts, elle fonctionne comme radio libre, avec des présentateurs volontaires : des DJ connus comme Palotai ou Shuriken et des gens qui veulent tout simplement participer à cette entreprise à but non lucratif, discuter des problèmes qui les intriguent ou faire écouter de la musique qu’ils jugent injustement négligée par d’autres chaînes de radio. Tout le monde peut devenir présentateur : il suffit d’avoir une idée, écouter Tilos et lui témoigner de l’intérêt (en participant activement au site de la messagerie et prendre part à des émissions interactives, car, sur Tilos, le téléphone sonne toujours en direct sur le plateau). Après une émission-test, le Conseil d’administration de la fondation Tilos décide.
Tous les membres de l’équipe travaillent pour le plaisir, non pas pour l’argent. Autour de la radio, une petite communauté virtuelle s’est ainsi formée : c’est à l’intérieur de cette com-munauté que la radio trouve ses présentateurs, les équipements techniques (de l’aspirateur aux amplificateurs) et organise les mouvements collectifs comme la fête du Père Noël destinée aux enfants ou la collecte de couvertures au bénéfice des SDF.
La radio, après une période de clandestinité (entre 1991 et 1993), a obtenu sa première fréquence légale en 1995 (98.0 FM), qu’elle partageait avec Fiksz Rádió et Civil Rádió. Sa durée de diffusion a ensuite augmenté, passant de trois fois quatre heures par semaine à 24h/24h pendant un an.
Après une candidature ratée pour obtenir sa propre fréquence en 2000, la radio a été diffusée sur Internet et sur le câble. En mai 2002, une coopération entre trois organismes (le Tilos Kulturális Alapítvány, le Sziget kulturális menedzseriroda et le Bt. organisant les festivals de film Off) a commencé sous le nom de Kultiplex, une institution culturelle aux nombreux profils. Tilos y a installé sa base et son studio et, en 2003, a obtenu le droit de diffusion sur la fréquence 90.3 FM pour 7 ans. En ce moment, la radio envisage un grand changement : trouver un nouveau bâtiment, le Kultiplex étant voué à la démolition (on construira un parc à sa place).
L’affaire la plus fameuse de la radio Tilos a éclaté à propos d’une phrase prononcée le 24 décembre 2003 : “J’exterminerai tous les chrétiens.” Cette menace - bien que tout de suite désavouée par la direction de la radio - a provoqué une hystérie générale, même une manifestation contre la radio, lors de laquelle on a brûlé le drapeau israélien. Tilos a alors failli perdre sa fréquence, mais finalement on ne l’a frappée que d’une interdiction de diffusion pendant 30 jours.
Depuis, la radio fonctionne sans scandale. Son système de financement sert d’exemple à plusieurs radios indépendantes dans le monde : une partie de son budget est garantie par les 1 % de taxes, une autre est gagnée lors de concours radiophoniques, enfin, une grande partie est rassemblée par les donations des auditeurs lors du Tilos Marathon – ce qui témoigne bien de leur loyauté et de la demande publique en matière de radio du “troisième type”.
Kati Fazekas
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