TGV Est
Lorsqu'on parle du „TGV Est” en français, on pense généralement à la ligne ferroviaire qui relie désormais Strasbourg à Paris, avec toutefois quelques améliorations à effectuer au bout du chemin en Alsace. En réalité, l'Alsace est loin d'être le bout du chemin: le TGV Est a pris une dimension européenne au sein de laquelle la connection Paris-Strasbourg ne constitue pour ainsi dire qu'un premier maillon. En effet, le TGV Est est un projet en cours de réalisation dont l'ambition est de relier l'Europe Centrale à la capitale française d'ici 2015. Etat des lieux et enjeux.
Le TGV Est devrait assurer la liaison directe entre Paris et la capitale slovaque, Bratislava. Il s'agit d'un projet de la Commission Européenne (CE): la ligne internationale Paris-Strasbourg-Stuttgart-Vienne-Bratislava constitue le “Projet Prioritaire numéro 17” élaboré par Bruxelles. Mené en parallèle avec d'autres projets du même type, le TGV Est a pour but de renforcer le réseau des transports européens, de faciliter les déplacements au sein de l'Union Européenne élargie, de réduire la distance entre les villes européennes desservies mais aussi de proposer une alternative à l'avion.
Ce projet prioritaire concerne quatre pays membres de l'UE: la France, l'Allemagne, l'Autriche et la Slovaquie. La ligne traverse ainsi trois frontières et nécessite la consultation et l'accord des autorités compétentes de quatre Etats. Quatre pays, trois frontières, cela nous fait trois ensembles d'accords bilatéraux. Afin de me-ner le dialogue avec les responsables (ministres des transports, instances régionales, municipalités pour l'aménagement des gares concernées), la Commission a désigné un “coordonnateur” en la personne de M. Péter Balàzs, diplomate et universitaire hongrois, qui a dirigé l'ambassade de Hongrie en Allemagne et a été par la suite membre de la CE.
Dans son dernier rapport annuel, le coordonnateur a en premier lieu mis l'accent sur les “sections transfrontalières” du le parcours de la future ligne: Strasbourg-Appenweier, avec un nouveau pont sur le Rhin, Munich-Salzbourg pour passer en Autriche et finalement Vienne-Bratislava, pour arriver au terminus. Pour la première section, c'est le passage “outre-Rhin” qui a nécessité un accord bilatéral signé par les ministres des transports français et allemand. Le 14 Mars 2006, les deux ministres ont signé un traité concernant la construction d'un nouveau pont à deux voies au-dessus du fleuve. En ce qui concerne la dernière section, le coordonnateur a rendu compte d'un accord bilatéral et de la signature d'une “lettre d'intention” en Juillet 2007 par les ministres des transports autrichien et slovaque qui met au point “les modalités de la coopération transfrontalière pour cette section”.
Le tracé de la ligne ferroviaire en question fait face à quelques difficultés géographiques. En effet, les voies que nécessite un train à grande vitesse exigent la supression de certains obstacles naturels. Le coordonnateur a choisi la jolie formule de “goulets d'étranglement” pour désigner ces obstacles. Il y en a trois: la section Baudrecourt (Lorraine)-Vendenheim (Alsace), un passage à travers les Vosges qui reste à construire; la section Stuttgart-Ulm en Allemagne, le goulet le plus important selon le coordonnateur, à cause de l'emplacement géographique de la ville de Stuttgart sur un plateau du Jura Souabe et de l'aménagement de la gare centrale de la ville. Le troisième souci concerne la construction d'un tunnel sous le massif du Wienerwald en Autriche. D'après le coordonnateur, “cette section progresse rapidement” et devrait être pleinement opérationnelle d'ici 2013.
La gare de Stuttgart est de type “cul-de-sac”, ce qui veut dire que les trains ne peuvent pas traverser la gare, mais doivent faire demi-tour pour continuer leur route. Pour remédier à ce problème sans toucher à l'architecture de cette gare édifiée en 1922, le plan d'un niveau souterrain permettant le transit direct des trains a été élaboré, mais suscite depuis des années des polémiques et de la résistance dues en majeure partie aux conséquences écologiques que le système de tunnel en question pourrait engendrer.
Le TGV Est rencontre donc des difficultés topographiques à cause des reliefs de son futur parcours. Le projet rencontre aussi des soucis politico-écologiques, il faut convaincre certaines localités des avantages de la nouvelle ligne. Il faut aussi compter avec la gestion financière de ce projet prioritaire. D'une part le financement engage les Etats et les régions impliqués, mais un régime de cofinancement communautaire est également vivement encouragé par le coordonnateur pour les six sections mentionnées (transfrontalières et problématiques). Du point de vue des dépenses, le financement des projets prioritaires est inclus dans le budget 2007-2013, mais c'est au cours du prochain cycle budgétaire que certains projets, dont celui dont nous parlons se verront entièrement réalisés.
En somme, le Projet Prioritaire n°17 s'inscrit dans une politique des transports de l'Europe élargie. Il s'agit en fait d'élargir le réseau des trains à grande vitesse qui roulent déjà en France, en Belgique, aux Pays-Bas (TGV et Thalys) et en Allemagne (ICE) vers l'Est mais aussi le Sud de l'Union. Dans le rapport du Projet 17, le coordonnateur mentionne une éventuelle connection entre la ligne dont il assure la construction et l'axe Nord-Sud Berlin-Palerme (en construction également). L'idée de prolonger les lignes à grande vitesse jusqu'en Roumanie commence également à poindre dans certains esprits. Réduire les distances, gagner du temps, voici les mots d'ordre de ces projets prioritaires. Au lieu de voyager de façon disons traditionnelle, les Européens pourraient ainsi avoir l'opportunité de faire la navette plus facilement entre les pays de l'UE. L'élan de l'élargissement et de l'intégration européennes subsiste en tous cas dans ce domaine, à un moment quelque peu désenchanté de l'histoire communautaire.
Pál Planicka