Terre magyare
La loi limite l'accès à la propriété des terres arables hongroises aux étrangers pour encore quelques mois. Celle-ci sera-t-elle reconduite en mars prochain? Tout porte à le croire. Plus que tout autre type de bien, les biens immobiliers sont souvent considérés comme une composante essentielle du “caractère national”. Ainsi, alors même qu’une amitié sincère unit aujourd’hui la France et l’Allemagne, un jeune berlinois qui voudrait retaper un vieux presbytère dans la région d’Oradour-sur-Glane pourrait se voir mal accueilli, c’est ce que l’on appelle “le poids de l’Histoire”. Personne ne reproche aux Anglais de revenir dans le bordelais mais, on ne peut s’empêcher de remarquer que, finalement, la guerre de Cent ans n’est pas si loin... Ce sentiment est particulièrement fort chez nos amis hongrois, comme chacun a pu le remarquer.
Parmi les biens immobiliers, ce sont, sans conteste, les terres cultivables qui ont la valeur symbolique la plus forte. De fait, faute d’avoir eu les moyens de conserver leurs industries stratégiques, les Hongrois, leur gouvernement en tête, limiteraient bien pour encore trois années l’accès à la propriété de leurs terres arables. La Commission européenne devrait statuer en décembre mais plusieurs pays de l’Union se sont déjà montrés favorables à cette reconduction.
Jusqu’au printemps 2011, plusieurs restrictions limitent encore l’appétit des investisseurs. Tout d’abord, il n’est théoriquement pas possible pour qui que ce soit d’acquérir plus de 300 hectares. Et, en ce qui concerne les étrangers, ceux-ci, pour pouvoir devenir propriétaires de terres en Hongrie, doivent exercer dans ce pays une profession agricole depuis plus de 3 ans. Les bonnes âmes spécialisées nuanceront ce propos en vous disant qu’il est toujours possible d’acquérir 51% d’une société possédant des terres ou même de passer par un prête-nom. D’ailleurs, ces derniers temps, un certain nombre d’investisseurs désireux de changer un peu de secteur, s’interrogent sur l’opportunité d’investir dans la terre en Europe centrale et de l’Est et, pourquoi pas, en Hongrie.
Il faut dire que la terre hongroise présente de nombreux avantages. Tout d’abord son rapport qualité / prix. Avec une échelle de prix qui va de 500 euros à 8000, la terre hongroise est sensiblement moins chère que l’allemande, l’autrichienne ou la française dont le prix oscille plutôt entre 3000 et 16.000 euros selon la qualité, l’emplacement et l’usage. Bien sûr, de nombreux autres pays offrent une terre beaucoup moins chère, mais aussi beaucoup moins proche, particulièrement pour les Autrichiens qui ont toujours manifesté un grand attachement pour la terre de leurs voisins. Pour information, la terre française est plutôt dans la moyenne basse de l’échelle européenne avec un prix moyen autour de 4000 euros contre plus de 30.000 au Pays-Bas, pays où la terre est la plus chère, mais ce n’est pas notre propos...
Selon de nombreux analystes, la terre hongroise est donc sous-évaluée et pourrait voir son prix augmenter, soit en avril 2011 si, mais c’est peu probable, la Hongrie n’obtient pas un délai supplémentaire, soit en avril 2014. Autre avantage, dans une période où le bio est une valeur toujours montante, les terres hongroises sont particulièrement propices à l’agriculture biologique. De manière générale, et grâce à la PAC dont on ne dira jamais assez de mal, les terres agricoles ont vu leur valeur augmenter très largement ces dernières années dans tous les pays de l’Union. Personne ne pouvant présager de la situation en 2014, les paris restent ouverts sur la rentabilité à l’hectare, d’où ce réveil récent des investisseurs.
Néanmoins, en Hongrie, la propriété des terres agricoles est très morcelée, on compte plus de 3,3 millions de propriétaires de parcelles de tailles diverses sur un ensemble, en 2009, de 5,9 millions d’hectares de terres cultivables hors forêts (contre 6 millions en 2004 : à ce rythme là que restera-t-il dans 500 ans se demandent les écologistes qui ont toujours des calculs amusants...), et seules 12 % des parcelles font plus de 100 hectares. Avis aux amateurs : il ne va pas être facile de devenir un latifundiste en Hongrie!
Xavier Glangeaud
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